Adrien Torregrosa – PADAM Mobility : « Le but, c’est de fournir du transport public là où ça coûte cher. »

Par Yann Azran
Publié: Mis à jour: 11 minutes de lecture

Sur le salon Drive To Zero, nous avons rencontré Adrien Torregrosa, travaillant pour PADAM Mobility et vice-président de la FNTV Nouvelle mobilité en charge du transport à la demande. Durant son passage, il nous a expliqué l’importance du transport à la demande ainsi que le rôle de PADAM Mobility dans cette initiative.

PADAM Mobility et le transport à la demande, c’est quoi ?

Padam Mobility, c’est une entreprise parisienne fondée il y a 10 ans et qui appartient aujourd’hui entièrement à Siemens Mobility France, et qui fournit des logiciels pour faire du transport à la demande. Le transport à la demande, de manière assez large, c’est quelque chose qui existe depuis qu’existe le transport public, une sorte de taxi collectif en transport public, c’est-à-dire payé par l’État, par les collectivités, qui fournit du transport dans les endroits où les lignes fixes, métro, bus, tramway, etc, seraient trop cher. Il y a autant de transports à la demande qu’il y a de territoires, qu’il y a de topologies, qu’il y a de cibles.. Typiquement, les personnes en mobilité réduite ou alors les personnes âgées ou les jeunes sur certains territoires pour se rendre à l’école.

Après, depuis une dizaine d’années, on voit, principalement dans les zones périurbaines et rurales, l’arrivée de nouveaux types de transports à la demande, qui sont plutôt des transports à la demande de masse. Il y a deux disruptions technologiques qui ont permis de rentabiliser ou du moins de réduire considérablement le coût du transport à la demande en mutualisant les trajets, en groupant le plus de personnes possible au sein des mêmes véhicules.

Ces deux disruptions ont été l’arrivée d’entreprises comme PADAM Mobility, avec des algorithmes poussés, avec une ingénierie forte qui permet de créer des trajets pour la navette de transport public tout en mutualisant les courses, c’est-à-dire qu’on évite de faire des détours, ce qu’on appelle les “kilomètres à vide”, dans le transport public, et aussi l’arrivée des téléphones portables, des smartphones pour tout le monde. Aujourd’hui, on peut réserver une navette de transport public dans pas mal de territoires, surtout en France, comme on réserverait un taxi.

La répartition du transport à la demande 

Le but du jeu, c’est de fournir du transport public là où ça coûte cher. Donc, on met des zones, où on dit: “Là, c’est du transport à la demande”. D’un côté, il y a cet enjeu de coût pour la collectivité et de l’autre côté, il y a l’usager final qui doit avoir un transport public fiable, qui va lui permettre d’aller d’un point A, à point B, qui peut être le terminus du tram pour ensuite se rendre en ville ou dans d’autres zones, juste effectuer des déplacements classiques, aller chez le médecin, aller à l’école, etc. C’est un double enjeu, de fiabilité et de gestion des coûts. Et c’est là qu’intervient la technologie.

L’économie d’énergie et de carbone

Ce qu’il faudrait dans l’absolu, c’est une réduction de l’usage de la voiture individuelle. Il y a des endroits où c’est possible, il y a des endroits où c’est moins possible. Il y a des endroits où il y aura l’électrification, il y a des endroits où il n’y aura pas forcément les moyens ou le temps disponible pour électrifier en masse les flottes de véhicules. Là, peut intervenir le transport à la demande.

On est en train de réaliser des bilans carbone de nos services, et ce qu’on essaie de voir, c’est de quelle manière le transport à la demande réduit l’impact de l’offre globale de mobilité sur un territoire. Ça peut être très variable parce qu’à partir du moment où on offre du transport à la demande, où on crée du transport, on propose une offre là où il n’y en avait pas, on crée du carbone, en quelque sorte.

Par contre, les chiffres observés sur deux territoires, c’est le fait que 10% des usagers se débarrassent d’un véhicule de leur foyer grâce au transport à la demande, parce que souvent, c’est le deuxième, ou le troisième véhicule. Et là, c’est vrai que l’impact de masse du transport à la demande, il peut être assez colossal. Parce que si des milliers de foyers arrivent à se débarrasser du deuxième, du troisième véhicule du foyer, là, on voit tout de suite qu’on réussit à réduire l’impact carbone des foyers de manière individuelle.

L’impact carbone du transport à la demande

L’impact carbone du TAD est intéressant à plein d’égards. Parce que typiquement, ce sont des navettes, même s’il peut y avoir plein de types de véhicules pour faire du TAD, mais globalement, c’est souvent des navettes de 7 à 15 places. C’est notamment des fourgons, des sprinters, etc. Ça, ce sont des véhicules qui sont plus faciles à électrifier que des bus. Pour la question d’électrification de flotte, du transport public, le TAD se positionne bien. Il y a plein d’enjeux comme ça. Et oui, il y a l’enjeu social du TAD, en dehors de l’enjeu écologique.

On l’a vu avec la crise des gilets jaunes, des travailleurs de la classe moyenne n’arrivaient plus à joindre les deux bouts parce qu’il fallait payer l’essence, payer l’assurance, etc.Quand on arrive à se débarrasser d’un véhicule, on fait des économies considérables.

Une aide de la région ? Du département ? 

Ça va dépendre de la construction de l’offre.  Il peut y avoir plusieurs modes de financement. Ça reste du transport public.  Mais globalement, on est sur des deniers publics, des versements par des entreprises, etc. Ce qui est intéressant avec le transport à la demande aussi, c’est que souvent, c’est le prix d’un ticket de bus. C’est la continuité de l’offre d’une métropole. Donc, l’usager, bien qu’il fasse un peu plus de kilomètres ou qu’il utilise le transport à la demande en zone périurbaine, il va payer pour son transport à la demande le même prix que l’usager qui prend le métro en ville.

Pouvoir réserver un TAD avec son smartphone 

Il peut y avoir sur certains territoires des modifications jusqu’à deux minutes avant. Par exemple, à Orléans ou en Île-de-France, je peux réserver mon TAD deux minutes avant qu’il passe. S’il y a une navette qui est sur la route et qui va arriver dans deux minutes et que je peux la prendre, je la prends.

Qui sont vos clients ? 

Ça peut être de tailles très variées. Bourges a mis en place ce transport public pour tous. Et ils se sont dit: On est une communauté, si on met du transport public pour tous, gratuit, il faut que chaque citoyen ait accès au transport public. Sauf que dans les communes périphériques de Bourges, on ne peut pas mettre de transport classique… La densité de population est trop faible, la demande est trop éparse et puis ça coûterait une fortune. Bourges a décidé de mettre quatre zones de TAD pour fournir du transport public gratuit pour tous au sein de toutes les communautés.

De la même manière, à Orléans. Là, le transport public est très efficace, mais il n’est pas gratuit. La métropole d’Orléans a décidé de fournir le transport public pour tous, de s’assurer qu’aucun habitant de la métropole ne soit à plus de 500 mètres de l’arrêt de bus. Et ça, c’est possible grâce au transport à la demande. Partout où le tram ne passe plus, où le bus ne passe plus, etc, c’est le transport à la demande qui fonctionne sur quatre zones distinctes, ce qui permet de se déplacer au sein de la zone et, sous forme de rabattement, d’aller prendre le bus ou le tram depuis la zone pour aller en ville.

Le TAD, une des seules solutions pour les zones périurbaines et rurales 

Oui, on a l’habitude de dire que le transport à la demande, c’est un couteau suisse. C’est le couteau suisse du transport public, on peut le mettre partout, on peut le dimensionner de plein de manière. Évidemment, on ne va pas mettre le métro dans les Alpes, on ne peut pas mettre de tram dans la plupart des communes… Pour ce qui est du covoiturage, il y a un usage très complémentaire.

Dans le monde idéal, au sein de la même application, il y a le covoiturage et le TAD. Le matin, je vais au boulot en covoiturage,le soir en TAD et je me fiche de savoir ce que je choisis. Les dynamiques sont parfois vraiment complémentaires. Le covoiturage, ça va être soit de longue distance pour les vacances, les week-ends, etc, ce que ne fait pas le TAD, ou alors une forme très pendulaire, c’est-à-dire domicile-travail, que peut faire le TAD, mais pas uniquement.

De toute façon, même sur les territoires qui ont la chance d’avoir du métro, du tram, etc, tout le monde s’accorde à dire que l’important, c’est d’avoir une pluralité d’offres. On peut pas dire: On va mettre que du métro ici, et ben pour le covoiturage et le TAD, c’est la même chose.

Comment on fait pour le démocratiser ? 

Il y a encore pas mal de territoires qui ne connaissent pas très bien le transport à la demande, ou alors qui ont une vision un peu à l’ancienne où on se disait: “Ouh là là, ça coûte très cher” parce que justement, il n’y avait pas ces deux disruptions, que sont le smartphone et l’arrivée des algorithmes qui permettent de grouper et de réduire considérablement les coûts. Donc, il y a un changement de mentalité, mais qui est en cours. C’est vrai qu’au niveau mondial, nous, on le voit parce qu’on est sur 200 territoires, sur une bonne dizaine de pays; la France est très en avance. La France et l’Allemagne, on est très en avance sur le transport à la demande. 

Et ça, c’est tout le travail d’autres entreprises comme PADAM Mobility et nos concurrents ces dernières années de promotion de ce qu’on fait, de promotion des résultats. Ensuite, il y a évidemment le support politique, on y travaille, il y a l’associatif. On est en train avec la FNTV, la Fédération nationale de transport de voyageurs, le groupe TAD et le groupe covoiturage, d’écrire unlivre blanc à propos  la mobilité en zone rurale à l’attention des collectivités.

L’objectif, c’est de répondre un peu à celui qu’a sorti le secours catholique il y a quelque temps, qui était plutôt sur les constats, qui est très terrain et qui est très instructif d’ailleurs, et d’y répondre avec des solutions un peu techniques.

Il y a beaucoup de dispositifs qui existent déjà. Il y a le Fonds vert et le plan France Ruralités, qui sont en place. Simplement, il y a des questions de temporalité. Entre le gouvernement qui met en place des fonds et la communauté de communes qui va pouvoir mobiliser ces fonds, il y a tout un travail en amont. La politique, ça prend du temps. Il y a plusieurs enjeux: il y a la popularisation, il y a la sanctuarisation, peut-être, de certains fonds qui n’ont pas besoin d’être énormes, mais qui ont besoin d’être là pour que les communautés de communes sachent que si on met en place le TAD, ce ne sera pas pour six mois et que les gens pourront effectuer un vrai changement dans leur mobilité personnelle.

Les véhicules autonomes en France ? 

On s’imagine souvent par la communication de ce qui se fait aux États-Unis et même en Asie, que le véhicule autonome de demain, c’est une voiture. Le futur du transport autonome, c’est le transport public, transport collectif. Et ça tombe bien parce qu’il y a une grosse pénurie de chauffeurs de bus dans tout le monde occidental. Donc, le véhicule autonome est une des réponses. Ce n’est pas la seule raison, mais il y a aussi le sens de l’histoire, il y a l’électrification, il y a la possibilité de décupler le transport public parce qu’on peut faire plus avec moins, en quelque sorte, avec ces navettes autonomes.

Donc oui, PADAM Mobility, en ce sens, fournit ce qu’on appelle un orchestrateur, un chef d’orchestre, l’outil central sur lequel vont pouvoir se greffer toutes les petites API, toutes les technologies de navigation du véhicule, de détection de la présence humaine, de freinage, la caméra, etc.. Et puis ensuite, à cela, on ajoute évidemment notre technologie à nous, le transport à la demande. Typiquement, à Genève, vous avez deux territoires de transport à la demande classiques et un territoire de navettes autonomes. Vous cliquez sur le territoire navette autonome et au sein de la même appli, vous avez des choses qui interfèrent comme ça, qui sont connectées entre du non-autonome et de l’autonome.

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