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Interview d’Hadi Karam, Directeur Général de Lime France

par Laurent F.

Fort d’un chiffre d’affaires qui a bondi de 33% en 2022, Lime vient d’annoncer être la première entreprise du secteur à devenir rentable sur une année. A cette occasion, le Directeur Général de Lime France a accepté de répondre à nos questions. L’occasion de parler aussi de l’épineux dossier parisien. Et des perspectives sur le marché français.

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@Lime

Outre la forte augmentation des trajets et de celle du chiffre d’affaires de Lime, y a-t-il d’autres paramètres qui viennent expliquer vos excellents résultats, selon vous?

Hadi Karam: «Plusieurs points me semblent importants. Le service en lui-même, d’abord. Il est pratique et confortable, avec une expérience agréable et facile pour les usagers. Surtout, c’est un service utile et durable. Nous avons continuellement fait évoluer notre gamme de véhicules; nous en sommes désormais à la 4ème génération: ils sont beaucoup plus robustes. Et puisqu’ils sont conçus et développés en interne, cela nous permet de faire évoluer les technologies de manière très rapide, en répondant ainsi aux enjeux des villes comme des utilisateurs. Pour être concret, aujourd’hui 100% de nos engins sont réparables. Et, en incluant les batteries, leur taux de recyclage dépasse les 97%. C’est là une évolution majeure.»

Et au delà du «seul» matériel? 

Hadi Karam: «La régulation du secteur a fait qu’il est désormais mieux structuré. Un nombre d’engins par flottes a été fixé dans les différentes villes, ce qui a également modifié la manière dont nous envisageons notre implantation. D’un nombre de compétiteurs infinis où il n’y avait pas de véritable projection dans le temps, nous sommes passés à un autre modèle constitué d’appels d’offre, de licences. Nous arrivons donc à mieux cibler nos investissements. Pour prendre un exemple, la capacité de nos batteries a doublé: elles offrent maintenant 55 kilomètres d’autonomie, ce qui limite nos interventions sur le terrain au strict nécessaire. D’autant qu’aujourd’hui c’est le véhicule qui appelle directement nos opérateurs pour signaler son besoin de maintenance. Nos patrouilleurs n’ont plus besoin de faire des tournées à vide. Il est certain que ces évolutions technologiques nous ont beaucoup aidé à atteindre les records de cette année!»

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«Cette rentabilité s’atteint aussi en travaillant main dans la main avec les villes.», avez-vous dit récemment. Quid de Paris?…

Hadi Karam: «Nous savons que notre service reste perfectible. A Paris comme ailleurs, beaucoup d’évolutions ont été faites depuis le démarrage du service. Et nous avons toujours répondu aux demandes de la Ville sur les améliorations à apporter. Aujourd’hui le free floating à Paris n’existe plus vraiment. Des places de parking dédiées ont été créés. C’est aussi 25 euros de pénalité financière pour les véhicules abandonnées. A cela viennent s’ajouter des règles autour de la sur-saturation des places de parking. À Paris, Il y a autant de places disponibles que de véhicules mis à la disposition des usagers. Théoriquement cela pourrait fonctionner, mais dans la réalité c’est autre chose. Dans certaines zones il y a forcément plus de demandes qu’ailleurs. Les infrastructures sont donc insuffisantes, et des évolutions sont encore nécessaires. Nous souhaitons mieux travailler avec la municipalité.»

Lime a récemment publié un communiqué commun avec les deux autres opérateurs qui venait dénoncer les règles du vote du 2 avril. Puisque les trottinettes ont été massivement adoptées par les Parisiens, qu’avez-vous donc à craindre?

Hadi Karam: «Il n’y a pas débat: nous sommes à 100% pour la tenue de ce référendum. En revanche, ce sont ses modalités d’organisation qui nous inquiètent. Toutes nos propositions pour assurer un vote le plus démocratique possible ont été écartées. La Ville a refusé le vote en ligne et celui par procuration. Les habitants des banlieues (qui dépendent aussi de ces services) ne pourront pas participer. Et ce référendum est organisé le jour du Marathon de Paris, ce qui compliquera les déplacements. En conséquence, nous craignions que les résultats ne soient pas représentatifs de la volonté des Parisiens, et surtout des 400 000 utilisateurs uniques que comptent Dott, Tier et Lime.»

«Face au démarrage qui certes a été imparfait, certains élus continuent de craindre les flottes en free floating.

Hadi Karam, Directeur Général Lime France

Le sujet des trottinettes fait souvent débat dans les différentes agglomérations ou métropoles. La France est-elle pour vous un territoire plus «difficile» que les autres? 

Hadi Karam: «C’est un mode de transport qui reste nouveau dans le paysage urbain. Et qui fait effectivement davantage débat que les flottes de vélos qui, pourtant, connaissent les mêmes problématiques. Face au démarrage qui certes a été imparfait, certains élus continuent de craindre les flottes en free floating. Or -comme je viens de le dire- ce modèle n’existe plus. Partout où nous nous implantons en France nous développons des zones de stationnement dédiés. Les usagers ne peuvent pas se garer n’importe où. Encore une fois, il faut garder en tête que beaucoup d’évolutions ont été apportées. Comme le bridage de la vitesse dans certaines zones, par exemple. De toutes les façons, qu’on le veuille ou non, avec ou sans le libre-service, ce mode de déplacement s’est installé. Et il durera. L’exemple de Paris est d’une totale incohérence. Ce serait même faire un pas en arrière si la ville devait se passer de cette solution.»

Pourquoi? 

Hadi Karam: «A Washington, la taille des flottes vient d’être augmentée de 40%. Madrid et Londres viennent de renouveler leur programme. D’autres villes, comme Copenhague, Munich ou Vienne, défendent ardemment la solution. Ce serait vraiment préjudiciable pour les citadins qu’une ville qui a été pionnière sur les micromobilités vienne à interdire les flottes de trottinettes!»

Lime
@Lime

Et si c’est le cas? Que se passera-t-il pour vous?

Hadi Karam: «D’abord, nous restons combattifs. Nous souhaitons vraiment continuer l’aventure à Paris. D’autant que la demande a explosé: 65% de trajets supplémentaires sur un an. Mais, pour répondre à votre question, nous sommes présents dans 250 villes. Et c’est un gros avantage: nous sommes ainsi très résilients à tout changement. Si cela se passe mal sur un marché, nous savons pouvoir nous appuyer sur les 249 autres. L’impact se portera donc davantage sur le quotidien des Parisiens que sur Lime. 400 000 utilisateurs devront trouver une alternative. A un an des Jeux Olympiques, pourquoi enlever un mode de transport qui fonctionne bien et qui répond à une si forte demande

Mais ces usagers pourront toujours acheter leur propre engin, non?

Hadi Karam: «Absolument. Mais un modèle individualiste est-il plus favorable qu’un modèle partagé? Je ne le pense pas. A Londres par exemple (et plus généralement au Royaume-Uni), les trottinettes individuelles sont interdites car ils ne parviennent pas à les réguler, contrairement à celles des flottes.»

Quelles perspectives pour Lime en 2023?

Hadi Karam: «Nous souhaitons continuer à nous implanter dans de nouvelles villes, là où une demande existe. Nous ciblons celles qui ont une véritable ambition de développement. Nous ne chercherons pas à nous imposer dans d’autres où le système n’est pas régulé. Bref, il y aura des ouvertures françaises, c’est certain.» 

Et du côté R&D?

Hadi Karam: «Lime Vision est une technologie  qui s’appuie sur l’IA pour reconnaître les trottoirs et immobiliser les véhicules si besoin. Elle sera implémentée à Paris dans les prochains mois. Et nous travaillons sur d’autres technologies. Des annonces seront faites bientôt.»

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