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Les Ateliers du Bocage travaillent à la deuxième vie de nos vieux smartphones

par Laurent F.

Basés dans les Deux-Sèvres, les Ateliers du Bocage font partie des pionniers français de l’économie circulaire. Largement impliquée dans une démarche à double impact (environnementale et solidaire), cette entreprise vient de déployer l’opération «Smartphone suspendu». Nicolas Lebeau, Directeur adjoint et responsable du pôle numérique solidaire, a accepté de nous en dire plus. 

Nicolas Lebeau Les Ateliers du Bocage, @Tim Fox

Quand et comment sont nés les Ateliers du Bocage? 

Nicolas Lebeau : «Il y a 31 ans, alors que notre territoire traversait une grave crise liée à la débâcle de l’industrie automobile, notamment avec celle du Groupe Heuliez. Face à la situation, les pouvoirs publics ont cherché à recréer un dynamisme économique. Et la communauté Emmaüs (dont nous sommes membres) a alors décidé de répondre à cette demande en proposant des solutions. Il s’agissait d’aider toute une population à retrouver un emploi, donc à retrouver l’espoir. Pour résumer, Les Ateliers du Bocage, c’est aujourd’hui une coopérative d’utilité sociale et environnementale. Une entreprise d’insertion et une entreprise adaptée qui accueille, forme et accompagne des personnes éloignées de l’emploi à retrouver une place dans le monde du travail. Nous bénéficions d’une gouvernance coopérative en SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif), ce qui fait que dans nos sociétaires, nous comptons la Région, le Département, l’agglomération, et des entreprises partenaires.»

Et quelles sont vos activités ?

Nicolas Lebeau : «Parmi les premières que nous avons proposées figuraient les palettes en bois à dossiers, qui permettent de fabriquer des fenêtres notamment. Aujourd’hui, elles représentent encore un tiers de notre chiffre d’affaires. Mais, au fil du temps, nous sommes devenus multi-activités. Nous proposons aussi nos services aux territoires pour l’entretien des espaces verts, celui des rivières ou des espaces naturels. Et, depuis une vingtaine d’années, nous nous sommes également dirigés vers les déchets électriques et électroniques qui constituent maintenant la part la plus importante de nos activités. Nous nous adressons aussi bien aux collectivités, aux entreprises qu’aux particuliers.»

Les Ateliers du Bocage, @ Tim Fox

Et que faites-vous de ces déchets ?

Nicolas Lebeau: «Nous avons commencé modestement, mais face à la demande grandissante, il nous a fallu nous professionnaliser. Nous nous sommes équipés de logiciels reconnus par l’ANSSI, notamment. Par exemple, si nous récupérons le matériel informatique d’une grande compagnie d’assurances niortaise, il nous faut absolument garantir aux responsables informatiques qui se défont de leur parc que leurs données seront effacées de manière sécurisée. Bref, nous traitons aujourd’hui de plusieurs types de déchets électriques et électroniques. Notamment du matériel informatique. Et de la téléphonie pour laquelle nous avons beaucoup investi en termes de compétences. D’ailleurs, nous sommes devenus l’un des plus gros acteurs du secteur, dans l’économie sociale : nous traitons 380 000 téléphones par an. Nous avons la chance d’être collecteur national et disposons de ce fait d’une variété énorme de modèles que ne propose pas l’immense majorité des acteurs de ce secteur.»

Comment s’effectue cette collecte citoyenne nationale ?

Nicolas Lebeau : «Plus de 100 millions de téléphones portables dorment dans les tiroirs des Français. Or, comme vous le savez, 80% de l’impact d’un équipement électronique vient de sa fabrication. Il est donc important que, tant qu’il est fonctionnel, il puisse avoir un utilisateur plutôt que de rester dans un tiroir ou d’être jeté ! Pour ce faire, l’éco-organisme Ecosystem a monté l’opération jedonnemontelephone.fr. Lorsque vous allez sur le site et que vous imprimez une étiquette gratuite Colissimo pour envoyer votre appareil, peu importe que vous habitiez Paris, Marseille, Vesoul ou Strasbourg : tout arrive chez nous. Par ailleurs, nous collectons aussi un gros volume de reprises venues d’Orange.»

Les Ateliers du Bocage, @Tim Fox

Et tous sont donc reconditionnés par vos soins ?

Nicolas Lebeau : «Non. De nombreuses personnes sortent leurs appareils de leurs tiroirs beaucoup trop tard pour que ceux-ci puissent être réutilisés. De ces 380 000 téléphones traités, seuls 45 000 pourront-être mis en ré-emploi. Et parmi ceux-là, 30 000 demeurent la propriété d’Orange pour qui nous sommes sous-traitants. Ce qui signifie que nous, Les Ateliers du Bocage, par le biais de nos canaux habituels de vente (nos boutiques de Bressuire, Niort, Poitiers et Cholet ainsi que notre site Internet), nous revendons entre 10 et 15 000 téléphones par an, toutes gammes confondues.»

«Le recyclage matière, évidemment, c’est bien… mais c’est moins bien que de prolonger la durée de vie des appareils !»

Nicolas Lebeau, Les Ateliers du Bocage

Comment est née l’opération solidaire « Smartphone suspendu» que vous venez de lancer début mai ?

Nicolas Lebeau : «Nous nous sommes retrouvés avec 55 000 Sony Xperia X identiques, avec un taux de ré-emploi bien au-delà de nos espérances, à savoir environ 70%. Ce qui signifie que nous avons environ 40 000 appareils dans nos stocks. Sauf qu’à la vitesse à laquelle nous pouvons vendre (même en utilisant le canal Backmarket, puisque nous y sommes revendeurs), il nous aurait fallu presque dix ans pour tous les écouler ! Bref, ils seront devenus obsolètes que nous en aurions encore !… Bien sûr, nous pourrions nous contenter d’en traiter environ 10 000 et d’envoyer les autres dans les filières de démembrement pour les faire recycler. Sauf que le recyclage matière, évidemment, c’est bien… mais c’est moins bien que de prolonger la durée de vie des appareils !

Nous avons donc réfléchi à comment les écouler en veillant à ce que l’impact sur l’environnement soit positif. Il se trouve que j’ai toujours aimé ces Cafés suspendus qu’on peut voir dans les cafés solidaires. Alors j’ai voulu l’appliquer aux smartphones. L’idée est simple : un appareil vendu (entre 60 et 70 euros), un autre donné aux personnes les plus modestes. Il faut préciser que cette opération aura permis la création de sept emplois, dont la majorité en contrat d’insertion.»

Les Ateliers du Bocage, @ Tim Fox

À quel type d’associations allez-vous les donner ? À Emmaüs essentiellement ?

Nicolas Lebeau : «C’est une bonne question à laquelle nous avons souhaité répondre en amont. Car pas question de faire n’importe quoi, évidemment ! Nous utiliserons le réseau Emmaüs essentiellement pour les vendre. Pour ce qui concerne les appareils suspendus (donc donnés), en France, nous les dirigerons vers Emmaüs Connect qui est à la tête d’un réseau de 410 relais numériques solidaires depuis qu’ils ont monté le projet lacollecte.tech. Cela peut aller d’une association qui vient en aide aux migrants à Calais à une autre qui gère des centres d’hébergement d’urgence, par exemple. Grâce à Emmaüs Europe, nous devrions pouvoir aussi toucher l’Ukraine puisqu’ils sont présents dans des pays limitrophes à la frontière ouest du pays. Et par le biais d’Emmaüs International nous espérons pouvoir toucher l’Afghanistan, la Turquie, la Syrie, et peut-être le Liban et l’Amérique du Sud, mais cela reste à préciser. En tout cas, nous tenons beaucoup à cette opération dont la démarche est à double impact

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