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Livraisons du dernier kilomètre: Ou quand la cyclologistique s’installe dans nos villes

par Laurent F.

De plus en plus nombreuses sont les entreprises à faire appel au vélo pour assurer leurs livraisons au cœur des villes et parfois au-delà. Quels avantages? Et quels (petits) inconvénients. Trois experts du secteurs nous l’expliquent.

Organisées par Make A Move à l’Hôtel de Ville de Paris le 23 juin dernier, les 2èmes Rencontres Villes et Entreprises durables consacrées à la logistique et aux flottes d’entreprise ont été le cadre de plusieurs tables rondes. L’une d’elles s’est penchée sur la démocratisation du vélo dans les entreprises, tout particulièrement dans leur logistique.

Pour l’occasion, Hugues de Kergorlay – qui est à la fois le fondateur de Cygogne (une entreprise de logistique en mobilité douce) et l’administrateur des Boîtes à Vélo (la Fédération Professionnelle de la cyclologistique)- a pu échanger avec Pierre Caillard Humeau, co-fondateur des Empotés, un traiteur événementiel engagé dans le zéro déchet. Et avec Antoine Gautier, le co-fondateur de la Brasserie de la Goutte d’or installée à Paris depuis 2012.

Pourquoi avoir fait le choix du vélo cargo pour vos livraisons du dernier kilomètres ?

Antoine Gautier: «Il y a onze ans, la Brasserie de la Goutte d’or a démarré son activité dans Paris intra-muros, avec une clientèle essentiellement parisienne. Puis nous avons travaillé avec des GMS, et nous avons donc dû prendre un entrepôt à Saint-Denis. Nous avons alors fait face à plusieurs problématiques. Notamment celle de la congestion de la circulation qui représentait pour nous une vraie perte de temps, doublée d’une source de stress. A cela sont venus s’ajouter les soucis pour se garer, et les contraventions qui vont souvent avec…

Bref, nous avons fini par décider d’externaliser nos livraisons en optant pour le vélo-cargo. Nous croyons beaucoup à la mobilité douce pour le dernier kilomètre. Nous sommes plus que jamais dans l’instantané: depuis quelques années, on s’est habitué à cliquer pour recevoir. Il nous arrive d’enregistrer des commandes à 4 heures du matin pour une livraison le jour-même! Ces hubs avec livraisons à vélo nous sont donc très utiles. Ils nous permettent d’optimiser et d’apporter plus de souplesse

Pierre Caillard Humeau: «Comme Antoine, je crois beaucoup à cette solution pour les livraisons du dernier kilomètre. D’autant que chez Les Empotés nous sommes dans une logique de double livraison: d’abord, nous apportons les plateaux repas à nos clients, puis nous revenons pour récupérer les contenants de manière à pouvoir les réutiliser. En 2019 nous avons commencé avec nos propres voitures électriques car, à Nanterre, il était compliqué pour nous de circuler à vélo,. D’autant que nos livraisons étaient très majoritairement situées sur Paris.

L’usage de voitures électriques nous a donc semblé naturel. Mais, au fil du temps nos commandes se sont multipliées, et il nous a fallu trouver une autre solution. Nous nous sommes donc tout de suite tournés vers la cyclologistique. Plus précisément vers une société qui puisse assurer les livraisons en vélo-cargos dans Paris intra-muros. Ce secteur étant en pleine création, il nous semblait aussi très important de construire notre croissance aux côtés de ces nouveaux acteurs qui, forcément, connaissent bien nos problématiques. Et qui construisent leurs solutions en s’adaptant à elles.»

Concrètement, comment s’organisent les livraisons?

Hugues de Kergorlay: «Les Empotés nous apportent leurs commandes dans notre hub parisien de Saint-Augustin avant que celles-ci soient livrées dans tout Paris et dans les villes limitrophes. Pour la Brasserie de la Goutte d’or, nous avons récupéré leur stock que nous entreposons dans notre hub de Chaville avant de faire nous-même une traction jusqu’à Saint-Augustin. Les flux des Empotés et ceux de la Brasserie nous permettent donc de mutualiser. Ce qui constitue un vrai gain de temps, mais aussi une alternative écologique. De plus, pour nous qui sommes une Entreprise d’Insertion (EI), le vélo cargo est un atout supplémentaire: il permet d’accompagner plus facilement nos livreurs dans leur retour au monde professionnel.»

Et pour quel type de vélos avez-vous opté?

Hugues de Kergorlay: «Pour des biporteurs électriques afin de pouvoir exploiter au mieux les voies réservées parisiennes, à savoir les pistes cyclables et celles qui autorisent les vélos à circuler à contre-sens des voitures. Ces biporteurs ne sont pas larges (1,10 m) mais très longs (4,60 m avec la remorque). Ils peuvent transporter jusqu’à 1,5 m3, ce qui équivaut à un demi Kangoo. Avec deux vélos vous avez donc l’équivalent d’un Kangoo! Quant à leur charge maximale elle se situe entre 250 et 300 kilos. Du coup, lorsque ce que l’on doit transporter est lourd (comme les fûts de la Brasserie de la Goutte d’Or) il arrive que nous utilisions deux vélos en même temps.»

Pas trop de pannes ni de casse? Connaissez-vous certaines «limites», parfois? 

Hugues de Kergorlay: «Le vélo cargo est un nouvel utilitaire en pleine croissance. Comme on le sait tous, il faut bien que les premiers à se lancer «se prennent des murs» pour pouvoir en tirer les leçons! Mais de plus en plus d’acteurs apparaissent;  les choses se développent et cela ne pourra aller que de mieux en mieux. Chez Cygogne nous bénéficions désormais d’un réparateur en interne. De toutes façons, la meilleure solution est de faire de la réparation préventive. Grâce à cela nous avons beaucoup moins de problèmes de casse qu’auparavant.»

Antoine Gautier : «Pour notre part, notre principal problème, avec ces vélos, c’est leur capacité: 300 kilos. Or, c’est un peu léger pour nos fûts de bière. J’espère que cela pourra évoluer car cela ne pourra qu’aider la logistique du dernier kilomètre. Mais je suis confiant. Rappelons qu’il y a encore peu on n’aurait jamais pu transporter 200 kilos sur un vélo!»

Pierre Caillard Humeau: «Les vélos cargos nous permettent de répondre à notre problématique de livraisons écologiques sur Paris, mais pas encore sur l’Ile-de-France hélas. Nous couvrons désormais l‘ensemble de la région, mais la généralisation des vélos cargos est encore difficile…»

Hugues de Kergorlay: «Justement, outre les trois hubs Cygogne (à Saint-Augustin, Chaville et Gennevilliers) nous prévoyons de nous étendre pour pouvoir mieux répondre à ces enjeux. De manière générale, un vélo cargo peut rayonner sans trop forcer sur 8 km autour d’un hub. L’idée est donc de «mapper» l’Ile-de-France. Avec des tractions en voiture électrique et des livraisons en vélos cargos.»

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