Alain Jund : «Les entreprises ont tout intérêt à participer au challenge «Au boulot à vélo»!»

Par Laurent F.
Publié: Mis à jour: 7 minutes de lecture
Vélo

Du 1er au 30 juin, pour la quatorzième année consécutive, l’Eurométropole de Strasbourg organise le challenge «Au Boulot à Vélo». Pendant un mois, les entreprises se défieront et tenteront de cumuler le plus grand nombre de kilomètres à vélo. Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole en charge des mobilités, nous parle de ce challenge devenu une véritable référence partout en France. Et des enjeux qu’il représente, pour les entreprises comme pour le territoire.

Alain Jund ©JFBadias

Depuis sa création à Strasbourg, il y a quatorze ans, quelques villes ont suivi le mouvement, si bien qu’on croit souvent qu’«Au boulot à vélo» est une manifestation nationale…

Alain Jund : «Ce n’en est pas une, non. Mais, justement, nous sommes en train de travailler avec le Club des villes et territoires cyclables et avec la FUB pour essayer de la décliner, car c’est un levier particulièrement intéressant pour inciter à modifier la mobilité du quotidien. Mais cela demande forcément un peu de temps. D’abord, une mobilisation des entreprises et de leurs salariés est nécessaire. Il faut aussi pouvoir créer une émulation entre les différentes entreprises qui, bien souvent, se coachent entre elles et se défient, comme une sorte de jeu. Enfin, l’organisation demande elle aussi du temps. 15 000 inscrits comme c’était le cas à Strasbourg en 2022, ce n’est pas rien ! D’autant que c’est un challenge qui dure tout un mois.»

Pourquoi un mois, d’ailleurs ?

Alain Jund: «Parce qu’on ne change pas d’habitudes en un seul jour… Si vous l’organisez sur du plus long terme, vous avez tout le temps de vous dire que finalement la solution est bonne. D’après les estimations de l’association Cadr67 qui a créée l’événement et qui l’organise à nos côtés, chaque année, on compterait 500 personnes supplémentaires qui utilisent un vélo pour leurs déplacements. De plus, ce temps long permet aux entreprises d’apporter des évolutions. D’ailleurs, je pense qu’elles ont tout intérêt (et ceci à plusieurs titres) à participer à ce challenge.»

Pour quelles raisons ?

Alain Jund: «D’abord, parce que de nombreuses études internationales ont montré que les gens venant au travail à vélo sont plus ponctuels, en meilleure santé, et souvent plus productifs. D’autre part, cela créé (dans les petites comme dans les grandes entreprises) une sorte de dynamique interne. Enfin, cela contribue fortement aux plans de déplacement des salariés, permettant du même coup à l’entreprise d’avoir des besoins en parkings moins importants, donc d’amoindrir les coûts inhérents.»

©Jerome Dorkel-Strasbourg-Eurometropole

Quel est le profil type des entreprises participantes ?

Alain Jund: «Il a beaucoup évolué au fil des années. Longtemps, le challenge mobilisait surtout les entreprises que je qualifierais de CSP+ (des cabinets d’architecture, des bureaux d’études etc…). Mais progressivement -et parce qu’on travaille beaucoup avec un certain nombre de réseaux-, cela s’est étendu au secteur industriel où la culture vélo est (au départ) moins importante. Le vélo n’est pas du tout utilisé de la même manière si l’on est un ouvrier qui travaille dans une entreprise éloignée de son domicile ou le salarié d’un cabinet d’architectes vivant et travaillant près du centre…»

Du 12 au 16 juin, vous organisez également «A l’école à vélo». En 2022, 81 établissements scolaires et près de 6 000 élèves s’étaient inscrits. Quel est l’objectif de cette opération ?

Alain Jund: «Ce challenge est plus récent puisque créé il y a quatre ans. De plus, il vient en écho à «Au boulot à vélo» mais il a sa dynamique propre. L’objectif, ici, est d’éviter autant que possible les nombreuses voitures qui viennent chaque jour jusqu’aux écoles faisant souvent seulement 300 ou 400 mètres depuis leur domicile. De plus, il réunit bien souvent des élèves de CM1 et de CM2, qui sont en train de devenir progressivement autonomes. L’idée est qu’à l’arrivée au collège, de plus en plus d’enfants soient assez autonomes pour s’y rendre à vélo.

De plus, les impacts sont intéressants. Les enseignants, évidemment, se prennent aussi au jeu et participent. Surtout, face à l’appréhension souvent ressentie chez les parents (liée aux problèmes de sécurité, au manque d’aménagements à certains endroits etc…), ce challenge permet de renforcer l’idée que, oui, aller à vélo à l’école est tout à fait possible. Enfin, pour les communes, il permet aussi de mieux connaître les zones jugées dangereuses tant par les parents que par les enfants. Et de pouvoir y apporter des réponses en réajustant et en priorisant un certains nombre d’investissements.»

©Jérôme Dorkel

Une telle opération suppose qu’il y ait suffisamment d’infrastructures dans les établissements participants, non ? 

Alain Jund: «En tout cas à proximité. Cela étant dit, à Strasbourg, nous n’avons pas à rougir de ce qui a été fait ces dernières années. À ce propos, nous avons décidé de franchir une étape supplémentaire : nous allons consacrer 100 millions d’euros aux nouvelles infrastructures cyclables. Cela concernera notamment celles de proximité, en particulier autour des écoles, des collèges et des lycées afin que les élèves puissent bénéficier d’aménagements sécurisés. Et pour qu’ils puissent avoir des espaces de stationnement sécurisés dans l’enceinte même des établissements. Nous travaillons aussi à l’amélioration du réseau cyclable dans les zones d’activités. Je pense notamment au Port autonome de Strasbourg où une piste cyclable vient d’être inaugurée.»

En novembre dernier, l’Eurométropole a obtenu le label «Employeur Pro vélo niveau Or» attribué par la FUB. Qu’est-ce que cela implique ?

Alain Jund: «Dans un souci d’exemplarité, l’Eurométropole de Strasbourg a mis en œuvre de nombreuses actions en faveur du vélo auprès de ses 7 000 agents. Notamment, la création d’un silo de 300 places de stationnement, l’animation d’une vingtaine d’ateliers d’autoréparation, la mise à disposition de vélos classiques, de VAE et de vélos cargo. Nous remboursons aussi les Forfaits mobilité à hauteur de 75% et non 50% comme la loi l’a fixé. Ce label vient donc récompenser tout le travail de facilitation de l’usage de modes de déplacement alternatifs à la voiture que nous avons entrepris. D’ailleurs, nous constatons que l’habitude se prend de plus en plus, tout particulièrement depuis l’arrivée du VAE. Désormais, il est devenu presque commun de venir travailler à vélo ! Et pas seulement les agents. Les élus aussi. Aujourd’hui, par exemple, la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian et la Présidente de l’Eurométropole, Pia Imbs se déplacent quasi exclusivement à vélo !»

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