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Interview de François Durovray, Président du Département de l’Essonne

par Yann Azran

En quoi consiste le lancement des Cars Express ?

Nous avons la chance, dans les années qui viennent, d’avoir un nouveau réseau de métro qui va arriver: 200 kilomètres du Grand Paris Express et c’est une opportunité extraordinaire pour les territoires qui vont être desservis, ceux de la petite couronne, du Val de Marne, de Seine-Saint-Denis, etc. Et il ne faut pas que ce métro soit une nouvelle frontière entre les territoires les plus denses et la grande couronne. Il faut au contraire que ce nouveau métro soit utile pour tous.

Or, très concrètement, dans des départements comme le mien, l’Essonne, on ne va pas avoir de métro ou de tramways pour desservir des zones d’habitat peu denses. Les Cars Express sont une solution à la fois plus simple à mettre en œuvre, plus rapide, beaucoup moins coûteuse parce que la route, elle, existe déjà et qui a un effet économique et écologique qui est génial.

Les Cars Express, concrètement, c’est la possibilité pour ceux qui vont les emprunter, de dépenser dix fois moins pour leur mobilité que s’ils utilisaient leur voiture. Et derrière, il y a une promesse, c’est de se dire qu’on passe d’un temps de trajet qui est contraint à un temps utile. En Ile de France, vous passez deux fois plus de temps dans les transports pour aller travailler qu’en province. Et demain, ce temps, ce temps qui est contraint devient un temps utile. Parce que vous pouvez lire, vous pouvez regarder un film, vous pouvez bosser.

Limiter le nombre de passagers

Avec les Cars Express, on va limiter, dans le sens où il ne pourra y avoir personne debout. Les Cars Express vont emprunter des voies express. Ils ont vocation à aller vite et donc la réglementation interdit que des personnes soient debout sur la route. Ainsi, il y aura forcément l’assurance d’une place assise. Le projet sur lequel j’ai travaillé avec Valérie Pécresse, c’est la création de 45 lignes. Mais il y a déjà une dizaine de lignes qui existent en Île-de-France.

75 000 voitures en moins au quotidien

Vous avez en moyenne 1,23 passagers par véhicule aujourd’hui. Donc 75 000 véhicules, ça veut dire 100 000 passagers. 45 lignes, ça fait à peine plus de 2000 passagers par ligne, alors que les 45 lignes qu’on propose ont un potentiel bien supérieur.

La ligne Dourdan – Massy, c’est 4000 usagers par jour. La Défense, on est à 7000 par jour, mais sur la plus grosse ligne qui n’est pas en Île-de-France, qui est Marseille – Aix-en-Provence, on est à 8000 personnes par jour. Donc quand je dis 75 000 véhicules en moins, c’est un plancher.

Généralisation sur le territoire national

Nous nous sommes assez rapidement rendu compte que c’était une solution qui n’était pas uniquement pour l’Île-de-France, qu’elle valait pour le rapport de toutes les grandes métropoles françaises avec leur périphérie. Et c’est quelque chose qui existe dans d’autres pays à l’étranger, en Amérique latine, aux Etats-Unis, en Espagne. A Madrid, plus proche de chez nous, il y a des dizaines de lignes qui permettent de relier la ville avec des capacités qui sont très fortes et pourquoi ce qui existe à l’étranger ne serait pas faisable en France ?

On se rend compte que finalement, il y a d’abord une question d’idées, de volonté politique, et puis il y a quelques contraintes techniques derrière. Mais je suis persuadé que dans quelques années, il y aura beaucoup de lignes de Cars Express en France. En tout cas, c’est la volonté du gouvernement qui est en train de préparer un plan Cars Express à l’échelle nationale.

Les autres solutions de mobilité pour les zones plus périurbaines, voire rurales, qui existent aujourd’hui pour décarboner

Je pense qu’on doit, on ne doit rien s’interdire. Il y a évidemment le mass transit, les réseaux de RER en Île-de-France ou de TER en province ou on a encore des capacités pour améliorer, pour qu’il y ait plus de personnes qui puissent les emprunter. Et ça c’est le réseau magistral.

Après il faut arriver à ce réseau magistral. Je ne vois pas d’autres solutions que la route. Les transports, c’est 30 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, mais la route, c’est 90 % de ces 30 %. Donc on a un enjeu fondamental sur la route, qui est un peu un angle mort des politiques publiques parce qu’on dit que c’est sale, etc. Il faut faire le ferroviaire, mais quand bien même on va investir 100 milliards sur le ferroviaire, on aura toujours l’essentiel des déplacements qui se feront sur la route. C’est 83 % aujourd’hui, ça sera peut être 80 % dans 20 ans, mais ça sera toujours majoritaire.

Les modes alternatifs de transport sur la route

Il y a les Cars Express. Mais les lignes de covoiturage, par exemple, me semble être une très bonne idée pour mettre plus d’usagers dans moins de véhicules. Et c’est adapté aux territoires plus ruraux. Ça fonctionne du côté de Lyon, ça fonctionne même en Lozère. Là aussi, Île-de-France Mobilités est en train de se saisir du sujet et j’espère qu’il y aura des dizaines et des dizaines de lignes de covoiturage dans quelques années dans la région.

Au delà des lignes de covoiturage, il faut que l’on développe d’autres mobilités, notamment le vélo électrique a complètement changé la donne depuis qu’il existe. Enfin, le département de l’Essonne n’est pas un territoire de montagne, mais on a quand même quelques vallées et quelques plateaux à vélo. Maintenant, le vélo électrique change complètement la donne et il faut qu’on s’engage sur des réseaux de pistes cyclables, mais aussi sur une offre de location de vélos, sur du stationnement… Il faut repenser totalement la mobilité et le faire de façon additionnelle.

Au niveau du département, comment opérer la transition durable ?

On voit bien que dans les villes, les habitants sont très engagés sur la transition écologique et trouvent que c’est indispensable. Mais à la campagne, c’est plus compliqué. Quand vous parlez d’écologie, les habitants ne sont pas à l’aise parce que ça fait peur, parce que ça coûte de l’argent. Il faut donc trouver des modèles où la transition écologique est faisable, avec des contraintes, mais aussi avec des opportunités, y compris économiques. Comment trouver un système qui est efficient économiquement? Parce que sinon, ça ne marchera pas.

Je pense donc que le département peut être un bon acteur, parce qu’on a à la fois la souplesse, la connaissance du territoire et on a une puissance. Le département de l’Essonne, c’est 1 300 000 habitants, 194 communes.

Aujourd’hui, en Essonne, on ne produit que 6 % de notre énergie. Grâce au sous sol chaud qu’on a, on peut produire majoritairement. Grâce à l’amélioration technique, on peut aujourd’hui solariser une quantité de bâtiments. Grâce aux terres agricoles qu’on a, on va pouvoir produire de l’énergie, de la méthanisation.

Mais il faut qu’il y ait des investissements de base, qui ne peuvent pas être portés par les communes ou par des opérateurs privés. Et je pense que le département peut réunir tous les acteurs pour créer les outils, qu’il s’agisse de sociétés d’économie mixte, des sociétés publiques locales, permettant d’investir et derrière de trouver un modèle économique intelligent très clair.

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