Lors du salon Drive to Zero à Paris, Pierre de Firmas, directeur de la mobilité électrique chez Enedis, a pris la parole. Enedis est un acteur majeur du développement de la mobilité électrique en France. L’entreprise se distingue par son rôle essentiel dans le raccordement des bornes de recharge, son réseau couvrant 95% du territoire, et son engagement à soutenir l’électrification du transport en France.
Enedis : un rôle clé dans le raccordement des bornes de recharge partout en France
L’opérateur de réseau joue un rôle central dans la transition énergétique. En tant qu’acteur majeur du territoire français, nous nous trouvons à l’intersection de deux secteurs clés : le transport qui s’électrifie et le système électrique, dont nous sommes le dernier maillon avant le client. Les points de charge nécessaires à cette électrification devront tous être connectés au réseau de distribution, ce qui fait de nous un acteur incontournable de cette transformation.
Notre rôle se décline en deux volets. Le premier concerne le raccordement des points de charge au réseau de distribution. Lorsque ces points ne sont pas directement connectés à un point de livraison existant, des travaux de raccordement sont nécessaires, et leur ampleur varie selon les cas. Le deuxième volet est lié à l’adaptation du réseau lui-même. L’usage accru de l’électricité pour la mobilité, qui va se développer dans les 10 à 20 prochaines années, constituera une part importante de la croissance de la demande d’électricité. Il est donc essentiel d’anticiper cette évolution pour intégrer harmonieusement cette nouvelle demande dans le système électrique.
Nous devons réfléchir aux besoins de recharge spécifiques à chaque segment et préparer le réseau en conséquence. Cela inclut des études approfondies pour anticiper le dimensionnement du réseau et les ajustements nécessaires sur ces différents segments.
De la demande de raccordement à la recharge d’une voiture électrique : un délai optimisé
Les demandes de raccordement ont commencé à arriver progressivement. Enedis reçoit environ 350 000 demandes par an, mais celles liées à l’alimentation des bornes de recharge sont particulières. Elles se distinguent par leur dimensionnement spécifique, différent des raccordements classiques. Le vrai défi réside dans l’augmentation de ces demandes. Tant que le volume reste faible, nous y répondons naturellement. Cependant, lorsque les demandes augmentent, notamment pour les bornes de recharge accessibles au public, la situation devient plus complexe.
Face à cette forte croissance, nous avons adapté notre organisation. Nous avons créé un suivi dédié aux demandes spécifiques, appelées « grands comptes », pour les clients ayant besoin de plusieurs centaines de raccordements. Enedis étant une entreprise décentralisée avec 25 directions régionales, il est essentiel de coordonner ces projets à l’échelle nationale. Nous avons mis en place des plans de déploiement efficaces et les retours des clients sont très positifs, notamment en ce qui concerne les délais.
Pour anticiper cette évolution, nous avons créé l’entité « Mobilité électrique » fin 2018, à une époque où les véhicules électriques étaient encore peu nombreux. Nous avons vu dès ce moment que cela représenterait un véritable défi. De plus, ces acteurs sont souvent présents sur d’autres marchés européens, où les conditions sont parfois plus complexes.
La France devance l’Europe en rapidité et efficacité pour les raccordements de bornes
Le pays bénéficie de deux avantages majeurs dans cette transition. D’abord, la couverture du territoire par un distributeur d’électricité qui, bien qu’il ne couvre pas l’intégralité du pays, atteint 95 % du territoire. Cela représente un réel atout lorsqu’on fait face à un défi comme celui-ci. Le second avantage réside dans le dimensionnement du réseau de distribution. Bien qu’il n’ait pas été surdimensionné, il a été conçu pour un pays où le chauffage électrique est largement répandu.
Dans d’autres pays voisins, comme l’Italie, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas ou l’Allemagne, la majorité des foyers sont chauffés au gaz depuis des décennies. Ce choix a conduit à un réseau moins adapté à une forte demande électrique. En France, le réseau est déjà dimensionné pour répondre à des besoins électriques élevés, ce qui nous donne une certaine capacité disponible. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de travail à faire, mais ces deux avantages permettent de répondre de manière plus efficace aux défis à venir.
Enedis réduit le délai de raccordement pour les bornes de recharge à quelques mois
Il faut être prudent avec les moyennes, car les demandes varient en fonction des puissances nécessaires. En moyenne, le délai entre la réception de la demande, l’étude, et la réalisation des travaux est d’environ six mois. Les clients doivent souvent aménager leur station, ce qui prend du temps.
Depuis le début, nous avons insisté sur l’importance de l’anticipation. Nous leur avons conseillé de nous prévenir rapidement. Pour faciliter cela, nous avons développé des outils en ligne qui permettent aux clients de vérifier à l’avance où ils peuvent trouver de la capacité disponible, afin de réduire le temps d’attente pour la mise à disposition de la puissance.
En ce qui concerne les délais de raccordement, nous ne sommes jamais satisfaits. Si nous pouvions aller plus vite, cela serait grandement apprécié, et nous faisons tout notre possible pour améliorer ce processus.
Les ventes de véhicules électriques atteignent un nouveau sommet et continuent d’accélérer
En principe, nous sommes sur la bonne trajectoire, surtout avec les récentes ambitions rappelées par la France. L’objectif reste de favoriser le tout électrique. En ce qui concerne les véhicules électriques, la part de marché des voitures particulières a atteint 25% en 2023. C’est un bon niveau, mais cela représente aussi un palier. En 2035, la vente de véhicules à moteur thermique sera interdite en Europe, ce qui rend cette part de marché encore plus cruciale.
Le vrai enjeu, c’est de relancer la croissance des ventes. Si nous restons à 25%, comment allons-nous atteindre 100% d’ici 2035 ? C’est ce qui est en jeu, et il faut accélérer pour ne pas rester bloqué à ce niveau.
Le rôle des pouvoirs publics dans le développement du marché des véhicules électriques : bilan et perspectives
Je pense que nous ne sommes pas encore sortis de la période où un soutien est nécessaire, sur plusieurs fronts. Concernant l’achat de véhicules électriques, on constate une convergence entre les prix des véhicules électriques et thermiques, mais on n’y est pas encore tout à fait, notamment pour les véhicules plus lourds. Pour la mobilité lourde, notamment le transport de marchandises, il reste un réel besoin d’accompagnement et de soutien.
En ce qui concerne la recharge, certains secteurs vont bien, les investissements sont là. Mais d’autres, comme la recharge publique dans des zones moins fréquentées (zones périurbaines ou zones blanches), rencontrent encore des difficultés. Pour les opérateurs de recharge, trouver un business case viable dans ces zones est souvent un vrai challenge.
L’insuffisance de la recharge publique : un soutien nécessaire pour rendre le marché rentable
Le marché des véhicules électriques est avant tout un marché d’infrastructures. Pour éviter le piège du « cercle vicieux » qui a bloqué le secteur au début, il est crucial de donner un temps d’avance à l’infrastructure. Cela permet de soutenir l’essor de certains segments.
Un secteur clé qui avait été négligé en France jusqu’ici, mais qui pourrait bénéficier des mesures prises en 2025, c’est celui des entreprises. Elles étaient à la traîne dans le renouvellement de leur flotte de véhicules électriques, mais les incitations fiscales et les avantages en nature devraient les encourager à investir davantage. J’espère que cela aura un impact sur les ventes d’ici la fin de l’année, voire dès l’année prochaine.