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Pierre-Yves Bournazel

Pierre-Yves Bournazel: « Paris doit, avec ses partenaires, travailler à l’élaboration d’un nouveau modèle de mobilité durable, attractif et accessible au plus grand nombre.»

par Laurent F.

Après que David Belliard ait répondu à nos questions, nous avons souhaité donner la parole à un élu de l’opposition municipale. Conseiller de Paris et ancien député du 18ème arrondissement, Pierre-Yves Bournazel est également co-Président du groupe Indépendants et Progressistes. Il fait partie des potentiels candidats à la succession d’Anne Hidalgo à la Mairie de Paris. Il a accepté d’aborder pour nous les questions liées à l’urbanisme, à la végétalisation, à l’écologie, mais aussi à la logistique et aux mobilités parisiennes.

Dans notre récente interview, David Belliard nous disait que la question de la logistique est devenue prioritaire dans l’agenda. Les ambitions municipales vous semblent-elles aller dans le bon sens?

Pierre-Yves Bournazel: «En effet, la question de la logistique urbaine est prioritaire comme enjeu avant tout écologique, mais aussi économique et social. Nous devons être innovants pour l’optimiser en facilitant la création de plateformes logistiques urbaines mutualisées et en faisant du transport fluvial un axe structurant. Il faut, par exemple, œuvrer à l’amélioration du transit Rungis-Paris car, chaque jour, de nombreux véhicules empruntent le périphérique souvent congestionné pour effectuer des livraisons dans la capitale. Les nombreuses transformations que connaît notre société bouleversent l’organisation des flux de livraison, et les innovations de mobilités offrent de nouvelles perspectives. Nous devons donc porter une réflexion globale, intégrant urbanisme, transport et infrastructures en travaillant en étroite collaboration avec tous les acteurs. Paris doit être un laboratoire et apporter de nouvelles solutions durables afin de conjuguer amélioration de la qualité de vie, respect de l’environnement et rayonnement économique.

Notre capitale a pris du retard en la matière. C’est donc une bonne chose que David Belliard ait décidé de se préoccuper de ce sujet. J’attends maintenant qu’il nous indique un calendrier et les annonces budgétaires pour assurer la mise en œuvre de ces nouvelles mesures. À Paris, nous avons un réel besoin d’indicateurs transparents de suivi des politiques publiques.»

Depuis des années, je propose l’expérimentation du transport 24h/24 les vendredis et samedis soir, au moins sur les lignes automatisées. Pourquoi ne pas concrétiser enfin cette proposition?

Pierre-Yves Bournazel

Le fonctionnement des Vélibs fait débat. Métro et bus accumulent les dysfonctionnements, et Paris verra partir ses flottes de trottinettes le 1er septembre. A un an des J.O. la capitale est-elle à la hauteur des enjeux?

Pierre-Yves Bournazel: « Métros bondés, RER en retard, offre de bus qui se raréfie, aides à l’achat de vélo fortement diminuées… les moyens de transport des Parisiennes et des Parisiens sont de plus en plus inefficaces et complexes. Alors que nous sommes à moins d’un an des J.O., plus que jamais la mission des pouvoirs publics est d’assurer aux habitants la libre capacité à circuler dans leur ville. Hélas, cette mission n’est plus suffisamment assurée. Il y a urgence à agir. 

Comme usager quotidien des lignes 12 et 4, je constate la dégradation du service. Je réitère donc ici mes propositions pour un véritable plan d’investissement avec des obligations de résultats afin de rénover les trains et de renforcer l’attractivité du métier de conducteur. Paris doit porter davantage la voix des Parisiennes et des Parisiens dans le cadre des négociations au sein d’Île-de-France Mobilités pour accélérer les investissements vers la régularité, l’accessibilité PMR, la propreté et la sécurité dans les transports. Depuis des années, je propose l’expérimentation du métro fonctionnant 24h/24 les vendredis et samedis soir, au moins sur les lignes automatisées. Pourquoi ne pas concrétiser enfin cette proposition?»

Et du côté des bus ?

Pierre-Yves Bournazel: «Il faut refaire du bus qui est, selon moi, le mode de transport le plus agréable, un moyen de transport plus efficace au quotidien. Cela nécessite probablement un certain nombre de réaménagements afin, notamment, qu’il soit moins entravé dans son trajet. Il faut aussi relancer les projets de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) d’est en ouest et étudier une ligne du nord au sud. De telles lignes, rapides, moins coûteuses que des lignes de métro ou de tramway, permettraient de désengorger une part des lignes actuelles du métro en leur apportant une offre complémentaire et structurante de transports publics.»

«Nous ne sommes pas contre la voiture. Nous sommes contre son usage systématique, (…) dans des lieux où des alternatives existent.» Que vous inspirent ces propos de David Belliard? 

Pierre-Yves Bournazel: «Du bon sens. Oui, il faut inciter les Parisiens et les Parisiennes mais aussi et surtout les Grands-Parisiens et les Grandes-Parisiennes à délaisser les modes de transport polluants. Pour cela, il faut construire une offre de mobilité alternative pour Paris et le Grand Paris. Agir en faveur du développement des mobilités douces implique de reprendre la main et de donner de la visibilité sur l’offre globale offerte à ceux qui souhaitent se déplacer sans utiliser leur véhicule individuel.»

Le vélo serait-elle la meilleure solution ? 

Pierre-Yves Bournazel: «Le vélo est une solution évidente pour proposer une alternative complémentaire à la voiture et aux transports en commun dans une zone aussi dense que notre capitale. Je partage la vision des associations sur la nécessité d’aller plus vite et plus loin en matière de pistes cyclables à Paris. Après le retard dans la mise en œuvre du Plan Vélo 1, la Ville de Paris est une nouvelle fois en retard dans la réalisation de son Plan Vélo 2. À mi-mandat, la majorité municipale n’a réalisé que 18% de ce Plan. Il faut accélérer. À Paris mais aussi à l’échelle métropolitaine en concertation avec les communes riveraines pour développer massivement les infrastructures cyclables et privilégier les pistes en site propre. Par ailleurs, je crois au développement massif de l’apprentissage du savoir-rouler dans les écoles parisiennes et pas que, en lien avec toutes les associations et les mairies d’arrondissement. 

Paris a également perdu beaucoup de temps dans la construction de parkings-relais à ses portes et sur des axes autoroutiers stratégiques reliés aux transports en commun. La détention de la carte Navigo permet de s’y garer à un tarif préférentiel, voire gratuitement, et incite ainsi les automobilistes à laisser leur véhicule en dehors de Paris. Encore faut-il de l’offre! Malheureusement elle n’est toujours pas suffisante. Paris revendique un rôle emblématique dans la transformation écologique de nos modèles de production et de consommation. Notre capitale doit, avec ses partenaires, travailler à l’élaboration d’un nouveau modèle de mobilité durable, attractif et accessible au plus grand nombre.»

@Lime

Vous vous êtes prononcé pour le maintien des trottinettes. Que vous inspire leur retrait?

Pierre-Yves Bournazel: «Le seul Conseiller de Paris à s’être prononcé publiquement en faveur du maintien et d’une meilleure régulation, c’est moi!  Je regrette que la majorité municipale n’ait pas su adapter la Ville au moment opportun, et qu’elle ait laissé la situation se dégrader pendant plus de cinq ans. Dès 2018, j’ai alerté l’exécutif sur les difficultés créées par les trottinettes en libre-service sur l’espace public, et la nécessité de protéger davantage les usagers les plus vulnérables. A savoir les piétons, notamment les plus âgés et les personnes en situation de handicap. En 2019, comme député de Paris, j’ai soutenu, contribué et voté la loi d’orientation des mobilités qui offrait aux communes un pouvoir de régulation inédit (vitesse maximale, zones de stationnement, nombre de véhicules, zones spécifiques à basse vitesse…). Malgré des premières mesures prises à l’été 2019, la Mairie de Paris n’a pas réussi à organiser ni à réguler les trottinettes en libre-service. 

En parallèle, l’absence de volonté politique pour renforcer la police municipale parisienne n’a pas permis de délivrer les indispensables sanctions aux contrevenants aux comportements dangereux. On ne le répètera jamais assez: l’apaisement global de l’espace public passera par une police municipale suffisamment dotée en moyens et en effectifs. Pour autant, l’échec de la Maire de Paris devait-il conduire à l’interdiction? Je ne le pense pas. Pour moi, la gestion de la ville ce n’est pas «tout ou rien». Interdire n’est jamais un choix de gouvernance, mais plutôt un acte d’impuissance. L’exécutif municipal aurait pu et dû davantage co-construire des solutions pour aller plus loin dans la sécurité des usagers et des piétons. 

«Au fond, si d’autres villes ont réussi à réguler les trottinettes, pourquoi Paris n’y arriverait pas?»

Pierre-Yves Bournazel

Qu’aviez-vous proposé?

Pierre-Yves Bournazel: «Par exemple le renforcement de la limitation de vitesse dans certaines zones géolocalisées, l’interdiction de circuler dans les rues piétonnes ou encore l’obligation de doter toutes les trottinettes de la technologie qui rend impossible de se tenir à deux sur un même engin. Je plaidais également pour leur intégration dans une économie circulaire en demandant aux opérateurs des exigences durables fortes en faveur de la diminution du coût carbone de chacune des étapes de la vie des engins. Et j’avais aussi demandé la création de vraies places de parkings unitaires (comme à Poitiers, Lorient ou Evry-Courcouronnes), qui auraient garanti un meilleur ordonnancement logistique et visuel. Bref, il existait des solutions alternatives pour éviter l’interdiction pure. Au fond, si d’autres villes ont réussi à les réguler, pourquoi Paris n’y arriverait pas?»

Reviendront-elles en cas de changement de majorité aux prochaines élections municipales ? 

Pierre-Yves Bournazel: «Ce serait une erreur de fermer la porte à toute réflexion sur le sujet. En tout cas, ce qui est certain, c’est qu’elles ne doivent pas revenir dans les mêmes conditions qu’en 2018. Comme je l’ai dit précédemment, tout cela doit s’inscrire dans une réflexion plus large. Paris doit être la capitale de la liberté et de l’écologie. Nous devrions avoir l’ambition de faire de notre ville, la métropole la plus exemplaire au monde en la matière.»

Tour Triangle

Toujours dans notre interview, David Belliard évoquait l’actualisation du PLU parisien. PLU que vous avez vivement critiqué. Que lui reprochez-vous?

Pierre-Yves Bournazel: «Un Plan Local d’Urbanisme c’est un moment important dans l’histoire d’une commune. Celui où se dessine une vision de la Ville, un cap. Ce que je regrette dans l’approche de l’exécutif parisien c’est justement l’absence de vision et de stratégie en la matière. En quelques années, Paris a gagné 3 millions de m2 construits. Notre capitale est l’une des villes les plus denses du monde. Chaque parcelle de foncier disponible a été construite, souvent de façon excessivement dense et dans un urbanisme privilégiant la minéralité. Les exemples sont légion: place de la République, place Jules Joffrin, Tours Duo, projet de la Tour Triangle, place de la Bastille, projet Bercy-Charenton, projet Austerlitz… Avec constance, je me suis opposé à ces projets, et j’ai dénoncé l’hyper-densification ainsi que le bétonnage de Paris.

Aujourd’hui, après avoir bétonné des espaces de respiration, construits des tours de grande hauteur et hyperdensifié Paris, la majorité municipale souhaite «dé-densifier» notre capitale. Ce qu’elle annonce prouve que sa politique depuis dix ans n’était pas la bonne! Plus étonnant encore, contraint de satisfaire sa majorité divisée entre communistes et écologistes, l’exécutif a fait le choix de présenter un nouveau Plan Local d’Urbanisme prônant tout à la fois l’hyperdensification et la végétalisation. Ces ambitions contradictoires font courir le risque d’une occasion manquée. Comment peut-on appeler son PLU «bioclimatique» et promouvoir en même temps la construction de la Tour Triangle?

Je pense que la priorité aurait dû être de rompre totalement avec la logique actuelle qui consiste à transformer des espaces de respiration en immeubles ou d’augmenter la surface de bureaux dans Paris. Pour construire un Paris durable, il ne s’agit pas de dédensifier Paris de ses habitants mais bien de dédensifier Paris de son béton. Il aurait donc fallu un changement de logiciel et un changement d’échelle. Mais répondre aux enjeux de demain par la mise en œuvre de propositions de rupture nécessite des moyens sans précédent que ne permet pas l’état actuel des finances de la Ville, et de savoir travailler avec l’ensemble de ses partenaires.

Un changement d’échelle, qu’entendez-vous par là?

Pierre-Yves Bournazel: « À l’annonce de la révision de ce PLU, nous aurions pu nous attendre à ce que l’exécutif parisien anticipe davantage l’enjeu majeur du Grand Paris. Car l’avenir de Paris se joue dans une communauté de destin avec sa métropole. C’est la logique de son développement. Notre belle capitale ne peut espérer résoudre seule le défi du changement climatique, des mobilités, du rayonnement économique et culturel, de la crise du logement avec la même stratégie, la même gouvernance ou le même périmètre que celui d’hier. Là où n’importe quelle commune serait naturellement amenée à développer avec des partenaires des outils de programmation en matière d’urbanisme, d’écologie et de logement, Paris demeure tenté de conserver une logique de concentration des pouvoirs. Pour agir à la bonne échelle et savoir travailler avec ses partenaires, je plaide pour un Plan Local d’Urbanisme du Grand Paris

Paris, La Défense

Quelles propositions ont été faites par votre groupe Indépendants et Progressistes que vous co-présidez?

Pierre-Yves Bournazel: «Nous en avons fait de nombreuses. Initier un nouvel état d’esprit, une nouvelle méthode ainsi qu’une nouvelle échelle de gouvernance sont déjà des propositions en soi. Mais nous avons aussi proposé des solutions concrètes. Nous portons l’idée que Paris doit assumer pleinement sa transformation écologique. Une transformation écologique forte tout en préservant sa beauté et son identité singulière. En résumé, le beau et le vert. Nous avons notamment défendu le classement de la Petite Ceinture en zone urbaine verte. Si la majorité municipale l’avait accepté, cela aurait permis la création du plus grand espace vert de Paris. Nous avons plaidé également en faveur d’un grand plan de végétalisation des boulevards des Maréchaux. J’ai proposé de faire du non-abattage d’arbre un principe et d’instaurer la règle, si l’abattage est inévitable, pour un arbre abattu deux arbres similaires replantés.

Nous avions également travaillé à des propositions visant à améliorer la qualité de vie, notamment sur l’acoustique des logements, l’augmentation de la surface habitable des appartements neufs ou de la part de surface d’espaces libres dans toute nouvelle construction ou réhabilitation. Dans les nouvelles constructions, j’ai proposé de valoriser l’utilisation de la pierre de taille qui est à la fois écologique et beau. Elle fait partie de l’identité des rues et de l’architecture parisienne. Je pense vraiment qu’il est temps de renouer avec la beauté de Paris et de préserver l’exception culturelle parisienne. Sans renoncer à l’innovation, à la créativité et à tous les nouveaux projets mais en intégrant tous les gestes architecturaux et les choix d’aménagement de l’espace public dans le respect du paysage parisien. Bref, nous élaborons des propositions constructives, malheureusement toujours rejetées par principe par l’exécutif municipal.

«Il faut un autre état d’esprit et une autre méthode pour construire une stratégie d’avenir en matière d’urbanisme et d’écologie pour Paris»

Pierre-Yves Bournazel

Mais, pour une partie de ces propositions, n’est-ce pas déjà (dans l’esprit ou l’intention) ce que fait déjà l’équipe municipale?

Pierre-Yves Bournazel: «Non, je ne le pense pas. Ces dernières années, chacun d’entre nous a pu mesurer que notre ville changeait. Parfois positivement, mais souvent avec le sentiment que la qualité de vie, l’attractivité, le rayonnement culturel, l’efficacité économique, l’expression du beau n’étaient plus au rendez-vous. Et qu’aujourd’hui un nombre important de politiques publiques n’atteignaient plus les objectifs fixés. Pour autant, ma conception de l’opposition ne consiste pas à dénoncer mécaniquement l’action de la majorité municipale, mais à proposer une alternative solide. Et quand les choses vont dans le bon sens, je les soutiens. Malheureusement avec la majorité actuelle, leur mise en œuvre s’avère souvent plus délicate. L’exécutif parisien annonce beaucoup, mais gouverne peu.

Où est la forêt urbaine Place de l’Hôtel de Ville promise par la majorité en 2020? Comment expliquer que sur les 170 000 plantations d’arbres promis pour la mandature, seulement 22% aient été planté à mi-mandat?

Comment justifier qu’en 2023 la Ville ait baissé son budget alloué à la plantation d’arbres et à la végétalisation ainsi que celui pour l’entretien des arbres et des bois de plus de 3 millions d’euros?

Il faut un autre état d’esprit et une autre méthode pour construire une stratégie d’avenir en matière d’urbanisme et d’écologie pour Paris.»

Sur l’écologie justement, lors du dernier Conseil de Paris vous avez présenté un amendement visant à interdire la pêche de loisir à Paris. Pourquoi? Et a-t-il été adopté?

Pierre-Yves Bournazel: «Non il ne l’a pas été et je le regrette. C’est une demande portée par des associations depuis de nombreuses années. Depuis 2010, un arrêté préfectoral interdit la consommation des poissons pêchés dans la Seine et le canal de l’Ourcq pour des raisons de santé publique et de pollution. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, on ne peut plus pêcher les poissons pour les consommer, mais on peut continuer à le faire pour le «loisir». Cette situation m’apparaît absurde, d’autant plus que cette pratique de «loisir» engendre beaucoup de souffrance animale et que nous savons maintenant, grâce à la science, que les poissons sont dotés d’un système nerveux central, et qu’ils ressentent la douleur. La pêche est un sujet prioritaire, tout comme la question des balades à poneys dans les parcs parisiens. La Ville de Paris doit avancer beaucoup plus vite et aller plus loin en matière de bien-être animal. C’est une cause qui, je le crois, dépasse les clivages partisans. Et sans parler en leur nom, je pense que les Parisiennes et les Parisiens attendent de leurs élus que nous nous retrouvions autour de ce sujet et que nous agissions très concrètement.

 

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