L’Assemblée nationale vient de donner son feu vert : pour sécuriser les J.O. de Paris, la vidéosurveillance «intelligente» sera autorisée. Mais de quoi s’agit-il, au juste ?
C’est le 20 mars dernier que le projet de loi visant à encadrer l’organisation des Jeux Olympiques de Paris 2024 est arrivé à l’Assemblée Nationale. Un texte largement adopté en première lecture au Sénat (245 voix contre 28), et qui comprend une vingtaine d’articles et autant de mesures. Comme, par exemple, la possibilité de recourir à des tests génétiques afin d’optimiser la lutte contre le dopage. Ou la création d’un centre de santé au sein du village olympique. Mais, on s’en doute, c’est surtout l’aspect sécuritaire qui constitue le cœur de ce texte de loi. Installation de scans corporels à l’entrée des sites, possibilité de procéder à une enquête administrative avant le recrutement d’intérimaires pour les activités liées à la sécurité. Ou encore la possibilité de recourir à la vidéo surveillance «intelligente». Un dispositif prévu à l’article 7, et qui a d’ores et déjà fait couler beaucoup d’encre. Malgré la bronca qu’il a immanquablement suscité, il a été adopté ce jeudi 23 septembre. 59 voix pour, 14 contre.
Ces images seront utilisées pour surveiller «un départ de feu, des goulots d’étranglement de population, un colis ou un sac abandonné, mais pas les sweats à capuche»
Gérald Darmanin, Ministre de l’Intérieur, à l’Assemblée Nationale. Mars 2023
Qu’est-ce que la vidéo surveillance «intelligente» prévue par la loi ?
Les manifestations «sportives, récréatives ou culturelles» dépassant les 300 participants pourront désormais être sécurisées grâce à l’utilisation de logiciels basés sur l’Intelligence artificielle qui permettront d’analyser les images saisies par les caméras de surveillance, les drones ou les aéronefs. Mais le texte veut rassurer : celles-ci auront «pour unique objet de détecter, en temps réel, des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler des risques et de les signaler». Quel type de risques? Les mouvements de foule ou les rassemblements inhabituels notamment. «Un départ de feu, des goulots d’étranglement de population, un colis ou un sac abandonné, mais pas les sweats à capuche», a ajouté le Ministre de l’Intérieur lors des débats, assurant que «les événements prédéterminés concerneront non pas des personnes mais des situations.», la prédétermination des événements en question devant être -quant à elle- fixée par décret.
Un «Big Brother» généralisé?
Une façon comme une autre de tenter de rassurer l’opposition de gauche, les associations de défense des libertés et le Conseil national des barreaux qui, tous, craignent à terme sa généralisation. Et, du même coup, la transformation de nos villes en de vastes «Big Brothers». Ainsi, les débats auront-ils essentiellement tournés autour du caractère «biométrique» ou non des données. Une biométrie qui permettrait, par exemple, d’isoler et de suivre un individu. Et Amnesty International de dénoncer «une surveillance de masse assistée par intelligence artificielle». Le dispositif -que le Sénat avait prévu de prolonger jusqu’au 30 juin 2025- serait pour l’organisation internationale «une offensive généralisée contre le droit à la vie privée, le droit de manifester et les droits aux libertés de réunion et d’expression.» Est-ce pour montrer qu’elle a bien entendu les craintes? Toujours est-il que l’Assemblée nationale a d’ores et déjà raccourci la période dite «de test», la ramenant au 31 décembre 2024.
Bon à savoir : Avant d’être utilisée lors des J.O. de Paris, la surveillance «intelligente» pourrait vivre ses premières heures lors de la Coupe du monde de rugby organisée du 8 septembre au 28 octobre prochain à Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nice, Nantes, Paris, Saint-Denis, Saint-Etienne et Toulouse.