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Bertrand Charpentier : « tout le monde comprend qu’il y a un problème avec le climat »

par Néo Prevot

Bertrand Charpentier, bénévole pour l’association Les Shifters met en lumière la prise de conscience des français ainsi que leurs actions pour l’environnement !

Les Shifters, c’est quoi ?

Les Shifters sont une association de droit français qui fédère environ 25 000 personnes avec 5 000 membres actifs en France, avec quelques groupes à l’étranger, notamment en Suisse et en Belgique. Notre rôle, c’est d’aider le Shift Project dans ces travaux. Le Shift Project est un think tank qui réfléchit et qui donne des recommandations sur la décarbonation, favoriser notre indépendance aux énergies fossiles. Les Shifters soutiennent ce travail-là, en participant aux études, en nous formant et nous informant nous-mêmes, avec une grande exigence de rigueur scientifique et de bonne compréhension des chiffres de grandeur. On a une grosse activité de diffusion de ces idées. On a un podcast, on fait des conférences, on organise des festivals de cinéma, pour sensibiliser par tous les moyens possibles et expliquer le plus possible aux populations quels sont les enjeux, quels sont les chiffres et susciter à l’action dans le bon sens.

Des données scientifiques pour prouver les enjeux environnementaux ?

Je pense qu’aujourd’hui, en France, tout le monde comprend bien qu’il y a un problème avec le climat et qu’il faut agir, mais tout le monde n’a pas forcément en tête exactement quels sont les leviers, qu’est-ce qui est important de faire ou de pas faire. Un exemple, on est aujourd’hui sur autonomie qui travaille sur la mobilité. La mobilité, ça représente en France un quart des émissions de gaz à effet de serre de la France. C’est très important. C’est un sujet sur lequel il faut absolument se pencher pour obtenir la décarbonation française.

Comment surpasser les réalisations actuelles et aller encore plus loin ?

Nous, on a toujours une approche très systémique. Il ne s’agit pas de dire: J’ai une voiture, qu’est-ce que je fais avec cette voiture ? Il s’agit de se dire: Je dois me déplacer. Est-ce que je dois vraiment me déplacer ? Et comment je me déplace ? Moins de déplacements, moins de kilomètres. Si possible, ne pas les faire en voiture. Et si possible, les faire en voiture plus légère et en voiture électrique et en covoiturage. Mais c’est dans cet ordre-là. Il ne s’agit pas de commencer en disant: J’achète un SUV électrique et j’ai gagné la bataille.

L’exemple de grandeur en France, c’est qu’un véhicule électrique à catégorie égale va avoir, sur toute sa durée de vie, des émissions de gaz à effet de serre qui sont un tiers d’un véhicule thermique, mais ça ne sera pas suffisant pour atteindre la totalité carbone, donc il faut faire du haut. Et si on se contente de remplacer les mêmes véhicules par le véhicule de même taille, électrique avec des énormes batteries, on ne fera pas tout le chemin nécessaire. Un, il faut questionner notre besoin de mobilité, déjà. Et je le redis, se déporter plutôt vers du transport en commun de la mobilité active, etc. Là où c’est possible. Là où ce n’est pas possible il va falloir favoriser des véhicules électriques légers. Une énorme autonomie, ça veut dire une énorme batterie. Et donc là encore, on ne fait pas toutes les économies qu’on aurait voulu.

Comment vous allez toucher la population ?

Dans des événements comme celui-ci, les gens qui viennent nous voir, on leur explique qu’est-ce qu’on fait, on leur donne quelques informations sur les enjeux énergie-climat. On peut mettre à leur disposition des outils particuliers comme cet atelier, la fresque de la mobilité, qui est une émanation des travaux des Shifters. On attire leur attention sur les différentes publications qu’on a pu faire. Ici, j’ai le plan de transformation de l’économie française, qui vient du Shift Project. Ça, on aime bien expliquer parce que c’est un super document.

Dans ce livre, l’idée est de décrire comment il faut que l’économie française évolue entre maintenant et 2050 pour respecter notre engagement qui est celui de la stratégie nationale bas carbone et qui est la neutralité carbone en 2050. Est-ce que l’économie va fonctionner dans cette condition ? Ça, ça répond à la question. Ça répond oui. Avec une économie qui n’est pas si différente de celle qu’on a aujourd’hui, mais avec des changements quand même. Il faut changer des choses pour éviter de changer tout. Le monde décrit en 2050 est un monde qui est tout à fait intéressant. Pour l’immense majorité des Français, c’est un monde qui sera mieux que celui qu’on a aujourd’hui. La question, c’est de savoir comment s’organiser pour y arriver.

Un des grands créneaux de l’association, c’est d’inciter à la planification, notamment la planification des actions publiques, de façon à ce que tous les secteurs puissent avancer de conserve et arriver au bon endroit au bon moment. On travaille beaucoup auprès des politiques, des corps intermédiaires et des collectivités locales. Le Shift Project, dont on émane, eux, s’intéresse beaucoup à la politique nationale. Nous, on va s’intéresser, de par notre répartition en France, par des groupes locaux, aux politiques locales, on va être en contact avec les territoires, en contact avec les municipalités.

Quel type de d’actions avec les collectivités locales ?

Ça peut être en réponse à des questions, par exemple sur des projets évaluation d’un projet de contournement routier. Les Shifters peuvent être sollicités pour donner un avis sur un bilan carbone ou même faire un calcul de l’impact. Parfois, on s’autorise à s’auto-saisir d’un sujet qui est en cours et on va publier un rapport sur ce sujet qui est peut-être une enquête publique, par exemple. On va aussi intervenir à la demande des collectivités locales pour apporter de la formation aux élus ou aux employés des collectivités pour leur expliquer les enjeux. Il existe tout un travail du Shift Project, en plus de celui-là, sur la transformation et la résilience des territoires. Ça, c’est quelque chose qu’on va aussi porter et on va expliquer ces rapports et les contenus. C’est un point très intéressant sur les collectivités locales.

Les Shifters ont mis en place un site web qui s’appelle Territoire au futur, dans lequel vous tapez votre code postal et vous avez un grand nombre de données techniques et statistiques sur ce qui concerne les émissions de carbone sur votre territoire, combien il y a de véhicules électriques, quelles sont les émanations du territoire, etc.

La transition arrive, les choses changent, qu’on le veuille ou non. Elles changent parce que le climat change. On est vraiment en train d’expérimenter ces dernières années. Et les choses changent aussi parce que les législations et les règlements vont changer. Tout ça, ça demande beaucoup d’adaptation. En gros, il y deux voies possibles: celle d’attendre et de réagir dans l’urgence, ce n’est pas la voie qu’on préconise, et celle d’être dans l’anticipation et dans la résilience, et chaque adaptation permettant de s’adapter aux événements futurs. Il ne faut pas attendre d’être au pied du mur.

Quel accueil auprès du grand public ?

La prise de conscience, elle est de plus en plus généralisée. Lorsque les Shifters ont commencé, la première année, il y avait 30 personnes. Nos adhésions augmentent de façon exponentielle. Aujourd’hui, c’est des sujets, lorsqu’on les aborde, les gens savent de quoi on parle. Ce n’était pas le cas il y a plusieurs années. Ce que les gens apprécient beaucoup chez nous, c’est le fait qu’on arrive avec des données, des ordres de grandeur et qui viennent souvent répondre à des questions, à des gens qui se sentent parfois perdus entre les différents avis et opinions qu’on entend un peu partout. Ça, c’est très bien accueilli.

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