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Voie réservée sur le périphérique: Les élus du Grand Paris demandent une étude d’impact

par Laurent F.

Après que la Ville de Paris ait montré sa détermination malgré la victoire du non à la consultation qu’elle a organisée, nombreuses sont les voix qui s’élèvent pour demander une étude d’impact avant de décider (ou non) de la pérennisation de la voie réservée sur le périphérique après les J.O. de 2024.

La consultation publique lancée au printemps par la Ville de Paris a abouti à un franc rejet des Franciliens: 85% des 6 500 participants ont exprimé leur nette opposition à la pérennisation de la voie réservée sur le périphérique après les J.O. de 2024. Mais plébiscite ne signifie pas victoire pour les opposants, loin s’en faut. Au contraire, dès la proclamation des résultats le premier adjoint Emmanuel Grégoire a tenu à les relativiser, réaffirmant au passage la détermination de la municipalité sur le sujet. «Cette consultation n’est pas un référendum.», a-t-il rappelé, provoquant aussitôt le courroux de nombreux élus du Grand Paris. Non qu’ils y soient tous massivement opposés, mais beaucoup souhaitent d’abord que soit pris le temps de la réflexion. D’autant que, rappelons-le, cette décision concerne aussi les très empruntées A1 et A13.

Un risque de thrombose généralisée?

Si la question de la décarbonation ne fait évidemment pas débat chez ces élus, les profondes modifications qu’impliqueraient ces changements de règles de circulation doivent absolument être étudiés et analysés. Car, surprise, aucune étude d’impact n’a été réalisée par la Mairie de Paris avant le lancement de ce projet. Un «manque» fortement regretté un peu partout, et notamment par  l’Association des maires du Val-de-Marne (AM94), dirigée par Françoise Lecoufle, maire LR de Limeil-Brevannes, qui réclame haut et fort une étude sur le long terme. A savoir «avant, pendant et après la phase d’expérimentation», la période «atypique» des J.O. ne suffisant pas à leurs yeux. Selon ces derniers, «mesurer les flux de transit, mais aussi les flux origine-destination depuis le Val-de-Marne et vice-versa» s’avérerait nécessaire afin d’éviter le risque d’une «congestion généralisée aux portes de Paris, jusqu’à la Francilienne et l’A 86». Une appréhension largement partagée par la Présidente de la Région Valérie Pécresse qui, de son côté, craint un «risque de thrombose généralisée tant aux portes de la capitale que sur l’ensemble du réseau routier d’intérêt régional.»

«Si c’est pour faire plus de congestion, ce n’est pas tellement écologique. Si ça permet de fluidifier le covoiturage et le transport en bus et d’autres usages, je pense que c’est positif, et il faut le regarder. Mais il faut une étude d’impact préalable.» 

Clément Beaune, Ministre délégué aux Transports, dans « Parigo », France 3 Ile-de-France

Le Ministre des Transports monte au créneau

Si elles sont restées jusqu’ici sans écho, ces demandes d’études d’impact viennent de trouver un nouveau relais en la personne du Ministre délégué aux Transports. Sans jamais marquer un éventuel désaccord sur le sujet, Clément Beaune s’est exprimé dans l’émission «Parigo» diffusée récemment sur France 3 Ile-de-France: «Les voies réservées, il faudra les développer. Simplement, il y a un problème: (…) si c’est pour faire plus de congestion, ce n’est pas tellement écologique. Si ça permet de fluidifier le covoiturage et le transport en bus et d’autres usages, je pense que c’est positif, et il faut le regarder. Mais il faut une étude d’impact préalable.»

Des effets particulièrement difficiles à mesurer en amont

Alors comment la Ville de Paris justifie-t-elle cette absence d’étude? Pour Emmanuel Grégoire, il s’agit avant tout d’«une question technique»: «Les voies réservées pourront être activées ou désactivées, il y a donc des milliers de scénarios possibles. Surtout, il nous manque encore de la visibilité sur les effets du Grand Paris Express, dont la vocation est de favoriser le transit de banlieue à banlieue», s’est-il récemment expliqué dans les colonnes du Parisien. De fait, les paramètres sont nombreux qui pourraient infléchir d’une manière ou d’une autre sur la circulation. Selon Mahdi Zargayouna, chercheur à l’Université Gustave Eiffel de Champs-sur-Marne (77) et spécialiste des flux routiers,  «l’impact dépend de divers facteurs, comme les comportements de conduite en réaction aux changements, la capacité des rues environnantes à gérer le trafic additionnel, l’accessibilité et l’efficacité des transports publics, ainsi que la performance de l’éventuelle voie réservée au covoiturage». Et les spécialistes de privilégier alors des études de terrain (avec comptages et questionnaires donnés aux usagers) qui permettraient de mieux comprendre les usages et surtout leurs évolutions. «Paradoxalement, la suppression d’une infrastructure peut améliorer le trafic», relativise Mahdi Zargayouna.

Au final, qui décidera?

Si la Ville doit préciser avant l’été ses arbitrages sur les modalités de circulation sur cette voie réservée ainsi que sur ses périodes d’activation, aura-t-elle pour autant le dernier mot sur sa pérennisation? La réponse est… Oui!  Car, quand bien même est-il la voie urbaine la plus fréquentée de France, le périphérique parisien est classé «voie communale». Il est donc géré et administré par la mairie. À ceci près qu’il est aussi classé «axe essentiel à la sécurité». Selon l’article L.2512-14 du Code général des collectivités territoriales, le préfet de police doit donc être obligatoirement consulté avant toute modification substantielle. Et peut émettre ses prescriptions, du moins si celles-ci concernent la circulation des véhicules de sécurité et de secours. À la mairie, ensuite, de les respecter. Impérativement.

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