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Obligations, cadres réglementaires… En demande-t-on trop aux entreprises?

par Laurent F.

Les 2èmes Rencontres Villes et Entreprises durables consacrées à la logistique et aux flottes d’entreprise se sont tenues le 23 juin dernier à l’Hôtel de Ville de Paris. A cette occasion une table ronde était organisée qui venait rappeler les obligations et les cadres réglementaires que doivent prendre en considération les gestionnaires de flottes. Léo Larivière de Transport & Environnement (T&E) nous en a dit plus. Basée à Bruxelles, T&E est une organisation réunissant une cinquantaine d’ONG impliquées dans les transports et l’environnement. Elle dispose de bureaux dans toutes les grandes villes européennes.

Au moment d’entamer leur transition, les lois et autres réglementations s’avèrent être bien souvent de véritables casse-têtes pour les gestionnaires de flottes. Pouvez-vous nous rappeler celles-ci?

Léo Larivière: «Bien sûr,  les trajectoires de verdissement fixées par la loi LOM sont impérativement à prendre en compte. Mais une fiscalité incitative existe aussi (via les aides, les subventions et divers accompagnements). La transition des flottes est un défi complexe qui implique des changements majeurs. Certes, on peut voir ces obligations comme des contraintes, mais il faut se dire qu’au niveau européen le paysage réglementaire n’a jamais été aussi bien aligné. Les obstacles se lèvent progressivement. D’ailleurs, Transports & Environnement défend un certain nombre de propositions pour permettre aux entreprises d’organiser et d’accélérer plus facilement la transition de leurs flottes.»

Et quelles sont les principales incitations au verdissent des flottes?

Léo Larivière: «Les trois piliers sont la taxe annuelle sur les émissions de CO2, l’avantage en nature ou encore l’amortissement, complétés par le malus et le bonus CO2. Nous avons réalisé plusieurs études afin de savoir où nous en étions vraiment. Et force est de constater que ça marche. Mais il reste du chemin à parcourir…»

C’est-à-dire?

Léo Larivière: «Sur les cinq premiers mois de 2023, 9,5% de véhicules électriques ont été intégrés dans les flottes professionnelles. A titre de comparaison, c’était 19% chez les particuliers. Les politiques publiques doivent donc être encore plus incitatives, et nous y travaillons. Il faut aussi que les constructeurs automobiles puisent s’engager à proposer des véhicules adaptés aux cas d’usage des professionnels. Et que les sociétés de leasing prennent leur part en transmettant leur expertise. Sans oublier les loueurs de courte durée, évidemment. D’ailleurs, savez-vous quelle est la région française disposant du plus grand nombre de voitures électriques par habitant? La Corse. Et ceci, grâce à un loueur de courte durée qui s’est engagé fortement dans une offre de V.E. et dans l’installation de bornes de recharge. Cela permet de confirmer qu’un petit nombre d’acteurs détiennent la clé de cette transition. Et que leur engagement permettrait (comme c’est le cas en Corse) de faire la différence!» 

N’en demande-t-on pas un peu trop aux entreprises?

Léo Larivière: «Il est vrai que le défi qu’ils doivent relever est compliqué. Il demande une gestion de projet et des changements importants. Mais les gestionnaires de flottes ayant commencé cette transition le savent déjà: on peut en tirer énormément de bénéfices. Sur la maîtrise des coûts, notamment. Si l’on compare le TCO d’un véhicule électrique à celui d’un thermique, on voit de suite les avantages à passer à l’électrique. Et ceci, immédiatement.

Mais ce n’est pas tout: outre l’aspect financier, d’autres éléments sont tout aussi importants. Comme la démarche RSE, la réputation et l’attractivité de l’entreprise, la question des mobilités… Enfin, dernier élément qui me semble particulièrement intéressant: on passe d’un véhicule qui convient à tous (le thermique) à un système où il va falloir observer le cas d’usage et décider quelle sera la mobilité qui nous sera la mieux adaptée (V.E., vélo etc…). Passer à l’électrique est important (c’est même indispensable!), mais cela ne résout pas tous les problèmes. Car c’est la question de la place de l’automobile en elle même qu’il faut également se poser. Or, les entreprises sont en première ligne pour activer les leviers nécessaires, notamment via le Crédit Mobilité

Que répondez-vous à ceux qui arguent d’un manque d’infrastructures et dénoncent une intermodalité encore trop compliquée? 

Léo Larivière: «La politique menée par les pouvoir publics est aujourd’hui très morcelée, et les choses peuvent être assez complexes, en effet. Des investissements (notamment pour allier vélos et transports en commun plus facilement) devraient être faits. Mais il ne faut pas oublier qu’on parle ici de transition… et que c’en est bien une!

On ne peut donc pas prétendre aujourd’hui à une parfaite intermodalité. En fait, il faudrait parvenir à nous concentrer sur les cas d’usage auxquels on sait dès maintenant faire face pour laisser les cas les plus complexes à plus tard, sachant que les politiques mises en place vont forcément s’accélérer. En résumé, regardons les choses de façon progressive, et faisons avec les contraintes actuelles. Certes, ce n’est pas en 2023 que nous aurons décarboné l’ensemble du parc automobile professionnel, mais dans dix ou quinze ans il est certain que nous aurons bien avancé!»

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