Le HCC vient de publier son cinquième rapport annuel intitulé «Acter l’urgence, engager les moyens». Pour les experts de cette organisation indépendante, pas d’autre choix que d’accélérer. Et de mener une politique plus anticipatrice que réactive.
Une baisse des émissions GES très insuffisante
Comme chaque année depuis cinq ans, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) fait le point sur les conséquences du réchauffement climatique au travers d’un rapport aussi complet que précis. Où en est-on de la baisse nécessaire et attendue des émissions de gaz à effet de serre? Quels impacts ont les différentes actions menées, tant au niveau national qu’international? Publié ce 29 juin, «Acter l’urgence, engager les moyens» donne clairement l’alerte, et appelle haut et fort le gouvernement français à intensifier drastiquement son action. «L’année 2022 en France est emblématique du changement climatique dû à l’influence humaine: +2,9°C et -25% de précipitations. (…) Les années extrêmes comme 2022 deviendront de plus en plus fréquentes, tant qu’un renforcement de l’action climat en France et dans le monde ne sera pas effectif.», prévient-il d’emblée.
Les émissions GES baissent, mais pas suffisamment
Certes, «les émissions de gaz à effet de serre en France ont diminué de 2,7 % en 2022 par rapport à 2021», mais pas de quoi s’en satisfaire pour autant. D’autant que, selon les experts du HCC, cette baisse serait plus conjoncturelle que due aux politiques en vigueur. A l’hiver doux qui a réduit les besoins de chauffage, par exemple. Ou encore à l’appel à la sobriété énergétique émis par le gouvernement afin de faire face à l’inflation et à la hausse des prix de l’énergie. Quoi qu’il en soit, «les rythmes de baisse des émissions sur la période récente sont insuffisants dans tous les secteurs pour atteindre les objectifs du «Fit for 55» d’ici 2030, sauf dans le secteur du bâtiment», regrette le HCC.
Bon à savoir: Rappelons que le «Fit for 55» est la feuille de route élaborée par la Commission européenne en 2021,. Elle vise une réduction de 55% des GES d’ici à 2030 (par rapport à leur niveau de 1990), avec pour objectif final la neutralité carbone sur l’ensemble du continent d’ici à 2050. Le gouvernement français, lui, s’est engagé sur une baisse de 40% d’ici à 2030.
«C’est au gouvernement de décider quelle sera la politique économique, budgétaire, fiscale qui lui permette d’enclencher cette accélération»
Corinne Le Quéré, Présidente du HCC
L’objectif de neutralité carbone menacé
Le HCC l’affirme: «La France est particulièrement exposée aux conséquences du réchauffement climatique». Et pour cause: comme le reste de l’Europe, le pays se réchauffe plus vite que le reste du monde (en moyenne +1,9°C sur les dix dernières années, contre +1,15° C à l’échelle mondiale). «Les projections climatiques montrent qu’un réchauffement de près de 2°C à l’horizon 2030, avec une fourchette haute à 2,3°C, est pratiquement inévitable en France.» Et le HCC d’avertir encore: «Une baisse de la productivité de la forêt, l’augmentation de la mortalité des arbres et les dommages liés aux incendies» pourraient bien menacer l’objectif de neutralité carbone de la France qui table notamment sur les capacités d’absorption de ses sites forestiers. Pour le Haut Conseil, c’est une certitude: les politiques déployées sont trop «réactives», venant répondre aux épisodes climatiques et aux différentes crises sans anticiper suffisamment l’avenir.
30 milliards d’euros par an sont nécessaires
Si l’organisation salue tout de même quelques initiatives gouvernementales (comme la création d’un Secrétariat général à la planification écologique, par exemple), elle lui demande clairement de trancher. «C’est au gouvernement de décider quelle sera la politique économique, budgétaire, fiscale qui lui permette d’enclencher cette accélération», a souligné Corinne Le Quéré, Présidente du HCC, lors de la présentation à la presse du rapport ce 29 juin. Avant d’avancer néanmoins quelques chiffres: «On parle d’investissements annuels qui doivent atteindre 65 milliards d’euros en 2030, dont environ la moitié viendrait du financement public, soit 30 milliards d’euros par an.»
Ainsi, dans les 200 pages de son rapport le HCC émet plusieurs dizaines de recommandations qui touchent l’ensemble des secteurs. Parmi elles, le renforcement des dispositifs d’aides à l’achat de véhicules propres, l’accélération de la rénovation des bâtiments, ou encore la révision des accompagnements des agriculteurs. Le gouvernement devrait réagir à ces propositions dans les six mois à venir. D’ici là, il aura déjà réviser la Stratégie nationale bas carbone. Et préparer la loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat (LPEC) destiné à fixer ses nouveaux objectifs climatiques.