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Décryptage de la proposition de loi sur le verdissement des flottes automobiles avec Damien Adam

par Laurent F.

Déposée le 5 décembre dernier à l’Assemblée nationale, une proposition de loi du député Renaissance de la première circonscription de Seine-Maritime Damien Adam vise à renforcer les obligations de verdissement des flottes d’entreprises. Ce 25 janvier, Damien Adam a accepté de présenter sa proposition de loi face aux professionnels et aux experts du Groupement Logistique et Flottes Durables, réunis par Make a Move. Voici ce qu’il faut retenir de cette passionnante réunion.

En quoi consiste la proposition de loi?

Damien Adam: «En 2019, la loi LOM a fixé des objectifs de verdissement aux flottes d’entreprises de plus de 100 véhicules. Soit celles d’environ 3 500 organisations en France. À cette époque, le marché de l’électrique n’était pas celui que l’on connaît aujourd’hui. Les objectifs étaient donc très raisonnables. Et certainement pas assez ambitieux, même s’ils correspondaient bien au périmètre d’acceptabilité de l’époque. Deux ans plus tard, la loi Climat et résilience a rehaussé certains seuils, mais sans que des sanctions soient encore prévues à l’égard de celles  qui ne respecteraient pas ces objectifs. Nous préférions laisser le temps au monde économique de pouvoir s’adapter. Avec cette proposition de loi que je viens de présenter, je vise à rehausser ces objectifs dans un but très précis: donner une trajectoire d’ici à 2032. L’idée est de partir des 20% exigés actuellement, et d’augmenter de 10% chaque année l’objectif de verdissement des flottes pour atteindre les 95% en 2032, soit trois ans avant l’interdiction définitive des véhicules thermiques sur le territoire européen.»

Des sanctions pour les récalcitrants

Damien Adam: «Je souhaite voir renforcer l’information sur le taux de verdissement des entreprises, et que toutes celles soumises à la directive CSRD puissent intégrer à leur communication extra-financière leur taux de verdissement afin que l’on puisse le piloter et disposer de l’information en toute transparence. Une mesure de sanction pour non-respect de ces obligations sera instaurée. Elle pourra aller jusqu’à 1% du chiffre d’affaires, mais ces sanctions seront évidemment adaptées à la situation de chacune. Enfin, il s’agit aussi de permettre à l’Etat d’exclure de tous les marchés publics les entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations. Nous leur demandons une exemplarité; aussi il me semble cohérent de ne pas valoriser autant celles qui ne seraient pas vertueuses que celles qui le seront.»

Pourquoi la future loi proscrira les hybrides rechargeables?

Damien Adam: «Il a toujours été prévu qu’en 2035, les véhicules hybrides rechargeables seraient complètement écartés et ne seraient plus commercialisés. Elles ont toujours été une technologie de transition jusqu’à 2025. D’ailleurs, d’ici quelque temps, très peu de constructeurs les proposeront. Si, effectivement, nous les avons beaucoup développé ces dernières années, c’était pour permettre à nos constructeurs automobiles de faire le passage du tout thermique à l’électrique. Aujourd’hui, nos usines européennes sont toutes destinées à passer au 100% électrique.»

De la question des VUL…

Damien Adam: «C’est un point important de ma proposition de loi, sur laquelle je suis d’ailleurs en train d’apporter quelques modifications. Le véhicule utilitaire léger était jusqu’ici intégré dans les pourcentages de verdissement, mais de manière suffisamment raisonnable pour ne pas poser de difficultés. A partir du moment où nous nous dirigeons vers les 95% avant 2035 -et en fonction de la structuration de l’entreprise et de sa typologie de flottes- le sujet peut parfois poser des difficultés. C’est pourquoi je prévois de donner davantage de flexibilité. Le gouvernement précisera les catégories de VUL qui entreront dans ce calcul, l’idée étant que l’on commencera de manière raisonnable avant d’augmenter progressivement le nombre de véhicules concernés. Ceci, au fur et à mesure que les constructeurs développeront des véhicules sachant répondre au mieux aux problématiques des entreprises. Cela peut paraître un peu complexe à gérer au quotidien, mais je vous assure qu’on va essayer de faire le plus simple possible par rapport au tonnage. Et je suis intimement persuadé qu’en 2035, nous disposerons d’une offre qui correspondra à 100% aux besoins des entreprises

Le verdissement des flottes d’entreprises, un défi national!

Damien Adam: «Les véhicules de flottes d’entreprises représentent près d’une voiture neuve sur deux vendue en France. Quant à leur moyenne de possession, elle est d’environ deux ans, après quoi ces véhicules se retrouvent sur le marché secondaire. Le rendre accessible au plus grand nombre et alimenter ce marché de l’occasion pour que les ménages les plus précaires puissent en bénéficier constitue donc aujourd’hui un énorme enjeu.»

«Lorsqu’elles passent à l’électrique, très peu de personnes reviennent en arrière. En général les gens sont plutôt satisfaits!»

Damien Adam, lors de la réunion du Groupement logistique et flottes durables

Comment encourager nos salariés et collaborateurs à passer à l’électrique ?

Damien Adam: «Beaucoup de choses vont changer avec l’évolution de la part de marché des véhicules électriques. Pas seulement pour les entreprises, d’ailleurs. Pour les particuliers, aussi. De la même manière que nous venons de développer avec succès le leasing social, nous avons atteint nos objectifs initiaux de 25 000 véhicules électriques vendus par an. Je n’ai jamais douté du fait que les particuliers aient envie de passer à l’électrique, mais ils ne le faisaient pas toujours, pour différentes raisons. Et d’abord pour des motifs financiers. On sait qu’à l’horizon 2027-2028, les prix entre thermique et électrique devraient s’unifier, mais aujourd’hui un véhicule électrique demeure incontestablement plus cher qu’un véhicule thermique. D’ailleurs, il y a encore quelques années, beaucoup de citoyens voyaient cela comme «un truc de riches.» Puis la Dacia Spring est sortie, la MG4 aussi. Ces deux véhicules sont certes chinois (j’en suis désolé!), mais ils ont permis de débloquer des choses. Depuis? De nouvelles offres sont en train d’arriver, avec notamment la R5 de Renault à 25  000 €, suivie de la nouvelle Twingo électrique en dessous des 20 000 €. Si vous avez bien vu toutes les annonces faites en ce début 2024, tous les constructeurs baissent leurs prix de 3 à 4 000 €. Il y a donc bien un challenge sur le marché. Encore une fois, nous sommes dans une transition. Chacun essaye de se battre pour obtenir des parts de marché, et pour attirer le plus de clients.

Mais vient ensuite la question de l’accompagnement au changement. Il est certain qu’on ne peut pas remplacer un véhicule thermique par un électrique du jour au lendemain. Ce sont tous nos réflexes et nos habitudes qui doivent changer. Chacun doit donc être accompagné. Ceci, même si, lorsqu’elles passent à l’électrique, très peu de personnes reviennent en arrière. En général les gens sont plutôt satisfaits!»

Des améliorations à apporter?

Damien Adam: « Bien sûr. Mais nous en avons déjà fait beaucoup. Notamment sur les infrastructures de recharge. La France est le pays d’Europe le plus avancé en termes d’infrastructures de charges publiques. Il faut se souvenir qu’il y a encore deux ans, aucune autoroute ne disposait de grandes stations de recharge alors qu’aujourd’hui, toutes les aires de service sont équipées, avec un minimum de quatre à six bornes. Nous avons atteint le niveau nécessaire pour que tout problème sur le sujet soit évité, même lors des déplacements effectués en plein été, au moment des grands chassés-croisés. Et toutes les stations vont encore renforcer leurs infrastructures, au fur et à mesure.»

«Nous avons l’avantage de disposer d’un réseau électrique suffisamment dimensionné pour pouvoir faire face au pic hivernal. Une grande partie de l’année, nous n’avons pas besoin de toute cette électricité. On peut donc l’utiliser pour de nombreux autres usages.»

Damien Adam, lors de la réunion du Groupement logistique et flottes durables

Notre réseau électrique peut-il relever le défi?

Damien Adam: «Parmi les fake news qui circulent beaucoup au sujet des véhicules électriques, le sujet des métaux rares, celui du recyclage, celui de la recharge et celui de la capacité de notre système électrique à faire face sont très présents. Mais soyez rassurés, il n’y a aucune difficulté! En 2035, on pense que la recharge d’un véhicule électrique pèsera moins de 5% du total de la consommation d’électricité. Avec le pilotage, entre les heures creuses et les heures pleines, nous pourrons donc parfaitement intégrer cela à notre réseau. D’autant plus que demain, des véhicules pourront redonner de l’électricité au réseau en périodes de pic de consommation, et certains citoyens pourront même être rémunérés pour cela. Nous pensons (tout particulièrement pour les véhicules des flottes d’entreprises) que cela peut avoir beaucoup de sens car ceux-ci sont plutôt utilisés en journée et branchés à une borne de recharge en fin de journée, c’est-à-dire au moment du pic. Quoiqu’il en soit, nous avons l’avantage de disposer d’un réseau électrique suffisamment dimensionné pour pouvoir faire face au pic hivernal. Une grande partie de l’année, nous n’avons pas besoin de toute cette électricité. On peut donc l’utiliser pour de nombreux autres usages, comme l’hydrogène ou la recharge de nos véhicules électriques.»

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