Face à la congestion de nos villes, le transport fluvial présente de sérieux avantages dont les territoires songent de plus en plus à profiter. Parmi les principaux acteurs du secteur, figure Ocea. Son Directeur adjoint Transport et Mobilité Arnaud de Cazaux nous en dit plus sur les multiples atouts que présente cette mobilité trop longtemps délaissée.
Pouvez-vous nous présenter Ocea?
Arnaud de Cazaux: «La groupe Ocea est né en 1987 aux Sables d’Olonnes. Nos activités concernent la sécurité et la sûreté (tout ce qui touche aux garde-côtes), l’aménagement du territoire (les bateaux de travail qui permettent d’installer des éoliennes en mer ou des plateformes offshore, par exemple), les yachts trans-océaniques, et les transports et mobilités. Dès le départ, Ocea s’est beaucoup impliqué dans la responsabilité environnementale en proposant des bateaux à faible impact environnemental: les plus légers possibles, et économes en terme de consommations d’énergie. Il y a dix ans, nous avons également proposé nos premiers modèles hybrides. Et nous travaillons sur des bateaux 100% recyclés.»
Vous vous intéressez depuis peu à la mobilité urbaine. Qu’est-ce qui vous y a mené?
Arnaud de Cazaux: «En effet, nous avons lancé il y a un an un département Mobilité urbaine. Nous croyons très fortement en cette solution. Ceci pour plusieurs raisons. D’abord, 50% de la population mondiale vit aujourd’hui en ville. En 2030, ce sera 60%. Cette forte croissance a évidemment un impact sur la congestion des villes et sur l’empreinte environnementale des transports. D’où la croissance des investissements dans les transports publics, essentiellement tirés par les nouvelles formes de mobilités. Autre facteur important: 95% des villes sont situées au bord de l’eau. Cette eau s’était faite chasser par le boom de l’automobile dans les années 1950 mais, face à des infrastructures saturées et au besoin de mobilités douces, elle redevient une solution. Depuis quelques années, les villes se réapproprient leurs fleuves.
Aussi durable soit-elle, cette solution reste toutefois marginale, non?
Arnaud de Cazaux: «C’est tout à fait vrai. Mais ce qu’il faut voir, c’est d’où l’on vient! Bien sûr, aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Scandinavie il y a toujours eu une mobilité urbaine fluviale. Comme à Amsterdam, Rotterdam, Copenhague, Stockholm ou Hambourg notamment. Et ne parlons pas de Venise, évidemment. Mais, en France, souvenons-nous qu’en 2010 il n’y avait encore rien! Effectivement, cette solution restera toujours marginale. Sa part modale ne sera jamais supérieure à 5%. Toutefois, elle peut présenter de réels intérêts dans certaines villes, ne serait-ce que pour des raisons purement géographiques. Par exemple, à Lorient, Toulon, Vannes, Brest, La Rochelle ou Annecy. A Thonon-les-Bains aussi où, pour relier Lausanne, vous devez traverser le lac Léman. Quant à Bordeaux, elle dispose de très peu de ponts pour traverser la Gironde.»
Quel type de bateaux proposez-vous?
Arnaud de Cazaux: «Nous avons deux gammes qui répondent à des besoins et à des usages très différents. D’une part, la mobilité intra-urbaine (le water bus). A Bordeaux, par exemple, nous avons vendu quatre navettes fluviales. D’autre part, la mobilité ville-périphérie. A Londres, nous avons vendu une quinzaine de bateaux bus qui sont exploités par Uber Boats Thames Clipper. Ils relient l’East London au centre de Londres. A Vienne, ce sont deux bateaux qui assurent la liaison avec Bratislava en moins d’une heure, sur le Danube. En terme de construction cette segmentation est importante. Car il est plus facile d’électrifier un bateau faisant des courtes distances à faible vitesse que d’autres qui font de longues distances à grande vitesse. A côté de cela, nous avons des gammes annexes, la livraison urbaine par exemple.»
Quels sont les avantages de cette mobilité fluviale, tant pour les territoires que pour les usagers?
Arnaud de Cazaux: Elle coche toutes les cases. D’abord, elle est verte. Comme je le disais, nos bateaux sont légers et faciles à électrifier. Ils sont durables. Et économiques. Par rapport à un matériel roulant qui durera cinq ou dix ans, eux dureront cinquante ans. De plus, ils remplacent un pont ou un téléphérique (qui coûte plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de millions d’euros). Un bateau vous coûtera -hors génie civil- entre cinq et dix millions. Le tout, sans impact sur le paysage. D’autre part, c’est une mobilité basée sur l’expérience usagers. Les gens ont de moins en moins envie de s’entasser sous terre dans un métro bondé. Alors le bateau vient remettre cette expérience usager au cœur des transports publics. Le trajet en soi n’est plus une perte de temps; on se déplace autrement. C’est ce que les Britanniques appellent «Mobility with a View».»
Quels sont vos projets?
Arnaud de Cazaux: «Je vous en ai déjà cité certains, comme à Bordeaux, à Lyon, Lorient, Toulon… En Ile-de-France, une ligne de six bateaux qui relieront Bercy à Alfortville est à l’étude. De même, à Londres, nous avons vendu un catamaran, ce qu’on appelle un traversier amphidrome (ce qui veut dire qu’il marche dans les deux sens sans avoir à faire des manœuvre). Il fera des aller-retours toute la journée d’une rive à une autre. Ce tout nouveau produit 100% électrique présente à nos yeux un énorme potentiel. Il sera livré fin 2024. De même, les quatre bateaux bus vendus à Bordeaux sont hybrides électriques, mais ils ont été conçus de sorte qu’ils pourront fonctionner à l’hydrogène vert quand le territoire sera prêt. L’hydrogène viendra alors remplacer le diesel qui représente 25% de la consommation du bateau. Les 75% restants, eux, demeureront électriques.»