Après nous en avoir dit plus sur l’avenir de la logistique parisienne, l’adjoint de la Maire de Paris en charge de la transformation de l’espace public, des transports, des mobilités, du Code de la rue et de la voirie a profité de sa venue aux 2èmes Rencontres Villes et Entreprises durables consacrées à la logistique et aux flottes d’entreprise organisées le 23 juin dernier par Make a Move pour répondre à nos questions sur la place de la voiture dans Paris.
Le sujet fait débat, et créé même les polémiques: la municipalité parisienne mène une politique forte contre la voiture… Quel bilan en tirez-vous ?
David Belliard: « Sur ce sujet, Paris a toujours été à l’avant-garde. Nous en parlons depuis dix ans! Plusieurs dispositifs ont été créés, comme les ZFE. Mais, pour nous, la ZFE est «seulement» l’un des éléments du dispositif. Notre priorité est effectivement de réduire la place de la voiture. Donc de réduire leur nombre. Et ça marche! Depuis vingt ans, la circulation automobile baisse chaque année de 5% en moyenne. En clair, il y a vingt ans il y avait deux fois plus de voitures à Paris qu’il n’y en a aujourd’hui! Moralité: moins vous donnez de place à la voiture, moins elle est utilisée. A contrario, plus vous donnez de place au vélo, plus les gens l’ utilisent. Mais cela implique bien des problématiques.»
Lesquelles ?
David Belliard: «Notamment un message politique qui peut être perçu de façon très violente chez celles et ceux qui ne peuvent pas faire autrement que d’utiliser leur voiture et qui ne vivent pas à Paris. Il est souvent très difficile d’expliquer que, non, nous ne sommes pas contre la voiture. Nous sommes contre son usage systématique, de manière auto-soliste, et dans des lieux où des alternatives existent. A Paris, il y en a. Sans doute même est-ce l’une des villes où il y en a le plus au monde!»
Certains aimeraient voir créer un péage urbain à l’image de ce qui se fait à Londres. Qu’en pensez-vous?
David Belliard: «C’est le choix qu’on n’a pas fait! Imaginez la bronca que cela susciterait! Bien sûr, sur le plan de l’efficacité ce peut être interessant mais le coût politique me semble bien trop important. La ZFE suscite déjà des débats, alors imaginez le péage… De toutes façons je refuse de véhiculer un message qui tendrait à dire que Paris est réservée aux plus riches. Ce serait beaucoup trop violent !…»
A propos de la ZFE, les vignettes CritAIR 3 devaient être interdites à compter du 1er juillet. De toute évidence, elles ne le seront pas. Pouvez-vous nous dire quelles sont les nouvelles échéances?
David Belliard: «Non, je ne peux pas vous répondre. D’abord parce que la Mairie de Paris n’a pas la main sur le sujet. C’est la Métropole du Grand Paris qui l’a. Au prochain Conseil Métropolitain qui aura lieu ces jours-ci nous voterons effectivement un report, et ma position sera de limiter au maximum sa durée. Mais, à l’heure qu’il est, je suis incapable de vous dire ce qui sera décidé. Aujourd’hui, nous avons un vrai problème de visibilité, on ne peut pas le nier. Vous ne savez pas quelles sont les échéances? Eh bien, moi non plus! C’est très problématique car les différents acteurs (les entreprises, notamment) ont besoin d’anticiper face aux investissements que la ZFE nécessitera. Or, à force de procrastiner les pouvoirs publics ne sont plus en capacité de le faire. Pourquoi procrastinent-ils? Parce qu’ils ont peur d’avancer. Ils craignent une bombe sociale. Peut-être à juste titre, d‘ailleurs! Mais il faut bien traiter le problème…»
Stationner dans Paris est devenu un vrai parcours du combattant, non?
David Belliard: «Pour une voiture circulant dans Paris, il existe cinq places de stationnement disponibles. Sauf que nous ne les voyons pas puisqu’elles sont en sous-sol. Or, les parkings sous-terrains sont peu utilisés. Nous travaillons donc avec différents acteurs pour les transformer. Nous avons lancés des appels d’offre sur les places non utilisées qui sont gérées désormais par ces opérateurs et accessibles aux usagers sur abonnement depuis leur smartphone. Plusieurs milliers de places ont ainsi été créées. Et ce n’est évidemment pas tout. La transformation de ces parkings municipaux passe aussi par le vélo. Sur tous les parkings concédés, nous avons fixé l’obligation de créer des stations vélos sécurisés. Il s’agit pour nous de basculer au maximum vers le stationnement en sous-sol. D’ailleurs, vous pouvez observer que l’écart de prix entre les stationnements en surface et ceux en sous-sol se réduit. Et il continuera de se réduire, car ce basculement est nécessaire.»
A-t-on vraiment besoin de se balader en 4×4 dans cette ville? Bien sûr que non. (…) Alors, puisque nous ne pouvons pas les supprimer, oui, nous leur ferons payer plus cher le stationnement!
David Belliard
A ce propos, le modèle lyonnais (qui s’apprête à faire payer plus cher le stationnement aux véhicules les plus lourds) peut-il s’appliquer à Paris?
David Belliard: «Il y a là un vrai sujet. Paris n’est pas une zone reculée: a-t-on vraiment besoin de se balader en 4×4 dans cette ville? Bien sûr que non! Certes, c’est une question de liberté individuelle, m’objecteront certains. Mais l’urgence climatique est là. Alors réservons ces 4×4 aux zones où l’on en a vraiment besoin! Et, puisque nous ne pouvons pas les supprimer, alors -oui- nous leur ferons payer plus cher le stationnement!»
Un mot pour conclure?
David Belliard: «J’ai une conviction : la question n’est pas de savoir si oui ou non nous avons raison de transformer cette ville, mais de savoir si nous allons assez vite. Et ça, c’est dans dix ou quinze ans que nous le saurons! J’espère simplement que, oui, nous allons assez vite…»