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Magali Alix-Toupé, CEO de X Mobility Le Mans : «Plutôt qu’un incubateur ou un accélérateur, je vois ce Hub comme un catalyseur.»

par Laurent F.

Depuis avril dernier, un hub international consacré aux mobilités du futur s’est installé face au légendaire circuit des 24 Heures du Mans. Son instigatrice et CEO Magali Alix-Toupé nous explique la démarche et ses ambitions.

Sur quelles idées est né X Mobility Le Mans ? 

Magali Alix-Toupé: Ce hub est né de l’écosystème créé autour de Le Mans Tech. À mon arrivée ici j’ai rencontré toutes les parties prenantes et nous nous sommes rapidement aperçus que les start ups industrielles avaient grand besoin d’un partage d’outils. Nous  nous sommes alors dirigés vers cette solution que l’on pourrait présenter comme une Station F version industrielle.

Quels sont vos objectifs ?

Magali Alix-Toupé: Le X de X Mobility Le Mans est à la fois le X du design et du prototype. Notre idée est de faire se croiser des personnes qui ne se croisent pas toujours. Ce peut être des grands groupes, des start-ups, des donneurs d’ordres publics, des chercheurs… Français bien entendu, mais internationaux aussi. Quant à la mobilité, nous l’entendons au sens large : ce peut être la marche à pied, les 2, 3 ou 4 roues, tout ce qui va sur les rails, ce qui vole, ce qui vogue… L’idée est de permettre des synergies, et notamment celles auxquelles on n’a pas forcément pensé jusque là.

Justement, quels types de programmes allez-vous proposer ?

Magali Alix-Toupé: Certains seront portés par des groupes pour qui nous lancerons des appels à manifestation d’intérêt de start-ups. L’idée étant qu’ensemble ils puissent développer des cas d’usage avant d’exposer (par exemple dans le cadre des 24 Heures du Mans) pour montrer ce qu’ils ont réussi à développer ensemble. Deuxième axe : l’Open innovation. Si vous travaillez sur la mobilité lourde, par exemple, vous pourrez choisir de travailler avec des concurrents ou avec des acteurs faisant partie de la même chaîne de valeur et réfléchir tous ensemble à la résolution d’un problème. Chacun tirera beaucoup d’inspiration sur ces réflexions, et cela pourra donner naissance à de nouvelles entités. Pour vous citer un exemple, plutôt que du matériel on va de plus en plus vers le service. En clair, les gens vont de plus en plus acheter un trajet plutôt qu’un véhicule. Il s’agira donc de travailler à la transformation de nos modèles économiques en trouvant là des synergies.

Concrètement, comment ce Hub va s’organiser ?

Magali Alix-Toupé: Nous disposons d’une infrastructure de 4 200 m2 divisée en deux parties. Le Welcome d’abord, qui (sur 800 m2) sera la zone événementielle, accessible aux visiteurs. Des conférences y seront organisées ; un espace de coworking permettra de venir travailler. La Factory, elle, sera plus sécurisée. Sur 3 400 m2, elle permettra de travailler dans la confidentialité dont chacun a besoin. Une trentaine d’ateliers privatifs seront disponibles avec des surfaces modulables en fonction des besoins et de l’activité de chacun. Si vous travaillez sur les trottinettes, vous n’aurez évidemment pas les mêmes besoins d’espaces que si vous travaillez sur les véhicules utilitaires. Sur cette zone également, une usine partagée sera mise en place qui permettra de mettre en commun machines et moyens. Nous aurons aussi une Expérience Lab où chacun pourra venir protyper ses conceptions en mode digital. Et une Materiauthèque qui permettra à ces structures venues du monde entier de bénéficier d’un petit show room au Mans. L’objectif étant d’exposer les nouveaux matériaux pour permettre à ceux qui conçoivent les mobilités du futur de s’inspirer dès le départ de matériaux décarbonés ou à l’impact limité. Enfin, nous aurons également des plateformes de test. Ce pourra être des parkings privatifs jusqu’à des circuits plus élaborés.

«Nous nous appuierons sur les eco-systèmes existants pour apporter les briques nécessaires et aider au développement, sachant que celui des start ups industrielles se fait toujours sur un temps très long: environ dix ans.»

Magali Alix-Toupé, CEO de X Mobility Le Mans

Comment vous présentez-vous ? Un incubateur ? Un accélérateur ?

Magali Alix-Toupé: Je préfère dire « catalyseur ». Les incubateurs vont partir de l’idée pour aller jusqu’au début du projet et les premiers clients. Les accélérateurs, eux, vont partir des premiers clients pour accélérer le développement des entreprises. La France est plutôt bien pourvue sur ces offres. En revanche, sur le plan industriel, il s’agit d’une toute autre culture. Nous nous appuierons sur les eco-systèmes existants pour apporter les briques nécessaires et aider au développement, sachant que celui des start ups industrielles se fait toujours sur un temps très long: environ dix ans. 

Et quand ouvrirez-vous vos portes ?

Magali Alix-Toupé: Nous sommes déjà actifs à distance. Quant au lieu, après quelques travaux d’aménagement, nous devrions pouvoir ouvrir en novembre. Nous avons pour actionnaires l’Automobile Club de l’Ouest (ACO), l’organisatrice des fameuses courses sur le circuit face auquel nous nous trouvons. Le Groupe IDEC Invest Innovation aussi, qui soutient nombre de start ups, notamment dans le domaine de l’énergie. C’est aussi lui qui construit la gigafactory Verkor dans le nord de la France. Et, troisième actionnaire, le Groupe Ed-Trans qui se consacre aux flux de marchandises. Mais nous sommes en train de fédérer d’autres investisseurs, sachant que le modèle de l’entreprise a été bâti de sorte que nous en intégrions régulièrement. Ce seront forcément des entités qui partagent nos valeurs, avec la même vision à moyen-long terme que nous.

Pour conclure, un mot sur les 24 Heures du Mans. À mal connaître ce secteur, et plus précisément cette compétition, certains peuvent penser qu’il s’agit là d’un événement particulièrement polluant…

Magali Alix-Toupé: Certains peuvent en effet le penser, mais ce n’est pas le cas du tout. Les 24 Heures du Mans sont un outil unique au monde, un véritable laboratoire d’innovations. Aujourd’hui, tous les constructeurs viennent tester leurs modèles ici car ils y trouvent un gage de fiabilité et de sécurité. De plus, les organisateurs ont la très grande volonté d’être des acteurs majeurs de la transition écologique. J’en veux pour preuve la Mission H24 qu’ils ont lancée et qui vise à introduire l’hydrogène sur les compétitions. De plus, des études de cycle de vie et des bilans carbone ont été réalisés autour de la course. Sachant que les voitures roulent désormais aux bio-carburants, les plus grosses émissions ne sont pas dues à la compétition elle-même mais plutôt à la venue des spectateurs. Et le sujet est le même que vous alliez aux 24 Heures du Mans, au Vendée Globe, aux J.O. ou à n’importe quelle manifestation partout dans le monde.

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