Rénovation énergétique: Qu’en est-il du devoir d’exemplarité de l’Etat?

Par Laurent F.
Publié: Mis à jour: 7 minutes de lecture
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Alors que le décret tertiaire impose aux entreprises la réduction de leurs consommations énergétiques qu’en est-il des bâtiments publics, et tout particulièrement ceux gérés par l’Etat ? Chef des projets Immobiliers pour l’ARS Normandie, Pierre Panier rejoindra très prochainement la Direction de l’immobilier de l’Etat. Il nous en dit plus.

Le Dispositif Eco Efficacité Tertiaire (DEET), appelé aussi «décret tertiaire», impose une réduction progressive des consommations énergétiques pour les bâtiments consacrés (comme son nom l’indique) aux activités tertiaires dont la surface d’exploitation est supérieure ou égale à 1 000 m2. L’objectif fixé est clair : -40 % en 2030, -50 % en 2040, jusqu’à -60 % en 2050.

Pour y parvenir, il exige des actions déployées non seulement sur la rénovation énergétique des bâtiments, sur la qualité et lexploitation des équipements également, ou encore sur le comportement éco-responsable de leurs usagers. Toutefois, c’est bien évidemment la rénovation qui constitue le principal chantier à mener. Une véritable priorité comme nous le confirmait récemment le politologue Thomas Guénolé: «Les grands travaux d’isolation thermique doivent devenir la priorité écologique absolue des collectivités locales. Écologiquement, ce dossier doit passer avant tous les autres.» Certes. Mais qu’en est-il de l’Etat et des bâtiments qu’il gère ? Et de son fameux devoir d’exemplarité ? 

Un audit pour établir une stratégie au long cours

Chef des projets Immobiliers pour l’antenne normande de l’Agence Régionale de Santé (ARS Normandie), Pierre Panier a en charge la stratégie immobilière de cette agence pourvue de 10 000 m2 répartis sur cinq sites (un par département normand). Il s’occupe à la fois de l’Asset management, du Property management et du Project management. Il nous explique la politique de l’ARS au regard de cette exemplarité forcément exigée :

«Nous nous inscrivons aujourd’hui dans une dimension évidemment plus vertueuse en terme d’économies d’énergie. Notamment sur le bâtiment qui, chez nous, représente forcément un très gros poste de consommation. Cela passe par les différentes exigences fixées par le gouvernement dElisabeth Borne en octobre dernier : les fameux 19° dans les bâtiments publics, la condamnation des eaux chaudes dans les sanitaires etc… Mais, à l’ARS, nous avons souhaité aller plus loin. Pour ce faire, nous avons réalisé un audit sur le seul de nos sites à être concerné par le décret tertiaire, l’Espace Monet, notre siège à Caen (environ 5 000 m2). Cet audit nous a permis d’organiser un bouquet de travaux chiffré afin de nous permettre d’atteindre les différents objectifs. Il nous a également permis d’établir un plan pluri-annuel de travaux, et de fixer ainsi une stratégie au long cours.»

Siège de l’ARS Normandie, à Caen

Des économies d’énergie immédiates

Concrètement, quelles décisions ont été prises, suite à cet audit? Pierre Panier poursuit: «Nous privilégions deux scénarios. L’un (le plus onéreux) concerne l’enveloppe du bâtiment, l’autre (plus « modeste » financièrement) les équipements. Bien entendu, cet audit nous a aussi permis d’identifier les sources potentielles d’économies et les solutions techniques ou organisationnelles qu’on peut apporter plus ou moins rapidement selon les cas. Ainsi par exemple, en janvier-février derniers, nous avons fait 47 000 Kw d’économie sur le chauffage. Nous avons simplement installé une butée thermostatique sur les convecteurs qui bloque la température à 19°. Sur un bâtiment de 5 000 m2 qui abrite 350 postes de travail en multi-occupation, cela constitue une énorme économie ! À terme, nous allons remplacer ces radiateurs pourtant performants pour privilégier une pompe à chaleur air-eau dont on sait tous qu’elle est bien plus efficace. Cela nous permettra d’atteindre nos objectifs jusqu’en 2050.»

Les travaux de la cité administrative Porte des postes à Lille devraient s’achever fin 2023.

Cités administratives, casernes, hôtels des douanes et prisons sont aussi concernés

Mais, outre ces bâtiments de santé forcément très énergivores, quid des autres bâtiments régis par l’Etat ? Pierre Panier quittera l’ARS Normandie en mai prochain pour rejoindre la Direction de l’immobilier de l’Etat. Ainsi gérera-t-il tout le parc immobilier interministériel de Normandie, accompagnant sa nécessaire transition énergétique et environnementale. Là encore, il est donc le parfait interlocuteur pour nous répondre ! «Sont concernées les cités administratives, notamment. Elles sont une cinquantaine sur toute la France, dont 38 ont été labellisées dans le cadre d’un projet de rénovation énergétique suscité par le grand plan d’investissement souhaité par le Premier ministre d’alors, Édouard Philippe. Il monopolisait 1 milliard d’euros qui ont fondu comme neige au soleil ! La cité administrative de Rouen (dont j’ai été partie prenante) a ainsi mobilisé à elle seule 96 millions d’euros. Elle concentrera l’essentiel des services de l’Etat de la région Normandie.» 

Un patrimoine hétéroclite et particulièrement énergivore

À celles-ci, viennent encore s’ajouter les innombrables prisons, casernes, hôtels des douanes et autres bâtiments destinés aux services de police et de gendarmerie partout en France. «C’est un patrimoine très hétéroclite, et -osons le dire- très énergivore, et peu ou pas performants ! Les prisons, par exemple, sont souvent des vieux bâtiments qui n’ont pas toujours été entretenus, ou qui n’ont pas obtenu les subventions nécessaires pour leur conservation. Alors on en arrive trop souvent à une classe énergétique F ou même G, ce qui est aberrant ! De plus, ils présentent généralement de grands volumes. Ainsi, les douanes -outre leur partie administrative- disposent bien souvent de hangars ou d’entrepôts.

L’une de mes missions consistera à fédérer un réseau de gestionnaires de parcs afin qu’ils puissent eux-mêmes réaliser leur audit énergétique. Ils pourront analyser les sources de consommation, et à fortiori les économies à réaliser. Avec des spectres bien connus: l’enveloppe du bâtiment, son utilisation ou son organisation, et ses équipements.»

«L’Etat s’est donné les moyens pour ramener son parc immobilier dans la sobriété. (…) il y aura sans doute des embûches, mais c’est une voie absolument nécessaire!»

Des budgets colossaux, et le soutien d’AGILE

Face à l’absolu gigantisme de ces travaux et aménagements, on devine aisément l’enveloppe budgétaire exigée. Mais des soutiens sont là qui peuvent accompagner l’Etat dans ses projets. «Pour pouvoir bénéficier de ce type d’aides (que j’aime bien appeler «outils», car l’Etat s’est vraiment constitué une boîte à outils) il existe la société publique AGILE (AGence de l’Immobilier de L’État) qui, jusqu’ici, était surtout utilisée dans sa fonction syndic : elle gère les cités administratives, du moins celles qui sont préfiguratoires. AGILE vient aussi de développer une task force afin de pouvoir mener ces audits énergétiques sur de gros bâtiments, et déterminer ainsi un bouquet de travaux chiffrés. Il est clair, en tout cas, qu’en cette ère post Covid l’Etat s’est donné les moyens pour ramener son parc immobilier dans la sobriété. La route est encore longue, mais le chemin est déjà bien tracé. Certes, il y aura sans doute des embûches, mais c’est une voie absolument nécessaire !»

Pour en savoir plus sur l’actuelle rénovation énergétique des cités administratives, c’est ici.

 

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