Dans le cadre d’une interview réalisée lors du salon Produrable, Manon Désert, responsable usages et changements de comportement chez CITEO, présente les projets en cours au sein de cet organisme chargé depuis plusieurs années de la collecte et du recyclage des déchets sur le territoire français. Notamment le travail avec les producteurs et les collectivités locales pour réduire l’impact des emballages.
CITEO accompagne les changements d’usage
CITEO est un éco-organisme. C’est une entreprise qui a été à la base créée par les entreprises, par les metteurs en marché, et dont la mission est de réduire l’impact environnemental des emballages. C’est une entreprise qui est agréée par l’État. On a un cahier des charges et on travaille vraiment autant avec les producteurs d’un côté que les collectivités locales de l’autre. Ça, ce n’est pas nouveau. Par contre, ce qui est nouveau, c’est que depuis plusieurs années, nous remontons un petit peu la chaîne de valeur des emballages et nous travaillons de plus en plus à la réduction des emballages à la source. Nous travaillons beaucoup avec les entreprises sur l’utilisation de nouveaux matériaux qui vont avoir un impact environnemental moindre, sur la réduction des volumes aussi d’emballages. Et puis, nous travaillons aussi au redéploiement des emballages réemployables, qu’on appelle souvent dans le langage courant « la consigne », quand il y a un échange monétaire. Comment on peut réinventer la consigne version XXIème siècle qui a disparu dans les années 70 en France ? Aujourd’hui, il y a beaucoup d’initiatives qui existent en France et l’idée et l’ambition de CITEO est de massifier cette offre et de répondre aux objectifs de la loi AGEC de 10% des emballages réemployables d’ici à 2027.
Il faut vraiment mettre tous les acteurs en mouvement. C’est compliqué aussi pour une entreprise de se mobiliser seule. Donc, nous avons besoin de passer par des approches très collaboratives, à la fois avec les entreprises, mais pas que, c’est-à-dire : aujourd’hui, comment réinventer aussi en tant que citoyen ces modes de consommation dans un monde où on a des emballages réemployables, qu’on doit ramener. On voit par exemple que le vrac change complètement les façons de consommer, de faire ses courses. Comment accompagner les citoyens au mieux dans ces nouvelles démarches ? Comment réinventer le logement aussi ? Comment penser le transport dans ces nouveaux modes de faire ses courses, notamment, ou d’acheter à emporter, par exemple ?
La première chose à faire, c’est créer une offre qui soit désirable. On voit qu’aujourd’hui, en vrac, il y a une offre qui existe, mais qui est assez marginale et pas forcément rendue désirable en grande surface, par exemple. La grande priorité pour la majorité des Français est le pouvoir d’achat. Comment créer une offre qui est accessible à tous, que ce soit sur le vrac ou de l’emballage réemployable ? Et pour créer cette offre, il est vraiment important de mettre en mouvement tous les acteurs. Tous les acteurs de la chaîne. Et notamment les gros acteurs, les gros metteurs sur le marché aussi de produits. C’est un travail que fait CITEO et c’est que par le collectif qu’on va pouvoir y arriver et aussi réduire les coûts.
Faire de la prévention contre les déchets abandonnés
CITEO travaille maintenant sur la lutte contre les déchets abandonnés. Cela fait partie de nos périmètres aujourd’hui. Depuis quelques années, les entreprises qui mettent sur le marché des produits d’emballage contribuent à payer au coup de la lutte contre les déchets abandonnés et notamment du nettoiement dans les territoires. L’objectif pour nous sur ces thématiques n’est pas uniquement d’être dans une logique de nettoyant, mais aussi de prévention en amont, donc de réduire à la source le nombre d’emballages qui seraient potentiellement jetés. On voit par exemple qu’on développe aussi des mécanismes de lien entre le bouchon et la bouteille pour éviter, par exemple, que les bouchons se retrouvent seuls. Cela fait partie des petites stratégies un peu de design.
L’idée, c’est vraiment de travailler au diagnostic. Comment accompagner les villes aujourd’hui dans leurs plans de lutte contre les déchets abandonnés ? Pour ça, nous finançons le diagnostic et la prévention. Pour ce faire, l’idée est de développer au maximum des outils. C’est encore une activité qui est en plein déploiement chez CITEO. Comment créer des outils pour aider les villes, qui se retrouvent souvent démunies et qui se tournent vers le nettoiement parce qu’elles ne savent pas comment prévenir ou déploient des campagnes de communication, parfois un petit peu accusatrices, qui ne fonctionnent pas toujours ? Donc, il faut réussir à être un peu créatif. Donc concrètement, on accompagne les collectivités à faire des diagnostics de compréhension dans une ville. Il faut essayer d’identifier la source du problème. Nous commençons là où les problèmes sont les plus grands. C’est aussi de pouvoir comprendre les usages aujourd’hui des comportements des citoyens dans ces lieux. Comment mettre en place des approches d’observation, d’interviews des commerçants aux côtés, aux abords, pour faire une cartographie des problèmes ? Ça commence par là. Nous accompagnons aussi des collectivités dans des démarches, y compris parfois comportementales. Comment faciliter le geste au maximum ? Comment créer des infrastructures qui répondent aux besoins ? Comment travailler avec les commerçants pour que l’emballage réemployable soit un choix par défaut quand on fait de la vente à emporter, par exemple ?
L’Observatoire du geste de tri par CITEO révèle un maintien de la pratique
Cette année, en 2024, on fête les 10 ans de notre Observatoire du geste de tri. Nous révèlerons les résultats au mois de décembre. Ce que l’on peut dire, c’est que depuis 10 ans, le geste de tri se maintient, il reste élevé. Trier, c’est une norme sociale aujourd’hui, indépendamment des groupes. Tout le monde considère que 90% des personnes peuvent faire un geste citoyen, que ça a de la valeur, etc. On voit qu’en termes de pratique aussi, globalement, ça continue d’être élevé et que CITEO a travaillé depuis une dizaine d’années dans une démarche de simplification des règles de tri. Avant, il y avait un certain nombre d’emballages qui se mettaient dans le bac de tri en fonction des matériaux. Aujourd’hui, tous les emballages vont dans le bac de tri. Finalement, on simplifie au maximum pour le citoyen. Effectivement, ça veut dire qu’aujourd’hui, il y a certains de ces emballages qui ne sont pas complètement recyclés, ou qu’il y a des filières qui sont en cours.
Communiquer sur les comportements vertueux
Concrètement, ce que l’Observatoire, ce baromètre quantitatif qu’on mène avec Ipsos, nous révèle cette année, c’est qu’il y a plus d’emballages qui atterrissent aujourd’hui. Les Français ont moins de mal aussi sur ces approches. En revanche, on voit qu’il y a la question de la confiance qui reste aujourd’hui un sujet, la confiance dans les pratiques de tri, dans les pratiques de recyclage, qui ne peut pas être aussi décorrélée du monde dans lequel on vit, d’un monde de la défiance et qui touche aussi nos pratiques et qui touche aussi l’écosystème du tri. Mais ce qui est intéressant aussi, c’est que, quand on demande aux Français dans l’écosystème qui fait bien son travail, ceux qui font moins bien leur boulot, ce sont les Français eux-mêmes. C’est-à-dire que les opérateurs de collecte remplissent bien leur mission, les centres de tri aussi, mais par contre il y a une méfiance vis-à-vis du comportement des autres Français. C’est problématique parce que ça démotive, forcément.
Mais on constate que c’est une tendance qui existe sur tous les sujets environnementaux dans le monde. Il y a une étude qui a été publiée dans Nature, dans 125 pays, qui montre bien ce phénomène, que l’on a toujours l’impression de faire partie d’une minorité à agir, alors même qu’on fait partie d’une majorité. En tout cas, on a l’impression de faire partie d’une minorité à valoriser l’action climatique. Or, effectivement, une très grande majorité des gens sont aujourd’hui prêt à agir. Cette croyance erronée a un vrai impact environnemental. Donc, il faut continuer à communiquer, sur ce qui ne va pas bien, mais aussi sur tous ces comportements aujourd’hui qui sont vertueux.