Saul Lopez – Responsable du développement international et des relations politiques publiques chez Zunder : « Il faut une transition organisée et ordonnée. Il faut un process. »

Par Clara Epis
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Lors du salon Drive to Zero à Paris, Saul Lopez, responsable du développement international et des affaires publiques chez Zunder, a pris la parole. Zunder est un opérateur espagnol de bornes de recharge ultra-rapide pour véhicules électriques. L’entreprise est implantée dans plusieurs pays d’Europe et se positionne comme un acteur clé de la décarbonation de la mobilité.

 

Zunder | Opérateur de chargement ultra-rapide

Zunder, un acteur en pleine expansion sur le marché français

Fondée en 2017 en Espagne, Zunder est un opérateur d’infrastructures de recharge ultra-rapide pour véhicules électriques. Depuis sa création, l’entreprise a fortement développé son réseau, avec aujourd’hui plus de 150 stations déployées sur l’ensemble du territoire espagnol.

Forte de cette expérience, Zunder a entamé son expansion à l’international il y a deux à trois ans. L’entreprise cible désormais les marchés voisins : le Portugal, la France, et plus récemment, la Belgique. L’objectif est clair : mailler efficacement ces territoires avec des stations de recharge performantes, afin d’accompagner la transition vers une mobilité plus durable.

Ce développement technique s’accompagne d’un travail institutionnel. Nouer des liens avec les décideurs publics dans chacun de ces pays est essentiel pour inscrire Zunder dans les dynamiques locales de décarbonation et de transformation des mobilités.

Depuis 2017, une vision pionnière de la recharge ultra-rapide

Depuis 2017, les technologies de recharge ont considérablement évolué. À l’époque, une borne dite « ultra-rapide » offrait une puissance de 50 kW. Aujourd’hui, Zunder installe presque exclusivement des bornes d’au moins 400 kW.

Les rares exceptions à cette règle répondent à des besoins spécifiques exprimés par les clients ou imposés par les contraintes du site. Mais en tant qu’opérateur, Zunder privilégie systématiquement les puissances les plus élevées possibles. L’entreprise considère la recharge ultra-rapide comme un pilier essentiel du développement de la mobilité électrique.

Dans cette logique, Zunder se positionne clairement : d’un côté, la recharge résidentielle ou en entreprise ; de l’autre, une recharge publique ultra-rapide. Les formats intermédiaires répondent à certains usages, mais ne font pas partie des priorités stratégiques de l’entreprise.

Des solutions concrètes pour électrifier les itinéraires logistiques

Zunder se définit avant tout comme un spécialiste de la recharge ultra-rapide. Cette approche répond aux besoins croissants des automobilistes, qu’il s’agisse de particuliers, de professionnels, de VTC ou de taxis. Tous ont besoin de solutions de recharge rapide pour assurer leurs déplacements, qu’ils soient quotidiens, professionnels et/ou sur de longues distances.

Mais cette technologie ne se limite pas aux voitures. De nombreuses stations Zunder, en Espagne comme en France, sont déjà conçues pour accueillir à la fois des véhicules légers et des poids lourds. Sur un même site, équipé de 12 à 20 bornes de recharge ultra-rapide, les flux peuvent être séparés selon les gabarits, à l’image des stations-service traditionnelles. D’un côté les voitures, de l’autre les camions : une logique éprouvée que Zunder transpose à l’électrique.

L’entreprise franchit également une nouvelle étape en s’implantant sur les aires de service dédiées aux poids lourds. Après avoir remporté plusieurs appels d’offres, Zunder construit aujourd’hui des stations spécifiquement pensées pour le transport routier de marchandises.

Ce positionnement traduit une ambition plus large : contribuer pleinement à la décarbonation du transport. La recharge rapide pour les voitures ne suffit pas. Le secteur du fret, en raison de ses volumes et de son impact en CO2, doit également entamer sa transition. Pour Zunder, c’est là que se joue l’avenir d’une mobilité réellement durable.

Poids lourds électriques : une adoption encore en phase d’accélération

Chez Zunder, l’ambition est forte. Mais la réalité du terrain impose de la patience. Toutes les entreprises ne peuvent pas électrifier leur flotte du jour au lendemain : le coût est élevé et la transition demande une organisation progressive.

Zunder en est conscient et se positionne comme un partenaire de cette transformation. L’entreprise travaille en étroite collaboration avec les constructeurs de camions, les transporteurs et les logisticiens, afin de proposer des solutions adaptées à leurs contraintes.

Certaines routes seront électrifiées en priorité, d’autres suivront. Zunder accompagne cette évolution, en restant à l’écoute des besoins et en agissant comme force de proposition.

La France, un cadre public encore perfectible pour l’électrification du transport

La France fait partie des pays les plus avancés en Europe grâce à un cadre réglementaire clair. Un décret imposant l’équipement des aires de service en bornes de recharge sur les autoroutes a permis une réelle accélération du déploiement.

Mais pour Zunder, il est essentiel de garder le cap. Le principal frein aujourd’hui vient des hésitations politiques : reports d’objectifs, remises en cause des échéances comme 2030, fluctuations des aides. Ces changements constants créent de l’incertitude et freinent l’élan de toute la filière.

Derrière les hésitations politiques, une réponse aux tensions économiques

Les hésitations politiques viennent en partie d’une réalité économique : les véhicules électriques restent coûteux, aussi bien pour les particuliers que pour les petites entreprises. Beaucoup ne peuvent pas encore se permettre ce changement, et c’est compréhensible.

Mais la réponse ne peut pas être de freiner la transition. Il faut plutôt aller à la rencontre de ces acteurs, comprendre leurs besoins, et mettre en place des dispositifs d’aide adaptés. L’objectif doit être de permettre à chacun d’évoluer à son rythme, sans laisser personne de côté.

Au fond, l’enjeu dépasse les choix industriels ou technologiques : il s’agit de santé publique et d’avenir climatique. Il n’existe aujourd’hui aucune autre solution aussi efficace pour éliminer les pots d’échappement et réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’est un impératif collectif.

La logistique lourde face au défi de la rentabilité électrique

La logistique lourde obéit à une logique différente de celle des particuliers. Un poids lourd électrique peut coûter autour de 200 000 €, ce qui peut sembler démesuré. Mais les transporteurs raisonnent en coût total d’exploitation, le TCO (Total Cost of Ownership) et non simplement en prix d’achat.

Ces professionnels analysent précisément la rentabilité de leurs flottes. Ils prennent en compte les économies réalisées sur l’énergie, bien moindres en électrique qu’en diesel, ainsi que sur la maintenance. L’électricité, combinée à une bien meilleure efficacité énergétique, change la donne.

Un véhicule thermique, voiture ou camion, perd environ 50 % de l’énergie du carburant sous forme de chaleur. À l’inverse, un camion électrique utilise plus de 90 % de l’énergie de sa batterie pour faire avancer le véhicule. Le rendement est bien supérieur.

C’est cette efficience qui justifie, à terme, l’investissement. Même si l’amortissement varie selon les usages, les trajets, et les marchandises transportées.

Un dialogue public-privé encore trop fragile pour soutenir la transition

La situation progresse, mais il reste encore beaucoup à faire. Il est essentiel de persévérer, de maintenir le dialogue entre les acteurs, et surtout de construire des plans clairs sur trois à cinq ans.

La stabilité est la clé : tout le monde doit savoir où aller, avec des objectifs partagés et cohérents dans la durée. Ce sont les revirements, les reports ou les pauses décidées en cours de route qui freinent la dynamique collective.

Pour réussir la transition vers une mobilité décarbonée, il faut tracer une direction… et s’y tenir.

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