Fondé en 2020 par Lucie Pinson, Reclaim Finance a pour objectif de mettre la finance au service de la justice sociale et climatique. L’ONG a publié début juin un nouveau rapport passant au crible les pratiques de vingt-sept assureurs-vie français. Et le constat est sans appel : la réalité n’est pas du tout à la hauteur des engagements !
Un sérieux levier pour financer la transition, mais pas que…
Rift, une application mobile qui scanne l’impact sociétal et environnemental de nos comptes courants, livrets A et autres assurances-vie, a soutenu la réalisation de cette étude intitulée « L’assurance-vie à l’ère de l’urgence climatique : Convoitée pour la transition et toujours investie dans l’expansion fossile ». Rappelons que l’assurance-vie est le premier produit d’épargne des Français, représentant plus de 1 900 milliards d’euros d’encours. Et qu’il contribue à alimenter le réchauffement climatique puisque le gouvernement compte sur une partie de cette épargne pour financer la transition écologique.
Une partie seulement, car -du côté des assureurs- l’affaire n’est pas si évidente « Si quasi-tous les assureurs vie analysés se sont engagés à atteindre la neutralité carbone ou à contribuer aux objectifs de l’Accord de Paris, l’analyse de Reclaim Finance et Rift révèle qu’ils continuent d’utiliser l’épargne des Français pour soutenir l’expansion fossile. »
Et le rapport de préciser : « Sur plus de 8 000 unités de compte (UC) analysées, 63% incluent au moins une entreprise qui développe des projets d’énergies fossiles. (…) 2/3 des assureurs vie analysés peuvent encore réaliser, par le biais de leur fonds euro, de nouveaux investissements dans des entreprises exploitant de nouveaux champs de pétrole et de gaz. De grands noms du secteur comme le Crédit Agricole Assurances, AXA France Vie et BNP Paribas Cardif Vie (les premier, troisième et quatrième assureurs-vie français) s’autorisent encore à investir dans les plus grands développeurs d’hydrocarbures, malgré leurs objectifs de neutralité carbone. »
« Pour 100 € placés par un épargnant sur son contrat d’assurance-vie en 2024, 41 € en moyenne ne sont pas concernés par l’application de ces engagements climatiques. »
Rapport Reclaim Finance-Rift
Les bonnes intentions ne suffisent pas
Tout de même, l’ONG accorde quelques bons points: « CNP Assurances, numéro 2 de l’assurance-vie, s’est engagé à stopper ses nouveaux investissements dans ces entreprises. Par ailleurs, seuls deux assureurs-vie, Suravenir et MACSF, se sont engagés à cesser leurs nouveaux investissements dans des entreprises développant de nouveaux champs pétro-gaziers ,mais également de nouveaux pipelines et terminaux de gaz naturel liquéfié.» Mais pas de quoi se réjouir pour autant, à en croire le rapport. Car «les engagements climatiques des assureurs-vie ne s’appliquent qu’à leur fonds euro, et très rarement aux unités de compte, un support qui séduit pourtant de plus en plus d’épargnants. Ainsi, pour 100 € placés par un épargnant sur son contrat d’assurance-vie en 2024, 41 € en moyenne ne sont pas concernés par la mise en place de ces engagements climatiques. »
En résumé, l’analyse des unités de compte révèle que «63% d’entre elles contiennent au moins un développeur d’énergies fossiles, dont 22% exposées à au moins un développeur charbon. TotalEnergies se retrouve, par exemple, dans plus d’un quart des UC analysées. Des placements qui n’échappent pas au greenwashing : sur près de 1 700 UC analysées et étiquetées « durable », « vert », « ESG » ou encore « responsable », plus de la moitié sont en réalité exposées à des développeurs d’énergies fossiles. »
En finir avec le greenwashing du secteur
Ainsi, Reclaim Finance et Rift appellent les assureurs-vie à « réhausser leurs politiques climat et les appliquer à l’ensemble de leurs contrats d’assurance-vie, y compris les contrats en unités de compte.» Et demandent aux pouvoirs publics et aux régulateurs d’agir. « Notamment pour sanctionner le greenwashing des produits d’épargne, faussement étiquetés « ESG », « climat » , « responsable » ou « durable ». »