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Biarritz s’appuie sur une application participative pour la collecte de ses déchets flottants

par Laurent F.

En 2022, la Ville de Biarritz a accordé sa confiance à la jeune start up I Clean My Sea pour la gestion de ses déchets flottants. Face aux excellents résultats (l’efficacité de la collecte aurait été améliorée de 300%!), elle vient de renouveler son partenariat. Fondateur d’I Clean My Sea, l’océanographe Aymeric Jouon nous explique son concept.

Comment est né ce partenariat entre la Ville de Biarritz et I Clean My Sea?

Aymeric Jouon: «I Clean my Sea est née en 2019, et il a fallu un certain temps avant que nous n’arrivions à nous insérer dans les offres de marchés publics pour la collecte de déchets flottants. Historiquement, Biarritz avait l’habitude de travailler avec un grand groupe, à savoir Suez. Il faut avoir des arguments sévèrement affûtés afin de pouvoir rivaliser avec une entreprise comme celle-ci!… Et il faut croire que nous les avons eu puisqu’en 2022, la Ville a lancé un nouvel appel d’offre que nous avons remporté. Celui-ci courait sur un an renouvelable. Nous avons donc été renouvelés cette année.»

Qu’est-ce qui a convaincu la municipalité, selon vous? 

Aymeric Jouon: «Certainement notre approche unique de la dépollution, puisque nous faisons appel au participatif en amont de la collecte.» 

Du participatif qui passe donc par une application?

Aymeric Jouon: «Oui, tout à fait. Nous invitons tous les usagers (qu’ils soient en mer ou sur le littoral) à se mobiliser en prenant en photo les déchets qu’ils aperçoivent, ceci via notre application gratuite disponible sur Google Play et Apple Store. Cette photo est alors immédiatement géolocalisée.» 

Et que se passe-t-il ensuite?

Aymeric Jouon: «Je suis chercheur en océanographie, notamment spécialisé dans les courants. J’ai créé un algorithme de calculs de dérive qui permet de déterminer où se dirigeront les déchets dans les heures qui suivent. Cela permet aux marins professionnels qui sont à bord de notre bateau «The Collector» de savoir où se positionner afin d’être le plus efficace possible. C’est-à-dire pour récupérer un maximum de déchets en consommant un minimum de carburant. De plus, cette application a permis de créer une vraie communauté. Les élus du littoral peuvent aujourd’hui travailler main dans la main avec leurs administrés. Ce qui nous donne une vraie valeur ajoutée par rapport à la collecte «classique» qui se faisait jusque-là.»

Pourquoi ne pas avoir opté pour un bateau électrique?

Aymeric Jouon: «Pour une question essentiellement financière. Au départ, le bateau a été conçu certes au diesel, mais avec deux tous petits moteurs de 20 ch qui consomment très peu de carburant. Pour utiliser un bateau électrique sur le port de Biarritz et le recharger tous les soirs, il faudrait d’abord équiper le port, ce qui demanderait des moyens supplémentaires. De plus, le prix d’un pack de batteries offrant une autonomie suffisante pour nos six heures de navigation quotidiennes équivaut plus ou moins au prix du bateau. Or, il se trouve que c’est I Clean my Sea qui porte les investissements, et -comme vous l’imaginez- nous ne sommes pas Rotschild! (rires) Bref, nous avons souhaité aller au plus efficace. Bien entendu, dès que nous le pourrons, nous changerons de motorisation. Mais je pense que nous nous orienterons plutôt vers l’hydrogène.»

Vous insistez sur la possibilité de télécharger votre appli où que l’on soit sur le littoral français (pas seulement à Biarritz). Pourquoi? Pour mieux convaincre les collectivités?

Aymeric Jouon: «Absolument! Aujourd’hui, cette appli permet de montrer que beaucoup de gens se mobilisent dans les territoires, et que les élus doivent donc prendre les commandes de ce sujet et répondre ainsi aux sollicitations de leurs administrés. Mais l’intérêt ne se limite pas au seul littoral français. D’un point de vue international, on peut aussi utiliser les photos prises via I clean my sea pour étalonner un algorithme qui permettrait de détecter les déchets sur les images satellites. Mais, évidemment, cela demande une mobilisation globale. Bref, ce n’est pas parce que vous n’avez pas de bateau à côté de vous qu’il ne faut pas vous servir de l’application, bien au contraire! D’autant que plus on la téléchargera, plus les collectes seront efficaces!»

Quelles sont vos autres activités?

Aymeric Jouon: «Nous faisons partie d’un consortium international, Interreg Espace Atlantique, qui regroupe des Portugais, des Espagnols, des Irlandais et des Français. Dans ce cadre, nous travaillons sur deux projets, Plast4H2 (Plastic For Hydrogen) et Blue Point. Pour ceux-ci, nous allons construire deux nouveaux bateaux de collectes de déchets flottants. Après quoi viendra la phase de valorisation.»

Ce partenariat avec Biarritz vous a-t-il permis de nouer des liens avec d’autres collectivités ou territoires?

Aymeric Jouan: «Nous avons préféré attendre d’avoir des bateaux à leur proposer avant d’aller frapper à leurs portes, mais nous irons les démarcher dès que nous les aurons. En revanche, les universités espagnoles de Cantabrie et de Mondragon sont venues nous chercher pour répondre à des projets de recherche. Ce qui représente pour nous un total de 700 000 euros, ce qui n’est pas moindre!»

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