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110 km/h panneau

110 km/h sur autoroute: Serait-ce pour bientôt?

par Laurent F.

En 2020, la nouvelle Première ministre Élisabeth Borne s’y était dite favorable. L’ADEME et l’AIE le sont aussi. Après les fameux 80km/h d’Édouard Philippe, l’abaissement de la vitesse à 110 km/h sur autoroute -d’abord écarté- pourrait revenir à l’ordre du jour.

En 2018, l’abaissement de la vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires instauré par le Premier Ministre Edouard Philippe avait fait grand bruit. La mesure avait même été l’un des déclencheurs du mouvement des Gilets Jaunes. Depuis? Le débat fait toujours rage, mais Edouard Philippe n’en démord pas: «Je ne regrette pas d’avoir voulu sauver des vies. Je ne regrette pas d’avoir considéré que la sécurité routière avait besoin d’une mesure puissante pour continuer à améliorer les chiffres. Rétrospectivement, vous avez parfaitement le droit de penser que vous (je) auriez pu, compte tenu de ce que vous savez maintenant, faire les choses autrement (…) Mais l’idée initiale de ne pas accepter, avec une forme de fatalisme, un nombre considérable de morts sur les routes françaises, je ne le regrette pas.», s’expliqua-t-il lors de la sortie de son livre, «Impressions et lignes claires», paru il y a tout juste un an. 

Gilets Jaunes contre la limitation à 80 km/h

La colère et le gigantesque mouvement social qui ont suivi l’instauration de la limitation de vitesse aurait pu refroidir les ardeurs… Pas du tout! Longtemps en charge des Transports puis de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne pourrait bien suivre l’exemple de son prédécesseur en prônant un abaissement à 110 km/h sur le réseau autoroutier. Une mesure dont elle s’était déjà dite favorable «à titre personnel» en 2020 après que la Convention citoyenne pour le climat l’ait proposée. Tout en prenant malgré tout quelques précautions: «Je pense que c’est important, sur des sujets comme cela, de vérifier qu’il y a bien une adhésion des Français et de ceux qui sont directement concernés.», précisait-elle alors.

Panneau de rappel 110 km/h

Des économies non négligeables à la clé

Emmanuel Macron ayant exclu de prendre en compte la préconisation de la Convention citoyenne, l’affaire aurait pu être enterrée. Absolument pas! Soulevée lors de la campagne présidentielle par Yannick Jadot pour qui une baisse à 120 km/h «réduirait très peu le temps de trajet, mais permettrait de réduire les émissions de CO2 et la pollution.», elle est aussi soutenue par l’ADEME. Selon celle-ci, une simple réduction de 10 km/h ferait «économiser jusqu’à cinq litres de carburant (…) et près de 12 kg de CO2 sur 500 kilomètres, soit une réduction de 12,5% des émissions de gaz à effet de serre Un argument qui, à l’heure de la flambée des prix des carburants et du conflit en Ukraine, ne peut que résonner aux oreilles de bon nombre de Français!

D’autant qu’un autre soutien de poids est venu s’ajouter: l’AIE (Agence Internationale de l’Energie) voit, elle aussi, en cette éventuelle décision le tout premier levier qui permettrait de réduire notre consommation de pétrole. Mais cet abaissement à 110 km/h serait-il vraiment bénéfique? A question simple, réponse encore plus simple: oui! Et ceci pour au moins quatre raisons.

Les 4 raisons qui nous font pencher pour une limitation à 110 km/h sur autoroute 

1. Des effets immédiats pour la planète… et pour notre portefeuille!

Comme l’assurent l’ADEME et l’AIE, même une simple baisse de 10 km/h serait immédiatement mesurable sur les émissions de CO2 comme sur notre consommation de carburant. Une diminution de 20 km/h -comme ce serait alors le cas si la mesure venait à être appliquée – présenterait donc des avantages encore plus forts.

Et notamment une économie de carburant de 16% par kilomètre parcouru. Pour les voitures électriques ce serait même 24%. A capacité de batterie équivalente, la mesure pourrait ainsi permettre d’augmenter l’autonomie du VE, et diminuer du même coup le nombre de recharges nécessaires le long de nos parcours. Sur des trajets de plus de 100 kilomètres, que notre voiture soit thermique ou électrique, le calcul est vite fait! C’est toujours ça de gagné pour notre pouvoir d’achat, non? Sans parler de la sécurité sur les routes. Et de la pollution sonore qui forcément se verrait aussi diminuer. Du gagnant-gagnant pour tout le monde! 

2. 110 km/h : Des temps de trajet pas si rallongés

Le saviez-vous? D’après une étude de la Sécurité routière, la vitesse moyenne sur autoroute serait aujourd’hui (en moyenne) de 118 km/h. La baisse ne serait donc pas si considérable. De plus, comme on le sait, une vitesse pondérée fluidifie la circulation. Moins de bouchons, donc du temps gagné au final. Certes, l’effet le plus visible concernerait les longues distances, mais celles-ci ne constituent pas (loin s’en faut!) la majorité de nos déplacements en voiture. Selon d’autres études, ceux au delà de 80 kilomètres représenteraient en effet seulement 1,6% de nos trajets! Bref, d’après de savants calculs, avec une telle mesure on perdrait environ 18% de notre temps de transport, soit un peu moins de dix minutes pour 100 kilomètres. Si cela peut paraître beaucoup pour certains, l’effort n’en vaut-il pas la chandelle?

Autoroute

3. Vers des véhicules plus sobres

Une limitation à 110 km/h encouragerait les constructeurs à proposer des véhicules plus sobres (donc plus propres). Puisqu’on ne pourra plus aller vite, à quoi servira les moteurs puissants? Encore faut-il que la directive soit appliquée au niveau européen, voire mondial! Sur ce point, le chemin n’est pas forcément si difficile. Hormis l’Allemagne où une bonne partie du réseau routier demeure sans limitation de vitesse, ainsi que la Bulgarie et la Pologne aujourd’hui à 140 km/heure, les pays ayant fixé une limitation en dessous des 130 km/h sont nombreux. Parmi eux, la Belgique, l’Espagne et le Portugal (120 km/h) ainsi que le Royaume-Uni (113 km/h ou 70 mph).

4. Une incitation au report modal

C’est une évidence: en réduisant la vitesse de nos voitures, les utiliser pour nos déplacements devient forcément moins intéressant. Elles perdent en rapidité et, puisqu’elles coûtent plus cher, elles perdent aussi en compétitivité. Le train et le car n’iront pas moins vite (ou pas beaucoup), et s’avèreront toujours plus économiques!

Panneau supérieur sur une autoroute indiquant 110 km/h

Mais ne risque-t-on pas un nouveau soulèvement populaire? 

Pas sûr du tout. Certes, fin 2021 le baromètre de l’ADEME affirmait que «seulement» 42% des Français souhaitaient une telle mesure. 58% d’entre eux restaient donc à convaincre. Sauf que, depuis, la guerre en Ukraine et la hausse des prix du pétrole ont changé la donne et pas mal de mentalités. La crise et ses effets sont bel et bien là, et il faut désormais vivre avec. Rappelons d’ailleurs que les limitations à 90, 110 et 130 km/h ont été instaurées à la suite du premier choc pétrolier en 1973.

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