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Handicap et mobilité : rencontre avec la cofondatrice d’Omni, marque de trottinettes électriques inclusives 

par Apolline C.G.


La ville de Grenoble a récemment annoncé avoir le projet de se pourvoir d’une flotte de véhicules électriques. Trottinettes électriques, vélos électriques et même vélos cargos seront bientôt disponibles en free floating (comprenez libre service) dans la ville. C’est la marque Dott, déjà présente dans une quarantaine de villes européennes qui a remporté l’appel d’offres et qui, dès le début du mois de juillet, remplira la métropole de ses engins bleu ciel. Et, entre les rangées de vélos et de trottinettes, une petite révolution. Dott s’associe en effet à la marque Omni afin de donner accès au service de trottinettes électriques aux personnes en fauteuil roulant. Cette semaine nous avons pu interroger Charlotte Alaux, la cofondatrice d’Omni. L’occasion de revenir avec elle sur les enjeux du handicap dans le monde de la mobilité.

Inauguration de la flotte Dott à Grenoble : Charlotte au milieu dans un fauteuil roulant aux couleurs d’Omni

A l’origine :  un simple projet étudiant 

Lorsque Charlotte rencontre en 2018 ses quatre (futurs) collaborateurs, le projet n’est qu’un simple devoir étudiant. Charlotte qui est en fauteuil roulant aide à concevoir le produit. L’idée n’est pas si compliquée : permettre aux fauteuils roulants de s’accrocher aux trottinettes électriques. La trottinette devient une sorte de petit moteur et permet à son utilisateur de se déplacer de manière autonome en profitant de la puissance de l’engin électrique. Fini la «galère des pavés ou des grosses côtes». Une réflexion sur l’accès à la mobilité des personnes handicapées qui aurait pu s’arrêter à la fin du projet étudiant.

Pourtant lorsque le projet voit le jour, face à l’engouement des premiers utilisateurs, impossible pour les cinq collaborateurs de s’arrêter en chemin.

charlotte fauteuil
Mathieu, Noé, Robin Sulivan et Charlotte : les fondateurs d’Omni

«J’ai ressenti les sensations procurées, j’ai vu le regard des autres sur mon handicap changer à l’utilisation de notre produit. On ne pouvait pas s’arrêter là, il fallait le rendre accessible à tous».  Après deux années de conception, Mathieu, Noé, Robin, Sulivan et Charlotte sont à un point charnière. Le produit est opérationnel, la majorité des fauteuils roulants sont compatibles. En 2021, il remportent le concours Lépine : il est tant pour leur innovation de trouver sa clientèle.

Une innovation vraiment nécessaire ? (oui) 

Si vous ne vous y connaissez pas en fauteuil roulant, vous vous demandez peut-être s’il existe une vraie différence entre la proposition qu’offre Omni et un simple fauteuil automatisé. C’est l’une des questions que l’on a posées à Charlotte, et la réponse est sans appel. «Oui, il existe une vraie différence. Tout le monde n’a pas les moyens de s’offrir un fauteuil électrique. Ce type de fauteuil coûte environ 5000€. [ndlr: une trottinette Omni coûte entre 1200 et 2000 €]. C’est aussi beaucoup moins maniable: à près de 100kg, impossible de le soulever même pour gravir une simple marche à l’entrée d’un magasin. Enfin, ça ne se plie pas: on ne peut pas le ranger dans une voiture classique». Bref : c’est infiniment plus contraignant.

trottinette Charlotte
Omni permet aux personnes en fauteuil de retrouver plus de mobilité comme ici lors d’une balade en vélo et trottinette à Rambouillet

L’idée des membres d’Omni c’est donc de «hacker un produit grand public et de l’adapter aux personnes handicapées». Une astuce qui réduit considérablement les coûts.  Mais surtout les sensations n’ont rien à voir. Charlotte nous parle d’un sentiment de liberté. Les témoignages accessibles sur le site mettent en avant le plaisir de la rapidité et la facilité d’utilisation.

Un regard différent 

Maniabilité, praticité, coût réduit: des nombreux avantages qui font de ces trottinettes un vrai atout pour les personnes handicapées* qui se les procurent. Mais ce qui rend ce produit intéressant n’est pas seulement la meilleure qualité de déplacement qu’il offre aux personnes en fauteuil. C’est aussi a différence de perception qu’il engendre. Selon Charlotte Alaux, «Le regard des gens change. Ils ne voient plus le fauteuil: ils voient la trottinette». Cette capacité à «faire comme tout le monde» (ou presque) offre en effet une visibilité nouvelle au handicap. Une nouvelle perspective qui, Charlotte l’espère, aidera également à faire évoluer les mentalités de manière plus profonde.

Fauteuil trottinette
image promotionnelle Omni

*On entend ici personnes en fauteuil roulant mais le terme de «handicap» regroupe de nombreux types de handicaps. Renseignez vous sur apf-francehandicap.org

Une association opportune

Cette mise en avant de l’association est également possible grâce à l’entreprise de mobilité Dott. Avec ses flottes d’Engins de Déplacement Personnel Motorisés (EDPM) et de vélos, Dott a largement envahi nos villes pour nous proposer des alternatives de déplacement plus durables. Un partenariat précieux pour la jeune startup. Dott est en effet l’entreprise qui a remporté l’appel d’offres organisé autour de la ville de Grenoble. Omni est ainsi l’une des solutions qui fait partie de leur proposition. 

Charlotte Omni
Image promotionnelle Omni X Dott

Un partenariat qui profite largement à la clientèle des trottinettes inclusives. En effet, sur simple présentation d’un certificat de domicile, chacun peut bénéficier de 55% de réduction sur l’achat de sa trottinette. Au fil d’un abonnement de 2 ans dont les mensualitées s’élèvent à une trentaine d’euros, le consommateur investit dans la trottinette qui devient sienne au terme de l’abonnement. Un incroyable bon plan pour celles et ceux qui seraient encore intimidés par le prix initial.

Voilà donc une initiative maligne qui a un vrai impact sur la mobilité des personnes en fauteuil roulant. Ce type de projet reste malheureusement encore de l’ordre de l’exception. Nous avons demandé à Charlotte comment encourager ce type d’innovation. «En France il est très rare que les appels d’offres prennent en compte les besoins des personnes handicapées comme l’a fait Dott. Au contraire, aux Etats-Unis une réflexion sur les besoins des personnes handicapées est systématiquement demandée». Une règle dont la France gagnerait à s’inspirer.

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