Comment contrer l’ESG washing ?…

Par Laurent F.
4 minutes de lecture
Greenwashing et ESG Washing : Qu'est-ce que c'est ?

On connaissait depuis longtemps le fameux greenwashing. À mesure que les critères ESG s’imposent dans les stratégies des entreprises, et qu’ils deviennent des exigences pour les investisseurs, voilà qu’est apparu…l’ESG-washing! Mais de quoi s’agit-il, et comment le détecter?

Jusqu’ici, le greenwashing n’était pas si compliqué à détecter. Il suffisait de mener une (plus ou moins) courte enquête pour démasquer les communications environnementales trompeuses de certaines entreprises. Que ce soit les allégations floues ou non vérifiables, ou encore l’absence de preuves tangibles quant aux politiques et aux résultats obtenus. Un phénomène pas si rare que cela, il est vrai. Pour preuve, en 2023, une étude du site Planet Tracker révélait déjà que 56% des entreprises du secteur textile cotées en bourse exagéraient leurs performances RSE dans leurs rapports. Et ne parlons pas du secteur financier en proie à bien des critiques, notamment en raison de leurs investissements dans les industries polluantes malgré la mise en avant de leurs «fonds verts».

Entre doutes et opacité

Sauf que depuis quelques temps, le phénomène s’est singulièrement complexifié. Face à la montée en puissance des critères ESG, voilà que se multiplient désormais les soupçons… d’ESG washing. Un terme encore plus large qui (outre les engagements durables) englobe donc les déclarations sociales non assorties d’indicateurs concrets, l’occultation d’activités controversées (par exemple, des violations des droits humains ou le non respect du Code du travail dans la chaîne d’approvisionnement), ou encore la mise en avant de notations favorables issues de méthodologies peu transparentes. Voire franchement opaques! Heureusement, face aux doutes, de nouveaux outils émergent et les régulateurs se mobilisent. 

Des réglementations à  renforcer plutôt qu’à alléger

En ce sens, en Europe, la CSRD marquera une avancée majeure, exigeant la publication d’un reporting extra-financier harmonisé. Un cadre qui imposera une double matérialité. A savoir, d’un côté la mesure de l’impact de l’entreprise sur la société et l’environnement, de l’autre celui des enjeux ESG sur l’entreprise elle-même. Autre outil, le SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) contraint les gestionnaires d’actifs à classer leurs fonds selon leur degré de durabilité et à justifier leurs choix par des indicateurs robustes. Enfin, la taxonomie verte européenne, bien que complexe, fournit une grille d’analyse normalisée des activités réellement durables. Un outil structurant pour déjouer les discours marketing abusifs. Encore faut-il que l’UE ne relâche pas ses efforts,  comme il en est aujourd’hui fortement question aujourd’hui.

L’IA pour bouclier?

Mais, au-delà de la régulation, la technologie s’invite elle aussi dans la chasse à l’ESG washing. Plusieurs agences de notation proposent désormais des solutions fondées sur l’intelligence artificielle et l’analyse sémantique. Comme Clarity AI qui analyse des millions de documents publics (rapports, actualités, publications officielles) pour évaluer l’écart entre les déclarations ESG d’une entreprise et ses pratiques réelles. Util, elle, se concentre sur l’impact sociétal à partir de données issues de la recherche académique, et mesure leur alignement avec les ODD de l’ONU. Enfin, autres exemples, RepRisk ou Sustainalytics scrutent les controverses ESG à l’échelle mondiale, en croisant des données issues des médias, rapports ONG et signalements de parties prenantes. 

Reste une autre tendance, celle de l’audit ESG par des tiers de confiance. De la même manière que les commissaires aux comptes vérifient les comptes financiers, plusieurs cabinets et agences spécialisés développent désormais des missions de vérification des données extra-financières. Pour les entreprises, une nécessité s’impose alors: s’habituer à ouvrir leurs données à des vérificateurs externes, avec des standards semblables à ceux de l’IFRS pour la comptabilité classique.

Une grave erreur à coup sûr!

Enfin, n’oublions pas la société et ses membres, de plus en plus mobilisés sur ces enjeux. Ou quand ONG, lanceurs d’alerte, plateformes citoyennes et médias jouent un rôle crucial dans la mise en avant des incohérences ESG. Bref, en résumé l’ère du storytelling responsable sans vérification systématique semble bel et bien avoir vécu. Car l’enjeu n’est plus seulement «réputationnel», il est aussi stratégique, financier et juridique. Alors, dans tous les cas, comme le greenwashing l’ESG-washing s’avère quoiqu’il en soit une grave erreur… qui pourrait s’avérer lourde de conséquences!

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