Pour être réellement efficace le verdissement de nos flottes doit absolument s’accompagner d’une formation des salariés. Lors des 2èmes Rencontres Villes et Entreprises durables (consacrées à la logistique et aux flottes d’entreprise), Pascal Pavard et Valérie Delahaye d’EDF nous ont expliqué la démarche de conduite au changement menée par le Groupe riche de 49 000 véhicules dans le monde. Et qui s’est fixé l’objectif du 100 % véhicules électriques légers en 2030 (à l’exception de ses véhicules d’urgence).
Comment opérer une bonne conduite du changement, selon vous ?
Valérie Delahaye: «Avec ses différentes entités, EDF a co-construit une méthodologie des différents cas d’usage. Aujourd’hui, nous en avons cartographié 85% d’entre eux (sur un total de 45 000). Ainsi, en analysant les véhicules (mais aussi les kilomètres journaliers effectués), nous pouvons mieux nous projeter. Notamment sur les futurs lieux de recharge, mais pas seulement. Car il s’agit de ne pas oublier l’aspect humain, donc à la fois l’appétence ou non à l’électrique et les compétences métiers, donc les spécificités et les besoins de chacun. Par exemple, si le temps de pause est réduit, il faudra trouver une solution adéquate pour la recharge. Si les véhicules transportent du matériel lourd, l’autonomie sera amoindrie; il faudra donc là aussi pouvoir y répondre efficacement.
Bref, au terme de cette étude nous savons que nous avons 75% de nos véhicules qui sont 100% électrifiables. Surtout, elle nous a été infiniment précieuse pour répondre aux inquiétudes et aux freins rencontrés. Et pour amorcer ainsi une conduite au changement.»
Pascal Pavard : «Car il ne s’agit pas seulement d’analyser. Il faut ensuite faire tester la solution aux personnes qui montrent une certaine résistance face aux véhicules électriques. Et le faire avec un véhicule qui correspond aux vrais besoins. Pour l’avoir vécu, je peux vous le dire: à chaque fois, la résistance est levée!»
Valérie Delahaye: «En effet. Nous avons construit ce catalogue de cas d’usage comme un outil d’aide à la décision pour le gestionnaire de flottes comme pour les entités. C’est pourquoi nous avons maillé les cas d’usage avec des solutions véhicules, que nous inter-comparons en termes de TCO.»
A ce propos, qu’en est-il de votre TCO?
Pascal Pavard: «Dans nos objectifs, outre l’électrification de la flotte, figure la nécessité (sur la période 2019-2030) d’avoir un TCO global qui soit inférieur ou égal à celui qu’il aurait été si nous avions conservé une flotte thermique. Pour le vérifier nous avons créé un TCO prospectif qui nous permet de voir précisément où l’on en est et quelles sont les perspectives. Ainsi, si nous ne sommes pas encore tout à fait à l’objectif, nous enregistrons moins de 5% d’écart. Quant au TCO dynamique (celui dont vient de parler Valérie), il est mis à jour à chaque évolution d’offres. Les responsables de flottes peuvent donc aussitôt comparer et faire les bons choix. Ils peuvent aussi savoir où se situe le croisement des courbes au niveau kilométrage. Et sur les V.U.L., il est seulement à 5 000 km par an!»
Revenons à ce travail de conduite au changement. Vous menez de nombreuses actions de formation et d’accompagnement auprès de vos collaborateurs. Pouvez-vous nous en dire plus?
Valérie Delahaye: «Nous avons élaboré cette démarche de conduite au changement comme une transformation globale. L’erreur serait de se contenter de remplacer les voitures thermiques et d’installer quelques bornes de recharge. Ce n’est pas suffisant! Il faut aussi se soucier de la «partie immergée de l’iceberg». Et donc inciter à changer les comportements, notamment la manière de penser les mobilités. Nous avons créé des supports pédagogiques pour pouvoir démystifier ces nouveaux concepts arrivés avec la mobilité électrique. Et pour en préciser les enjeux aussi, afin que les collaborateurs non seulement les comprennent mais puissent en devenir les ambassadeurs.
Nous avons également créé des formations rapides de mise en main du véhicule couplées à de l’éco-conduite. En parallèle, nous essayons d’organiser des essais de véhicules et des démonstrations de charge. Nous développons également l’auto-partage de V.E.. C’est un très bon moyen de rationaliser la flotte, mais aussi pour que les collaborateurs puissent tester un véhicule. De même, nous nous sommes aperçus du besoin de disposer de relais locaux pour mieux répondre aux questions ou débloquer des situations. Enfin, certaines entités (comme Enedis) ont mis en place un critère d’intéressement à l’électrification de la flotte. Intéressement qui a été atteint en 2022. Cela aussi, c’est un très bon moteur!»
Toutes ces démarches peuvent-elles s’opérer sans un solide appui de la direction?
Pascal Pavard : « Non, bien sûr. A EDF, nous avons trois niveaux de gouvernance. Le premier (que je pilote) est celle des gestionnaires de flottes et des gestionnaires de sites. La cohésion entre les deux est absolument nécessaire: les uns amèneront les véhicules, les autres installeront les infrastructures de recharge. Nous avons aussi un réseau manageriale composé des 80 managers de toutes les entités du groupe. Il couvre toutes les strates de l’entreprise puisque cela va des managers de première ligne jusqu’aux cadres dirigeants. Enfin, nous avons un comité stratégique qui présente une fois par an l’avancement des projets.»
Vous avez signé un accord mobilité, accepté à l’unanimité au sein du groupe. De quoi s’agit-il ?
Pascal Pavard : «Cet accord a été piloté par la DRH du Groupe. Il s’agit notamment d’adapter les déplacements en fonction des besoins réels: à pied, via des mobilités douces, en transport en commun, ou en voiture électrique si le besoin est là. Toutefois, il inclut aussi une offre mobilité électrique pour les salariés. Nous avons notamment négocié une offre de V.E. avec les constructeurs, à laquelle s’ajoute celle de bornes de recharge avec Izi by EDF. Aujourd’hui, plus de 3 000 de nos salariés ont acquis une voiture électrique par ce biais. Nous effectuons une enquête chaque année à ce sujet: en 2022, plus de 20% des salariés du Groupe possédaient un V.E. Soit plus de dix fois la moyenne nationale.»