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Série – Le Tour de France des mobilités durables: Bordeaux: Une nouvelle stratégie face à des enjeux de plus en plus forts!

par Laurent F.

Quelles sont les offres de nos villes? Pour quels enjeux? Et quels sont leurs projets? Make a Move vous invite à un Tour de France des mobilités durables. Nouvelle étape, Bordeaux et sa métropole. Clément Rossignol Puech, Vice-Président en charge des stratégies des mobilités et mobilités alternatives (et maire de Bègles) nous répond.

Bordeaux est, depuis longtemps, très engagée sur la question des mobilités durables. Quels sont les enjeux d’aujourd’hui?

Clément Rossignol Puech: «En septembre dernier nous avons voté le nouveau schéma des mobilités. Il donne un plan d’action opérationnel et stratégique pour la période 2022-2030. Sur l’agglomération les enjeux sont extrêmement forts. Certes, nous bénéficions de l’un des réseaux de transports en commun parmi les plus dynamiques de France. Mais l’agglomération demeure très saturée. Ceci est dû à l’augmentation de la population: la Gironde reçoit 20 000 nouveaux habitants par an. Et malheureusement nous avons un étalement urbain plus important qu’ailleurs. Ces deux facteurs font que, sur les déplacements domicile-travail 20% font 60% des kilomètres parcourus. Et ce sont principalement des gens venant de l’extérieur de l’agglomération.»

bateau Bordeaux Métropole
Bordeaux Métropole

Comment agir efficacement, face à cette particularité?

C.R.P.: «La grande nouveauté dans la stratégie mise en place, c’est que nous ne réfléchissons plus sur notre seul périmètre administratif (28 communes et 800 000 habitants). Sur l’ensemble de l’aire d’attraction aussi, à savoir les différentes communautés de communes autour de nous. De Libourne au bassin d’Arcachon notamment. Les nouveaux outils de mobilité que nous allons mettre en place vont, nous l’espérons, permettre de fluidifier la circulation en favorisant le report modal. Ils permettront aussi de nous diriger vers la neutralité carbone en 2050. Il faut savoir que la mobilité, c’est 42% de l’empreinte carbone. L’enjeu est donc très fort, là aussi.»

Parlons des transports en commun. Qu’avez-vous pour projets?

C.R.P.: «Nous disposons du réseau de tramways le plus étendu de France, hors Ile-de-France. Nous allons continuer non à l’étendre mais à le «reboostifier». L’objectif est qu’il rencontre moins de pannes, moins de retards, et qu’il soit plus capacitaire. Avec plus de fréquences, par exemple. Concernant le réseau de bus, nous déploierons 250 bus express à haut niveau de services avec (et c’est nouveau!) des liaisons radiales et circulaires. Cela permettra de relier les différentes villes et les bassins d’emploi ainsi que les territoires voisins. Nous sommes également en cours de négociations sur la Délégation de Service Public Transports. Elle sera renouvelée cette année pour la période 2022-2028.»

transports en commun Bordeaux
Bordeaux Métropole

Autre nouveauté, le RER métropolitain. Comment va-t-il s’articuler?

C.R.P.: «Au niveau national, nous sommes pilotes sur ce dossier. Cela représente un réseau de cinquante gares qui étaient souvent sous-utilisées. Ce dispositif sera intégré au réseau TBM, notre réseau bus et tram. L’idée étant que le tout puisse fonctionner avec le même abonnement. Dans la décennie à venir, ce RER va devenir une nouvelle colonne vertébrale pour notre réseau. Imaginez: aujourd’hui, si vous partez de l’est de l’agglomération pour rejoindre l’ouest, aux heures de pointe vous mettrez environ une heure en voiture ou 3/4 d’heure en tram. Là, c’est quinze minutes!»

Vous misez également beaucoup sur le covoiturage et l’autopartage…

C.R.P.: «Nous allons multiplier par trois le nombre de stations d’autopartage. Nous le ferons dans le cadre d’un appel d’offres sur l’ensemble de l’agglomération. Pour le moment nous avons le réseau Citiz. D’autres pourront venir s’ajouter, puisque nous proposerons plus d’une dizaine de lots. Pour le covoiturage, notre offre (Modalis) propose 35 aires sur voiries ou dans des parkings. Et des places réservées dans les parcs-relais du réseau TBM. Nous réfléchissons aussi à développer, sur tous les axes pénétrants et sur la rocade, une voie réservée aux transports en commun et au covoiturage.»

«Les fils électriques qui pendouillent aux fenêtres, on commence à les voir apparaître. Et ce n’est évidemment pas possible!…»

Clément Rossignol Puech, Vice-Président de Bordeaux Métropole

Par ailleurs, un large réseau de bornes de recharge est présent sur l’agglomération bordelaise. Où en est ce déploiement?

C.R.P.: «Jusqu’en mars 2021 nous avions le réseau BlueCub du groupe Bolloré. Bolloré n’a pas trouvé son modèle économique; il a donc retiré ses voitures. Mais nous avons choisi de garder les stations en les ouvrant au grand public avec un système d’abonnement. Il comprend 67 stations de charge lente, 17 de charge rapide et une station de charge accélérée. Ce réseau est opéré par Freshmile, et vient s’ajouter aux bornes déjà existantes, situées dans les parkings publics (295, gérées par Metpark).

La difficulté sur Bordeaux, c’est ce qu’on appelle les quartiers d’échoppes: ces petites maisons de pierre typiquement bordelaises. Là, les quartiers sont denses et les gens ne disposent pas de parking privé. Ils ne peuvent donc par recharger chez eux la nuit. Ils doivent le faire au travail ou trouver des bornes un peu plus loin, sur les boulevards par exemple. Les fils électriques qui pendouillent aux fenêtres, on commence à les voir apparaître. Et ce n’est évidemment pas possible!…»

Du côté du vélo, votre politique est là aussi très volontariste. Quels sont ses grands axes?

C.R.P.: «Nous souhaitons faire de Bordeaux une ville fortement cyclable en doublant le nombre d’usagers. Mais les chiffres sont déjà très importants! Chaque année nous battons des records. Nous avons pérennisé nos Corona pistes sur les boulevards qui ceinturent Bordeaux, et c’est une grande réussite. Autrefois les cyclistes faisaient des détours pour éviter ces boulevards. Aujourd’hui, ils en font encore… mais pour les emprunter! Résultat, si on cumule les usagers de vélos et ceux des transports en commun, nous avons autant de voyageurs que l’autosolisme!»

vélos en free floating Bordeaux
Bordeaux Métropole

Quelle offre, côté location?

C.R.P.: «Nous disposons d’une flotte de 2 000 V3 (on prononce VCube), dont 1 000 VAE. Nous avons été les premiers à intégrer des vélos en libre-service dans une Délégation de Service public (DSP). A l’époque, c’est JC Decaux qui les gérait. Or, nous voulions confier cela à un professionnel des transports. C’est pourquoi nous l’avons intégré à la DSP. Cela a fait date, et nous en sommes plutôt fiers! Bref, nous allons continuer à développer cette flotte ainsi que les stationnements sécurisés, les vélos cargos, les aides à l’achat et à l’entretien. Nous avons aussi des Maisons du vélo où l’on peut apprendre à en refaire, mais aussi à l’entretenir.»

«Du côté du free floating, c’est un peu le Far West! (…) Nous allons donc lancer un appel d’offres d’ici au printemps.»

Clément Rossignol Puech, Vice-Président de Bordeaux Métropole

Bordeaux est la ville de France (voire d’Europe) où opèrent le plus d’opérateurs de free floating. Ils sont tous là ou presque!

C.R.P.: «Oui, et c’est un peu le Far West! Nous avons trop d’opérateurs. Ils se marchent sur les pieds. Nous allons donc lancer un appel d’offres d’ici au printemps. L’objectif est d’en choisir deux ou trois pour chaque secteur (vélos, trottinettes et scooters). Ceux sélectionnés auront ainsi plus de véhicules, et de notre côté nous pourrons mieux contrôler le stationnement anarchique Nous allons définir de nombreuses zones de stationnement de sorte que les utilisateurs soient obligés de déposer leur engin sur les zones dédiées. Et dans cet appel d’offres figureront des critères stricts et ambitieux sur les questions environnementales et sociétales. Nous voulons des opérateurs qui considèrent vraiment le droit du travail!»

Reste le fleuve. Là aussi, les mobilités ont trouvé leur place…

C.R.P.: «Nous avons assez peu de ponts. D’ailleurs, nous sommes en train d’en construire un, le pont Simone Veil, qui sera livré en 2023. Il sera destiné pour moitié aux piétons et aux vélos. Au delà, nous souhaitons continuer à utiliser la Garonne avec nos Bat3 (Bat Cube): 3 catamarans hybrides. Nous allons doubler le nombre de bateaux et augmenter fortement le nombre de pontons. Cette offre fonctionne très bien pour la mobilité du quotidien, mais aussi pour le tourisme. Enfin, je n’en ai pas parlé mais nous sommes également en train de développer un téléphérique qui reliera la rive droite et la rive gauche.»

bateau Bordeaux
Bordeaux Métropole

Pour conclure, qu’en est-il de la prochaine ZFE?

C.R.P.: «Elle devrait être mise en place au plus tard le 1er janvier 2025. Nous avons entamé une concertation avec nos différents partenaires économiques. La rocade bordelaise devrait très vraisemblablement faire office de délimitation. Nous étudierons ensuite les modalités, étape par étape : le type de vignette utilisée, les horaires etc… Quoiqu’il en soit, nous serons très vigilants. Chaque année, sur la métropole environ 600 décès sont liés à la pollution aux particules fines. C’est donc un grand sujet de santé publique. Pour autant, afin que ça ne soit pas pénalisant nous mettrons en place des aides. Elles concerneront le changement de véhicule, le rétrofit, le report modal. Et elles seront attribués aux métropolitains comme aux habitants des agglomérations voisines. Nous en discutons avec elles.»

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