Petit rappel des faits. Nous sommes au début février 2023. On vous en parlait ici: dans le cadre du premier forum de l’Agence pour l’innovation dans les transports (AIT) le ministre délégué Clément Beaune annonçait souhaiter la mise en place d’un billet unique qui permettrait de se déplacer en train partout en France. A la clé, un hackathon a même été organisé par l’AIT qui a abouti à la candidature de 70 entreprises parmi lesquelles la RATP et la SNCF. Un jury composé de représentants de l’Etat et de collectivités locales devait ensuite retenir un projet pilote pouvant être testé dès la fin 2023 tandis que Clément Beaune entendait développer l’offre (inspirée du billet unique à 49 euros mis en place en Allemagne) dans les deux ans. Depuis? L’hiver s’est terminé, le printemps a passé, l’été aussi… et plus du tout de nouvelles!
Un billet unique, mais pas partout?
Jusqu’à ce 4 septembre, lorsqu’Emmanuel Macron a accordé une interview au célèbre Youtubeur et journaliste HugoDécrypte. Ou quand le billet unique désormais appelé «Pass Rail» a soudain refait surface! «J’ai demandé au ministre des Transports de lancer, avec toutes les régions qui sont prêtes à le faire, le dispositif.», a précisé le Président de la République. Avant que Clément Beaune n’apporte au lendemain de cette annonce quelques précisions dans les colonnes du quotidien «Le Parisien»: «Nous souhaitons un outil simple et attractif. Nous voulons un produit pérenne, accessible à tous qui engloberaient au moins les Intercités et les TER et, dans l’idéal, les transports urbains. Nous sommes au début du processus, nous allons discuter et travailler avec les présidents de région. L’idée n’est pas de forcer mais de coopérer. On n’est pas moins bons que les Allemands!» Et de préciser qu’une première réunion devrait se tenir le 21 septembre prochain.
«Nous ne pouvons pas traiter un sujet comme les transports à la petite semaine sans présenter un projet clair.»
Carole Delgas, présidente de la région Occitane et de Régions de France, dans «Le Parisien».
Objectif: Eté 2024!
Comme on peut s’en douter, l’annonce d’Emmanuel Macron n’est pas passée inaperçue dans les hôtels de région. Pour Carole Delgas par exemple (présidente de la région Occitanie et de Régions de France qui représente les onze collectivités françaises), ce «Pass Rail» pourrait bien rester au stade de l’effet d’annonce: «Nous avons eu le même procédé avec le plan de 100 milliards d’euros pour le ferroviaire et les RER métropolitains, et nous n’en avons toujours pas vu la couleur. Nous ne pouvons pas traiter un sujet comme les transports à la petite semaine sans présenter un projet clair.» Pour autant, Carole Delgas relativise. Bien sûr que ce «Pass Rail» pourrait être une bonne chose! «Nous ne pouvons pas être défavorables à une telle mesure, vu les offres attractives que nous développons nous-mêmes. Mais, d’abord, que l’État nous dise ce qu’il est prêt à financer!» Sur ce point et à ce stade, aucune précision n’a été apportée par le gouvernement. Tout juste sait-on que celui-ci envisagerait la mise en route de ce «Pass Rail» à l’été prochain, donc dans… seulement dix mois!
Vers la fin de la liberté tarifaires des territoires?
Belle idée sur le papier, ce Pass l’est incontestablement. Mais il s’annonce toutefois épineux à déployer. Et pour cause: depuis 2017 les tarifs des transports publics sont laissés au seul choix des collectivités concernées qui, toutes, proposent désormais les leurs sans forcément d’interactions avec les territoires voisins. Le déploiement d’un tel pass à prix unique implique donc un retour en arrière pour certains. Surtout il nécessite l’unanimité des onze présidents de région. Un véritable casse-tête! «L’idée d’un Pass Rail est séduisante mais hors sol et totalement irréalisable à l’heure actuelle. Cela reviendrait à remettre en cause le modèle d’aujourd’hui, à savoir la liberté tarifaire des régions, justement!», confirme Michel Neugnot, vice-président aux transports en Bourgogne-Franche-Comté et à Régions de France. Mais Clément Beaune veut y croire. Plus que jamais. Selon lui, la création de ce Pass ne remettrait pas en cause les offres existantes en régions, «mais viendrait en supplément». A suivre…