Sidonie Tagliante est Directrice communication, marketing et RSE du groupe Naturalia. Lors d’une interview réalisée au salon Talents For The Planet, elle revient sur l’histoire de l’enseigne, pionnière de la distribution bio, et dresse un état des lieux de l’alimentation durable. Elle partage également sa vision de la quête de sens, qui guide les parcours professionnels des collaborateurs chez Naturalia.
52 ans : l’historique de Naturalia
Naturalia existe depuis 1973, soit 52 ans. C’est aujourd’hui le deuxième acteur de la distribution spécialisée bio en France, avec 220 magasins répartis en métropole, dans les DOM-TOM et au Luxembourg.
À l’origine, l’enseigne a été fondée par un couple d’entrepreneurs-agriculteurs, les Trocmé. Ils avaient un pied dans l’agriculture mais étaient avant tout dans une démarche entrepreneuriale. Leur objectif : casser les codes de l’époque. À ce moment-là, deux phénomènes se croisent : l’apparition des premiers hypermarchés en France, et un mouvement plus alternatif, autour du plateau du Larzac et d’une volonté de faire les choses autrement.
Le fondateur était dans une logique de rejet du modèle de consommation de masse à l’américaine : le tout sous un même toit, beaucoup de produits, peu de qualité. À l’inverse, il voulait proposer un petit magasin avec du produit qualitatif, majoritairement français, avec du conseil, de la relation, et une vraie réflexion nutritionnelle. De son côté, sa femme voulait offrir aux Parisiens une alimentation plus saine, car l’enseigne était très parisienne au départ. Elle n’est sortie de Paris qu’en 2011, donc très tardivement.
Naturalia, une vision précurseur du bio
Dès les débuts, les magasins proposaient une offre colorée de bio, même si le label bio n’est apparu qu’en 1985. La mouvance bio, elle, remonte aux années 20. Il y avait déjà beaucoup de producteurs engagés dans ces démarches, sans forcément avoir de label.
En parallèle, la fondatrice avait une vraie volonté d’apporter une dimension diététique. C’est ce qui explique encore aujourd’hui la présence de nombreux produits de parapharmacie chez Naturalia. Elle souhaitait proposer une offre bien-être complète, avec des produits conçus autrement que ceux qu’on trouvait sur le marché à l’époque. Cela incluait des rayons sans sel, sans gluten, pour diabétiques, etc.
Le sans gluten, par exemple, a toujours été présent dans les magasins. Il a été vu comme une tendance il y a une dizaine d’années, mais Naturalia en proposait déjà en 1973.
La perception de l’alimentation durable
L’alimentation durable commence à être de plus en plus abordée, mais c’est une question complexe. En agriculture, de manière très simplifiée, on peut dire qu’il y a eu un premier modèle, souvent qualifié de conventionnel, qui s’est développé après les grandes guerres. L’objectif à l’époque était clair : il fallait produire vite, en masse, et à bas coût, pour nourrir tout le monde. Ce modèle a eu un intérêt réel à un moment donné. Mais rapidement, on a vu apparaître des problèmes : sanitaires, écologiques, économiques… pour les agriculteurs comme pour les filières. Beaucoup se sont dit qu’il fallait peut-être revenir à une agriculture « un peu plus à l’ancienne ».
C’est dans ce contexte que le bio s’est renforcé, porté par une vision qui prône le retour aux fondamentaux : on fait comme on a appris il y a longtemps, on évite les produits chimiques, on préserve la santé du sol, du consommateur et de l’agriculteur.
Aujourd’hui, ce n’est plus seulement une question de conviction personnelle, mais de gestion du risque. Un exemple très concret : en Espagne, premier maraîcher d’Europe en bio, les sécheresses sont devenues dramatiques. Pour ceux qui produisent ou revendent des tomates, la question devient : « Et demain, est-ce qu’il y aura encore des tomates ? ».
Ce ne sont plus des choix idéologiques. Ce sont des décisions économiques. On est à une époque où l’économie et l’écologie se croisent très concrètement. Faire des efforts environnementaux devient aussi une manière de préserver son modèle d’affaires. L’alimentation durable est donc un sujet intéressant et vital, car elle touche à la fois le climat, la biodiversité, la situation sociale, et implique des métiers très différents, de la production à la sensibilisation, en passant par la logistique ou la RSE.
Une entreprise où l’engagement fait sens
La recherche de sens a toujours été là, mais à l’époque où la bio restait un marché de niche, ceux qui rejoignaient Naturalia le faisaient avec une vraie conviction. Ils venaient en ayant déjà réfléchi, en sachant pourquoi ils étaient là. C’est ce qui a permis de construire une base solide de personnes alignées avec les valeurs de l’entreprise. Moi, par exemple, je suis arrivée chez Naturalia comme diététicienne, sans idée d’évoluer dans le marketing. Et pourtant, j’ai évolué. Beaucoup de parcours sont longs, marqués par des évolutions internes. Certains, comme le directeur franchise, ont commencé en magasin en tant qu’étudiants et sont aujourd’hui au comité de direction après presque 20 ans.
C’est un environnement qui donne de la confiance, notamment quand on travaille sur la communication. Il n’y a pas besoin d’inventer un message ou de grossir le trait. Les sujets sont suffisamment riches pour qu’on puisse simplement raconter ce qui se passe, sans artifice. La vraie question, parfois, c’est plutôt : comment faire le tri, comment rester focus, tellement il y a de choses intéressantes à partager.
Une culture de l’attachement et de la transversalité
Avec l’évolution du secteur, Naturalia attire aussi des profils qui viennent pour un simple job alimentaire, surtout en magasin. Mais il arrive souvent que ces personnes, une fois immergées dans l’univers, s’attachent, changent leurs habitudes, croient de plus en plus à ce qu’elles font. Ce cheminement, on le retrouve aussi bien en boutique qu’au siège.
L’ambiance joue un rôle important. Dans les magasins comme dans les bureaux, une vraie culture d’équipe s’est créée. Beaucoup de personnes restent longtemps, et même celles qui partent gardent un lien. Elles reviennent aux nouvelles, suivent ce qui se passe, comme si Naturalia restait un peu “la maison”. Certains reviennent après plusieurs années, comme récemment dans l’équipe achats.
Avec 1 400 collaborateurs au total, dont environ 80 personnes au siège, l’organisation reste fluide. Il est facile d’échanger directement avec le directeur général, de faire avancer les décisions sans passer par des strates interminables. Cette accessibilité rend les choses plus dynamiques et plus formatrices. Dans les équipes, chacun touche à plusieurs missions. On ne fait pas uniquement de la communication RSE, ou des relations presse : on jongle avec plusieurs rôles, ce qui rend le travail à la fois riche et stimulant.