Du vélo-cargo à la voiture partagée, Victor Andraud a fait de la mobilité durable son terrain de conviction. Aujourd’hui directeur impact et marketing chez Karos, pionnier du covoiturage du quotidien, il veut transformer 50 millions de sièges vides en véritable transport public. Dans le podcast « Changement de vitesse », il revient sur sa « claque environnementale » vécue à la fresque du climat. Il explique comment bâtir un business plan d’impact et faire du covoiturage une solution qui réconcilie fin du mois et fin du monde. Une pratique qui pourrait aussi désengorger nos routes et devenir un enjeu central des municipales 2026.
Mesurer l’impact comme on mesure les profits
Chez Karos, l’impact ne se résume pas à une intention : il se pilote avec des indicateurs concrets. Tonnes de CO₂ et polluants évités, pouvoir d’achat redistribué, couverture des zones rurales ou périurbaines dépourvues de transport public… Autant de mesures suivies avec la même rigueur qu’un business plan financier. Une exigence renforcée par l’actionnariat européen et à impact, mais aussi par le statut de société à mission adopté en 2024.
Réconcilier « fin du mois » et « fin du monde »
Le covoiturage du quotidien n’est pas seulement un geste pour la planète : il répond d’abord à un besoin économique. Pour un conducteur, chaque passager rapporte en moyenne 2 € sur un trajet de 20 km. Pour un passager, les collectivités subventionnent souvent le trajet, le ramenant à quelques centimes, voire à la gratuité avec un pass Navigo. Résultat : une solution qui allège les budgets, tout en réduisant congestion et pollution.
50 millions de sièges vides : un potentiel énorme
Chaque jour, 70 % des Français prennent leur voiture pour aller travailler, et plus de 9 sur 10 le font seuls. Cela représente environ 50 millions de sièges vides en circulation, aux heures de pointe. Ce gaspillage d’espace génère bouchons, stress et saturation des parkings. Le covoiturage du quotidien apparaît alors comme une réponse simple, rapide et peu coûteuse à des problèmes qui pèsent sur la qualité de vie.
Lever les freins culturels
Si le covoiturage reste minoritaire, c’est d’abord une affaire de mentalités. La voiture est encore perçue comme un espace de liberté, un sas de décompression. Une image héritée de décennies de publicité et d’aménagements urbains centrés sur l’automobile. Karos apporte une réponse à trois freins majeurs : la difficulté de trouver un covoitureur au bon horaire, la peur de perdre du temps et la crainte d’être « planté ». La plateforme amène alors diverses solutions : algorithmes de mise en relation, détours limités à cinq minutes, et garantie retour en taxi en cas d’imprévu.
Un service public de mobilité en construction
Le modèle gagnant : intégrer le covoiturage dans le bouquet de mobilités locales. Bus, tram, vélo, train… et désormais covoiturage sous une marque territoriale, opérée par Karos mais portée par la collectivité. À Strasbourg, Lyon ou Aix-Marseille, les services ont leur propre identité. En Île-de-France, Karos développe même une application en marque blanche pour Île-de-France Mobilités. Résultat : deux trajets gratuits par jour pour les détenteurs du passe Navigo, une première en Europe.
De l’entreprise aux urnes : un enjeu collectif
Les employeurs sont des acteurs clés : ils organisent challenges, subventionnent les trajets via le forfait mobilité durable et créent des communautés de covoitureurs. Michelin, par exemple, compte déjà un tiers de ses effectifs en covoiturage régulier. Mais l’enjeu dépasse l’entreprise : à l’approche des municipales de 2026, la mobilité du quotidien pourrait devenir centrale dans les programmes. À 15 centimes par kilomètre-passager pour une collectivité, le covoiturage public est imbattable. Pour Victor Andraud, le message est clair : « il y a encore énormément à faire, mais nous avons toutes les cartes en main. »