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Pour l’avenir des mobilités, EIT InnoEnergy mise sur les start-ups européennes

par Laurent F.

Soutenue par la Commission Européenne depuis sa création en 2010, EIT InnoEnergy finance des innovations technologiques à fort potentiel. Et, parmi elles, de nombreuses liées aux mobilités durables. Pour mieux connaître son action, la Directrice France Karine Vernier et Hortense Bécheux (Business Developper pour le secteur Mobilités) ont répondu à nos questions. L’occasion de découvrir quelques start-ups parmi les plus prometteuses. Et d’en savoir plus sur l’Académie Européenne de la batterie qu’EIT InnoEnergy pilote.

Avant toute chose, EIT InnoENergy est-elle une structure publique ou privée?

Karine Vernier: «EIT InnoEnergy a été créée après un appel à projet lancé par une structure européenne, l’European Institute of Innovation & Technology (EIT). L’objectif était alors de stimuler l’innovation en Europe, et surtout de la rendre pérenne. Dans les premières années, nous avons été très aidés par la Commission Européenne. Mais nous sommes désormais dans un partenariat public-privé. Ainsi, nous comptons vingt-trois actionnaires dont EDF, Engie, Total, Cap Gemini, Schneider… Notre activité d’investissement représente environ 80 millions d’euros par an dans dix-huit pays d’Europe. Et le secteur de la mobilité représente 11% de cette somme. Mais ce chiffre ne correspond pas tout à fait à la réalité.»

Pourquoi?

K.V.: «Lorsque nous investissons dans une entreprise de batteries ou dans une usine de production d’hydrogène, celles-ci sont comptabilisés dans le secteur «Stockage d’énergies». Pourtant c’est typiquement de la mobilité. Il faut donc considérer que la dite mobilité représente plutôt un tiers de nos investissements. Nous avons beaucoup investi la mobilité terrestre, et en particulier la micro-mobilité. Mais nous nous intéressons aussi beaucoup au ferroviaire. Nous avons investi dans Hyperloop, par exemple. Et nous regardons également l’aérien et le maritime.»

hyperloop
Crédit: Reuters – Steve Marcus

Concrètement, comment ces aides sont-elles apportées et que supposent-elles?

K.V.: «Nous accompagnons de façon très forte les start ups que nous soutenons. Généralement nous y entrons lorsqu’elles sont à très faible maturité, et nous les challengeons sur plusieurs niveaux. Leur business model, leur vision stratégique, le dépôt de propriété intellectuelle… Nous disposons d’équipes dans toute l’Europe qui sont là pour comprendre leur proposition de valeur et pour les introduire au mieux auprès de potentiels clients. Ensuite, une fois qu’elles sont en capacité d’évoluer seules, elles font évidemment leur chemin sans nous. Pour notre part, nous considérons notre mission réussie lorsque nous sommes parvenus à faire s’enraciner une innovation sur le territoire européen sans contrainte de frontières.» 

«Pour chacune de ces start-ups, notre  soutien crée de la valeur dans tous les Etats membres.»

Karine Vernier, Directrice France d’EIT InnoEnergy

Quelques exemples?

Hortense Bécheux: «Fin 2020 nous avons commencé à soutenir une start up estonienne, Duckt. Elle propose un adaptateur universel Plug & Play et une solution de charge pour l’IoT qui s’adresse autant aux opérateurs de flottes de vélos et de trottinettes électriques qu’aux particuliers. Pour Duckt, j’ai répondu à un appel à expérimentation lancé par l’Urban Lab (qui est un peu l’accélérateur d’innovations de la Ville de Paris). La première étape ayant été passée, aussitôt Duckt a recruté une personne francophone en interne. Elle s’est saisie du dossier, et ils ont remporté l’appel. Un an plus tard, en ce mois de janvier 2022, quinze stations Duckt (soit 150 bornes de verrouillage et de recharge) ont été déployées dans le 13ème arrondissement de Paris.»

trottinette électrique
Crédit: InnoEnergy

Et Scoobic?

H.B.: «Il s’agit d’une start up espagnole basée à Séville. Elle propose des véhicules électriques de livraison du dernier kilomètre dont l’autonomie peut attendre 200 km, avec un système innovant de batterie amovible. Les véhicules à trois roues ont la même capacité de chargement que les fourgonnettes (jusqu’à 750kg / 1 400 litres). Le tout avec une grande capacité d’adaptation, selon les besoins du client. Ainsi, Scoobic peut aussi bien livrer Heineken à Séville qu’Amazon en Italie. Grâce à notre soutien ils devraient aussi s’occuper des livraisons d’un grand logisticien français dans les prochains mois.»

L’enveloppe allouée par EIT InnoEnergy est-elle différente pour chaque start up ou est-ce une subvention forfaitaire que vous apportez?

K.V.: «C’est effectivement différent à chaque fois. Et ce ne sont pas forcément des sommes très importantes. Mais, pour chacune de ces start-ups, ce soutien crée de la valeur dans tous les Etats membres. Dans le cas de Duckt (et peut-être bientôt de Scoobic), cela veut dire une implantation en France avec la création d’emplois, par exemple. Mais nous ne travaillons évidemment pas qu’avec des entreprises étrangères. Des françaises aussi. Comme Mob-Energy en qui je crois beaucoup!

Que fait-elle?

H.B.: Il s’agit d’une start up lyonnaise qui a conçu un robot chargeur appelé «Charles» intégrant des batteries de seconde vie. Il stocke l’énergie et se déplace de manière autonome vers les véhicules ayant commandé une charge. Cette solution peut être utilisée dans les parkings, les gares etc. Elle permet à elle seule de supprimer sept points de charge fixes. Pour un hôtel ou pour une grande entreprise par exemple, ce peut être un investissement très rentable ! Plusieurs pilotes sont en cours d’expérimentation dans des parkings de Lyon.»

voiture électrique
Crédit: Mob-Energy

«Il nous faut aujourd’hui former 800 000 personnes, dont 150 000 en France, qui devront servir la filière batterie.»

Karine Vernier, Directrice France d’EIT InnoEnergy

Par ailleurs, EIT InnoEnergy pilote aussi l’Alliance Européenne des batteries. De quoi s’agit-il?

K.V.: «La Commission Européenne nous a missionné pour animer cette Alliance. Il s’agit d’un groupe réunissant industriels, chercheurs et institutions qui partage leur visions stratégique sur la batterie. Ils partagent aussi, auprès des gouvernements des Etats membres, les principales problématiques pour faire émerger la batterie de manière durable. Aujourd’hui, les perspectives sont extrêmement prometteuses, mais trois problèmes demeurent.»

Lesquels?

K.V.: «Les matières premières. Le recyclage. Et les compétences. Il nous faut aujourd’hui former 800 000 personnes, dont 150 000 en France, qui devront servir la filière. Bien sûr, il s’agit de trouver des employés pour les gigafactories, mais d’autres aussi, à toutes les étapes. Avec du personnel à reconvertir. Ainsi, les garages automobiles devront se former pour être habilités à la réparation des VE. Et ils devront enrichir leurs activités, notamment dans l’entretien des bornes de recharge. C’est un très gros enjeu à l’échelle européenne. En ce sens, en mars 2021 le Conseil Européen nous a également missionné pour piloter l’Académie Européenne de la batterie.»

Comment s’organise-t-elle?

K.V.: «Il s’agit d’une plateforme en ligne à disposition de tous les organismes de formation des Etats membres. L’idée étant d’aider à ce qu’ils soient prêts très rapidement et de manière massive à former les travailleurs à ces nouvelles technologies. L’adhésion est ouverte à tous ; elle est gratuite. Elle permet de partager ses points de vue, de trouver des solutions, voire de mobiliser des financements si besoin.»

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