Chaque année, la newsletter féministe Les Glorieuses propose une manière originale et percutante de sensibiliser aux inégalités salariales entre femmes et hommes. Pour ce faire, elle calcule une date symbolique à partir de laquelle les femmes cesseraient d’être payées jusqu’à la fin de l’année. En 2025, ce sera à partir du lundi 10 novembre. A 11h31 et 22 secondes, très précisément. Une amélioration de deux jours par rapport à 2024. Evidemment, c’est bien, mais encore très très insuffisant!
Portée depuis 2016 par la docteure en économie Rebecca Amsellem, l’initiative est devenue un rendez-vous incontournable sur les réseaux sociaux, notamment grâce au hashtag #10Novembre11h31. Mais, derrière cette approche presque ludique se cache une consternante réalité: selon les dernières données de l’Insee, les femmes continuent de gagner en moyenne 14,2% de moins que les hommes à temps de travail égal. Et, bien entendu, cette mesure ne prend pas en compte la charge domestique et parentale, encore majoritairement assumée par les femmes.
«Si nous gardons ce rythme, nous atteindrons l’égalité salariale en… 2163 !»
Rebecca Amsellem, docteure en économie, Les Glorieuses
Un progrès qui cache une réalité trompeuse
Si la date du 10 novembre semble donc marquer un progrès par rapport au 8 novembre 2024, pas de quoi se réjouir pour autant. Car en tenant compte uniquement des jours ouvrés, et en excluant les week-ends, Rebecca Amsellem constate une tendance inverse. A savoir une perte de 0,3 point. Une simple raison «technique» peut l’expliquer: 2024 ayant été une année bissextile, la comparaison directe est forcément trompeuse. Dans les faits, l’écart salarial stagne depuis neuf ans, oscillant entre le 3 et le 10 novembre. «Si nous gardons ce rythme, nous atteindrons l’égalité salariale en 2163.», alerte la chercheuse.
Un sujet majeur pour la RSE
Bien entendu, derrière cette moyenne de 14,2%, les disparités demeurent nombreuses. D’abord, les métiers à prédominance féminine sont souvent moins valorisés économiquement. Les femmes demeurent sous-représentées dans les postes de direction. Quant à la charge parentale, elle reste inégalement répartie, impactant forcément les trajectoires professionnelles. Autant de facteurs structurels qui sont aujourd’hui au cœur des inégalités. Et qui nécessitent des politiques publiques ambitieuses, ainsi qu’une mobilisation des entreprises dans le cadre de leur responsabilité RSE.
Une directive européenne très attendue
Pour autant, la directive européenne sur la transparence salariale, qui entrera en vigueur début 2026, devrait faire avancer les choses. Du moins, sur le papier. Concrètement, elle permettra à chaque salarié de connaître les rémunérations de ses collègues, mettant fin à une opacité qui favorise les inégalités, comme le rappelle Rebecca Amsellem. Cette directive pourrait ainsi devenir un levier puissant pour réduire les écarts de rémunération. Faut-il encore que les entreprises se saisissent pleinement du sujet et l’intègrent dans leurs stratégies RSE.
Quelles politiques efficaces mettre en place?
Les pistes sont nombreuses. Auditer régulièrement les écarts de rémunération entre les sexes, d’abord. Favoriser la mixité dans les métiers et les niveaux hiérarchiques, aussi. Puis former les managers à la lutte contre les biais de genre dans les processus de recrutement et d’évaluation. Valoriser les métiers à prédominance féminine, souvent sous-payés. Sans oublier de mettre en place dès maintenant des politiques de transparence salariale en anticipation de la directive européenne. Car, pour les acteurs de la RSE, l’égalité salariale constitue sans nulle doute une opportunité de réaffirmer leur engagement en faveur de l’équité, de la transparence et du respect des droits fondamentaux.