Dans un rapport publié début mars, le think tank The Shift Project tire la sonnette d’alarme: sans forte évolution des politiques de formations, c’est la transition écologique qui serait «empêchée». Explications.
Le think tank The Shift Project alerte: à ce jour, la formation n’est pas à la hauteur des enjeux imposés par la transition écologique, avec «des initiatives trop éparses, dépendant des secteurs ou de quelques individus moteurs». Bien sûr, des études pour identifier les besoins existent dans «presque tous les secteurs», mais de façon partielle et trop éloignée des réalités du terrain. De plus, «les entreprises et les organismes de formations se les approprient peu». Pour preuve, ces deux dernières années seulement 37% des entreprises, organismes publics et associations interrogés par The Shift Project auraient mis en place des formations en lien avec la transition écologique. En résultent des offres qui évoluent trop peu ou trop lentement.
La sensibilisation des cadres ne suffit pas
Autres regrets de The Shift Project: lorsque ces formations sont mises en œuvre, elles se limitent trop souvent à une simple sensibilisation, et sur des formats presque toujours courts. Surtout elles ne concernent que rarement l’ensemble des collaborateurs. Seulement 23% des entreprises interrogées ont inclus les ouvriers aux formations qu’elles ont mises en place quand 89% ont inclus les cadres.
Une aberration lorsqu’on sait que les ouvriers et les techniciens feront l’objet de la majorité des recrutements d’ici à 2030 dans les secteurs clés si l’on en croit les prévisions du Secrétariat Général à la Planification Ecologique (SGPE)! La situation est si regrettable que, comme le souligne The Shift Project, tous les secteurs sont ou seront concernés. Selon le chef de projet Formation continue du think tank Damien Amichaud, «pour décarboner le premier secteur émetteur en France, les transports, on a besoin des humains et de leurs compétences. Par exemple, si on veut vraiment massivement déployer les véhicules électriques, il nous faut des garagistes qui savent entretenir et réparer ces véhicules.»
880 000 actifs doivent être formés selon le SGPE
De fait, de nouvelles compétences sont désormais exigées. Des compétences techniques, mais pas seulement. Dans certaines professions (pour ne pas dire dans la plupart!), communiquer avec ses clients pour mieux expliquer les choix faits par l’entreprise ou ses projets en matière de RSE est devenu indispensable. Encore faut-il disposer des bons arguments… «Il est important que tous les travailleurs comprennent la nécessité de la transition pour justifier les transformations de leur activité. Cela suppose de leur transmettre des connaissances sur la transition écologique: c’est le troisième type de compétences mobilisé.» Sans parler des métiers émergents ou des métiers en tension (la rénovation des bâtiments ou la réparation de vélos, par exemple) qui, toujours selon le SGPE, nécessite de former 880 000 actifs en plus des nouveaux arrivants sur le marché du travail. Pour Damien Achimbaud, «Ne pas agir, ce serait empêcher la transition!»
Une stratégie par filière est indispensable
Fort de ce rapport qui pointe les larges insuffisance de la formation professionnelle aux enjeux de la transition environnementale, The Shift Project propose quelques leviers. A commencer par l’urgence du déploiement d’une stratégie par filière au niveau national et même européen. Des stratégies qui seraient évidemment dotées de «financements adéquats». Autre nécessité: la mise en place de partenariats entre acteurs, notamment entre secteur public et secteur privé, pour proposer des formations suffisamment longues et adaptées aux publics visés. «Restent à mobiliser les décideurs sur le sujet, mais aussi à garantir le dialogue social pour anticiper les effets socio-économiques de la transition et assurer l’effectivité des formations, notamment en privilégiant des formats collectifs, en associant des experts à leur conception et en mesurant leurs effets.»