Quelles sont les offres de nos villes? Pour quels enjeux? Et quels sont leurs projets? Make a Move vous invite à un Tour de France des mobilités durables. Nouvelle étape, Rouen. Cyrille Moreau – Vice-Président de la Métropole Rouen Normandie en charge des transports, des mobilités d’avenir et des modes actifs de déplacement, nous en dit plus.
Vous avez lancé un grand projet baptisé «R’Evolution». A la clé, le concept «Mobilité intelligente pour tous» où la question des véhicules autonomes est centrale. Où en est-ce dispositif ?
Cyrille Moreau: «Hélas, ce projet est en attente. Crise Covid oblige, nous avons donc dix-huit mois de retard sur le déploiement de nos navettes autonomes en circulation réelle. Elles devaient entrer en service en septembre, mais ne pourront l’être qu’en 2024. Tout de même, nous avons déjà fait une première expérimentation avec Transdev sur notre Technopole. Les gens ont pu prendre des véhicules type taxis (des Zoé). Et nous nous apprêtons à en lancer une deuxième, avec Renault cette fois. Elle se confrontera à la «dure réalité» du centre-ville et sera forcément plus complexe. Mais cela nous renseignera sur l’opérabilité des bus autonomes. Faudra-t-il les réserver aux axes routiers ou pourra-t-on se permettre de les faire circuler dans l’espace urbain?»
Dans une vidéo de présentation disponible sur votre site, vous expliquez ce projet en vous appuyant sur un certain nombre d’adjectifs. Comme «visionnaire». Et «pionnier». C’est-à-dire ?
C. M.: «C’est évidemment lié à la place que nous donnons au numérique. Lorsqu’on parle de mobilité, il y a bien sûr les offres classiques. Puis la mobilité 2.0 où l’on fait entrer le numérique. Là, on peut évoquer le covoiturage avec, à notre échelle locale, des opérateurs comme Klaxit. Vient ensuite la mobilité de demain dont font partie les véhicules autonomes que je viens d’évoquer, mais aussi les offres MaaS.
Contrairement à de nombreuses autres métropoles, nous avons choisi de nous y lancer. Nous développerons notre MaaS tout au long de 2022. La raison de notre choix est simple: nous nous apprêtons à passer d’une époque de propriété à l’usage et de mono mobilité à une autre, multimodale. C’est donc une double révolution! Or, le numérique est la condition sine qua non pour la réussir. Mais il n’est pas suffisant. Nous travaillons aussi sur la décarbonation de nos flottes. Il y a quelques années, nous avons fait partie des pionniers en permettant le développement de filières industrielles dans le secteur de l’énergie solaire. Désormais, notre rôle est d’aider l’hydrogène à se diriger vers la maturité.»
Votre offre de transports en commun se construit autour du réseau Astuce. Comment s’organise-t-il ?
C. M. : «Il est en pleine évolution, mais sa colonne vertébrale est le tramway que l’on l’appelle Métrobus car il circule en partie en sous-terrain. Il croise en perpendiculaire un réseau de bus à haut niveau de services. Eux-mêmes sont complétés par deux autres offres. Enfin, nous avons un système de transports à la demande destiné aux zones rurales et péri-urbaines. Aujourd’hui, du côté des bus, notre part modale est plutôt moyenne: 12% (les métropoles voisines sont entre 13 et 15%). L‘objectif est de renforcer le maillage du territoire en reliant, par exemple, le nord au sud sans être obligé, comme c’est le cas en ce moment, de passer par le centre. Nous sommes en train de développer des offres transversales. Elles seront mises en place en septembre 2022 pour les renforcer progressivement et ainsi rattraper notre retard. L’objectif étant d’atteindre les 20% de part modale.»
«D’ici 2026, 200 km de pistes cyclables seront installées, et une centaine supplémentaire après le mandat»
Cyrille Moreau, Vice-Président de la Métropole Rouen Normandie .
Quelle est la part de véhicules propres dans cette flotte?
C. M.: «Nous avons commencé notre mandat avec quatre bus électriques sur une flotte de 350, ce qui n’était évidemment pas satisfaisant. Quatorze à l’hydrogène et trente électriques vont arriver dès cette année. Et nous avons passé commande de 80 véhicules électriques pour 2023. Nous ferons du rétrofit aussi. Avec l’ambition d’atteindre en 2026, à la fin du mandat, 50% de notre parc en véhicules décarbonés.»
Et du côté des vélos?
C. M.: «Si nous sommes en queue de peloton sur les bus, nous avons totalement décroché sur les vélos. En 2017, une enquête montrait qu’à Rouen la part modale des deux-roues était seulement de 1%. A titre d’exemple, les autres agglomérations se situent plutôt entre 3 et 5%. Et je ne vous parle pas de Grenoble et de Strasbourg qui sont bien au-delà. Bref, nous allons agir sur les infrastructures. Nous structurerons en réseau nos différentes pistes cyclables pour en faire de vraies pistes avec numérotation, marquage au sol etc… D’ici 2026, 200 km de pistes seront installées, et une centaine supplémentaire après le mandat. En attendant, nous souhaitons agir sur les services.»
Quels sont-ils ?
C. M.: «Avec Lovélo, vous pouvez louer en LLD l’un des 2 500 VAE (urbains, pliants et cargos) à disposition. Quant à Cy’Clic, il s’agit d’une offre en libre-service située sur l’espace public. Actuellement nous avons un contrat avec JC Decaux. 250 vélos sont déployés sur le centre de Rouen. Nous prévoyons de les passer à 1 500. Nous déploierons au total 4 100 vélos sur le territoire, électriques ou mécaniques. Par ailleurs, nous sommes en train de créer un service de stationnement. Dans nos parkings sous-terrains, nous aménageons des espaces dédiés. Et, dans l’espace public, du mobilier à proximité des lieux de fréquentation (entre vingt et soixante places pour chaque).»
Disposez-vous d’une offre de location de trottinettes?
C. M.: «Non, et nous n’y sommes pas favorables.»
Vous citiez tout à l’heure le co-voiturage qui fait partie des piliers de votre politique…
C. M.: «Tout à fait. Nous avons passé un partenariat avec Klaxit. Nous prenons à notre charge la part passager. L’offre est donc gratuite pour les usagers. En parallèle nous allons créer des lignes physiques où nous mettrons en place un système d’arrêts (à la manière des arrêts de bus). Et nous allons suivre l’exemple des Lyonnais qui testent les voies réservées.»
D’autres projets?
C. M.: «Du côté des infrastructures lourdes, reste le sujet du train. Un projet ne relève pas de la métropole: celui de la Ligne Nouvelle Paris Normandie (LNPN) dont les travaux vont bientôt démarrer. Cette ligne partira de la gare Saint-Lazare à Paris. Elle contournera Mantes-la-Jolie pour arriver sur Rouen. Avec la nécessaire création d’une deuxième gare, rive gauche, qui deviendra la gare principale de la ville. Nous travaillons sur ce que celle-ci permettra. Peut-être des RER métropolitains que l’Etat appelle SEM (Services Express Métropolitains). Ils nous permettraient de nous connecter directement à notre deuxième centralité, Elbœuf, au sud du territoire. Ainsi Rouen et Elbœuf pourraient être reliées en vingt minutes quand, aujourd’hui, il faut compter environ le double en bus. Enfin, autre projet: le fleuve.»
C’est-à-dire?
C. M.: «Comme chacun sait Rouen est traversé par la Seine. Nous avons expérimenté avec succès une première navette 100% électrique. Nous en rajouterons deux, à l’est et à l’ouest, là où nous n’avons pas de pont. Il s’agit de traversées perpendiculaires qui concernent les trajets domicile-travail. Elles permettront d’éviter l’obligatoire passage par le centre que j’évoquais précédemment.»