Dans le cadre d’une étude publiée récemment, l’Observatoire de l’Immobilier Durable et le programme Biodiversity Impulsion Group ont décrypté l’efficacité de l’ACV Biodiversité dans le secteur du bâtiment. Et s’il reste beaucoup à faire, les choses vont (plutôt) dans le bon sens…
Selon l’ADEME, 51 millions de tonnes de matériaux seraient utilisées en France chaque année pour les constructions neuves. Et ce n’est qu’un début puisque l’UNEP estime à 40% l’augmentation de l’usage de ces matériaux d’ici à 2040. Des chiffres inquiétants au regard de ceux communiqués par le World Economic Forum : le secteur serait aujourd’hui responsable de 30% de la perte de la biodiversité mondiale. Pour aider à changer les choses, l’OID (Observatoire de l’Immobilier Durable) a lancé BIG (Biodiversity Impulsion Group), un programme de recherches et d’actions collectives réunissant un large spectre d’intervenants allant des maîtres d’ouvrage aux donneurs d’ordres publics et privés en passant par des experts de la biodiversité.
La « biodiversité grise » au cœur des enjeux
Leur objectif commun ? Intégrer ces enjeux dans la conception et la gestion des projets immobiliers. Et sensibiliser ainsi aux urgences actuelles par le biais d’animations et de formations. « Les multiples pressions anthropiques sur l’environnement menacent la biodiversité ainsi que les populations humaines, en particulier les communautés autochtones et les groupes socialement défavorisés. Il est nécessaire de considérer les impacts des activités immobilières sur ces populations en veillant à ce qu’elles ne supportent pas de manière disproportionnée les conséquences néfastes sur leur environnement et leurs moyens de subsistance. » Et de rappeler que, dans le secteur de l’immobilier, « le concept de « biodiversité grise » désigne l’impact d’un bâtiment sur la biodiversité, ceci sur l’ensemble de son cycle de vie. »
Cinq leviers sur lesquels agir
On le sait, des indicateurs existent déjà, destinés aux industriels. Comme l’Analyse du Cycle de Vie (ACV) qui vient « évaluer l’impact d’un bâtiment sur la biodiversité et orienter les décisions vers des solutions plus efficaces pour réduire l’empreinte sur la biodiversité. » Mais cette ACV est-elle efficace, et réellement adaptée au secteur ? Intitulée « Du concept à la réalité : l’ACV Biodiversité dans la pratique du bâtiment », une récente étude réalisée par l’OID a donc souhaité s’en assurer. En partant d’un postulat aussi essentiel qu’incontestable : pour BIG et l’OID, tout au long du cycle de vie le secteur exerce une forte pression sur la biodiversité au travers de cinq principaux mécanismes, cinq piliers sur lesquels il faut absolument agir.
Artificialisation des sols et surexploitation des ressources
Que sont ces leviers sur lesquels travailler ? La perte et la fragmentation des habitats, d’abord. « La construction de bâtiments, en particulier par le phénomène d’artificialisation des sols, entraîne la destruction d’habitats naturels et semi-natures tels que les forêts, les prairies, les zones humides etc. (…) Ces habitats abritent de nombreuses espèces, qui sont parfois menacées ou protégées. De surcroît, les routes, les voies ferrées et les autres infrastructures liées aux bâtiments fragmentent les habitats, ce qui entrave le déplacement des espèces. Les différentes étapes de leurs cycles de vie ne sont alors plus assurées. »
Autres mécanismes : le changement climatique bien entendu, et la surexploitation des ressources. « La construction et l’exploitation des bâtiments nécessitent une quantité considérable de ressources : bois, béton, verre, acier, eau, énergie… L’ensemble de ces matières proviennent de ressources naturelles qui ont fait l’objet de transformation et de traitement, et qui s’épuisent progressivement, impactant la biodiversité locale. » Et, alors que des espèces risquent aujourd’hui de s’éteindre quand ce n’est pas déjà le cas, l’OID souligne un autre mécanisme, paradoxal : à l’exemple du frelon asiatique ou du rat surmulot, « le secteur peut contribuer à l’introduction d’espèces exotiques envahissantes, soit accidentellement (lors des chantiers notamment), soit par manque de connaissance lors de l’aménagement d’espaces végétalisés. Les impacts ont alors lieu sur site mais se propagent aussi sur le territoire. (…) Cela peut, à terme, entraîner la disparition d’espèces indigènes. Prendre des précautions à chaque étape du projet permet de réduire les coûts liés à la gestion de ces espèces. »
La pollution, à toutes les étapes
Reste un dernier paramètre qui sonne comme une évidence : la pollution. « Une quantité importante de déchets contenant des métaux lourds, produits chimiques, plastiques, etc. est générée lors de la construction des bâtiments, leur exploitation, leur rénovation, et leur fin de vie. Cette pollution se répercute sur le site durant la phase de chantier ou l’exploitation du bâtiment sous forme de rejets ainsi que pour la gestion des espaces végétalisés (pesticides/fertilisants). Elle existe aussi en dehors du site par les procédés d’extraction des matériaux, le traitement des déchets exportés, etc. Tout au long de son cycle de vie le secteur émet des polluants atmosphériques. »
«Les mesures utilisées peuvent être les mêmes, mais elles concernent des espèces, écosystèmes et échelles géographiques différentes.»
OID/BIG
Des indicateurs multiples, et particulièrement complexes
Bref, si ces dernières années plusieurs initiatives ont donc été mises en place (qui prennent en compte cette ACV Bâtiment Biodiversité ou qui utilisent d’autres méthodologies), l’étude de l’OID vient apporter son expertise. Et les choses sont plutôt complexes. « Quelle que soit la méthodologie choisie, il est fortement déconseillé de combiner les indicateurs en un score unique pour évaluer l’impact sur la biodiversité. En effet, les mesures utilisées peuvent être les mêmes, mais elles concernent des espèces, écosystèmes et échelles géographiques différentes. Il est donc plus judicieux d’examiner la signification de chaque indicateur individuellement afin de prendre en compte le plus grand nombre possible de facteurs. » Et de conclure, toutefois : « L’ACV Bâtiment Biodiversité est un outil efficace pour réduire les risques de contentieux en fournissant une base objective pour évaluer les impacts du projet sur la biodiversité. »