Lors du salon Drive to Zero à Paris, Clément Molison, directeur général de l’Avere France, a pris la parole. L’Avere est l’association nationale pour le développement de la mobilité électrique. Elle fédère les acteurs publics et privés du secteur. Son objectif : accélérer la transition vers une mobilité propre. Clément Molison a rappelé les avancées, les défis et les leviers pour démocratiser l’électromobilité avec un message clair : la mobilité décarbonée est en marche, mais elle doit rester structurée, collective et accessible à tous.
L’Avere France, moteur de la mobilité électrique
L’Avere France est l’organisme de référence pour la promotion de la mobilité électrique en France. Elle regroupe environ 250 adhérents engagés dans ce domaine. Parmi eux, des constructeurs automobiles, des acteurs de la recharge, de l’énergie, des services, mais aussi des collectivités et des cabinets de conseil. L’association accueille aussi bien des structures publiques que privées, dès lors qu’elles contribuent, de près ou de loin, au développement de la mobilité électrique.
Une électrification du parc en pleine accélération
Deux grands enjeux se dégagent aujourd’hui. D’une part, l’électrification du parc automobile connaît un certain ralentissement selon nos observations de ces deux dernières années. Si les parts de marché restent stables, les volumes de ventes, eux, diminuent. Il est donc essentiel de relancer rapidement une dynamique de croissance.
D’autre part, en ce qui concerne la recharge, les bases ont été solidement posées. Le réseau est désormais bien structuré, dense et opérationnel. Toutefois, il ne s’agit que d’une première phase de déploiement. Il faudra poursuivre les efforts dans les années à venir, avec des renforcements ciblés, un maillage plus fin et des implantations supplémentaires dans certaines zones encore insuffisamment couvertes.
Les copropriétés, un levier encore complexe à activer
Aujourd’hui, les conditions sont réunies pour développer la recharge en copropriété. Mais une copropriété reste un cadre complexe. C’est souvent le plus petit échelon de la démocratie, et ceux qui y vivent savent qu’aucun sujet n’est simple, qu’il s’agisse de la couleur des volets ou de l’installation d’une borne de recharge. Cela peut donc prendre du temps.
C’est pourquoi nous encourageons une approche collective : en copropriété, il faut penser à long terme. Cela passe par le pré-câblage des parkings dès maintenant, pour pouvoir ajouter facilement des bornes au fur et à mesure des besoins. Environ 10 000 copropriétés sont déjà équipées. Ce n’est que le début, mais le mouvement est bien lancé.
La bonne nouvelle, c’est que tout est prêt : les solutions techniques sont éprouvées, les opérateurs publics et privés sont présents, et les financements existent. La prime Advenir en est un exemple, mais d’autres modèles comme le tiers-investissement se développent aussi.
Nous formons également les syndicats, via Advenir Formation, pour qu’ils montent en compétence face à une demande croissante de leurs copropriétaires. Et lorsque les démarches collectives échouent, il reste le « droit à la prise ». Ce droit permet à tout copropriétaire disposant d’une place de stationnement de faire installer une borne, même sans l’accord du syndicat. Ce dernier ne peut s’y opposer que par voie judiciaire.
Un réseau de recharge désormais plus dense que les stations-service
Aujourd’hui, on compte environ 55 000 stations de recharge en France, contre 10 à 11 000 stations-service. Il y a donc déjà cinq fois plus de stations de recharge que de stations classiques.
On entend encore parfois dire qu’il n’y a pas de bornes disponibles, mais ce constat n’est plus d’actualité. Bien sûr, des améliorations restent possibles, notamment dans certains territoires moins bien équipés. Mais il faut aussi rappeler que les besoins varient d’une zone à l’autre. Globalement, l’infrastructure de recharge est désormais largement déployée.
Un cadre législatif à stabiliser pour accélérer la transition
Au niveau national comme européen, ce dont nous avons aujourd’hui le plus besoin, c’est d’une trajectoire de décarbonation claire, stable et durable. Le problème, ces derniers mois, c’est que les objectifs fixés au niveau européen sont remis en question. De nouvelles discussions autour de l’échéance 2035 vont bientôt s’ouvrir, ce qui alimente une forme d’instabilité.
Ce flou crée de la confusion, tant pour le grand public que pour les entreprises. Et cela ne concerne pas uniquement le secteur automobile : les acteurs de la recharge sont eux aussi touchés. Leurs modèles économiques reposent sur une vision à long terme, et l’incertitude actuelle met en péril leurs projets.
Il est donc essentiel de stabiliser la trajectoire de décarbonation. Ensuite, il faudra aussi simplifier un certain nombre de démarches. Enfin, une régulation ciblée peut être utile, notamment sur les sujets encore sensibles, comme les copropriétés.
Sur ce point, nous estimons que les infrastructures collectives devraient devenir obligatoires, avec un calendrier adapté selon la taille des immeubles. Car demain, toutes les copropriétés auront des véhicules électriques. Il faut l’anticiper dès maintenant, et intégrer ces aménagements dans les futurs travaux.
En résumé : un peu plus de réglementation là où c’est nécessaire, beaucoup de simplification, et surtout une trajectoire ferme et lisible.
Les ZFE, un outil sanitaire à recadrer et mieux expliquer
Les Zones à Faibles Émissions (ZFE) représentent aujourd’hui un rendez-vous manqué. Le processus reste inachevé et des discussions sont en cours à l’Assemblée nationale. À l’origine, les ZFE visaient un objectif sanitaire, non climatique : lutter contre la pollution de l’air dans les villes, responsable de maladies et de décès prématurés. La France, en infraction depuis des années, a instauré ces zones via la loi LOM de 2019.
Les ZFE ne bannissent pas les véhicules thermiques, ni n’imposent l’électrique. Elles doivent permettre une transition progressive, socialement équitable. Un ménage en difficulté ne doit ni se sentir coupable ni être bloqué dans ses déplacements. C’est en développant un vrai marché de l’occasion électrique, soutenu par ceux qui en ont les moyens, que la démocratisation sera possible.
Au-delà de l’électrification, les ZFE doivent s’accompagner de transports en commun, de pistes cyclables, de solutions de covoiturage. Beaucoup a été fait, mais cela reste insuffisant aux yeux de certains.
Il faut aussi tenir compte des réalités territoriales : la voiture reste essentielle en périphérie, là où les alternatives manquent. Après cinq à six ans de préparation, il est regrettable qu’un rejet prenne le pas, nourri par une incompréhension du rôle initial des ZFE : protéger la santé publique et améliorer la qualité de l’air.
Les collectivités locales, entre ambition et freins structurels
Il existe presque autant de situations que de collectivités et de syndicats d’énergie. Mais il faut rappeler une chose essentielle : ce sont les collectivités locales, et en particulier les syndicats d’énergie, qui ont lancé les premiers réseaux de recharge en France. Certains se sont engagés il y a déjà une dizaine d’années, à une époque où la mobilité électrique était encore très marginale.
Depuis, d’autres acteurs les ont rejoints. Le paysage a beaucoup évolué. Aujourd’hui, de nombreuses collectivités s’interrogent : doivent-elles encore intervenir dans ce domaine ? Leur compétence s’exerce surtout quand l’offre privée est absente, inadéquate ou insuffisante. Or, sur certains territoires, le privé prend désormais le relais. C’est particulièrement vrai sur les segments les plus rentables, comme la recharge rapide ou les zones à fort trafic.
Face à cela, certaines collectivités envisagent une nouvelle approche. Elles s’orientent vers des modèles hybrides, fondés sur la complémentarité entre public et privé. Le public resterait présent sur les zones moins attractives. Le privé, lui, investirait sur les emplacements les plus porteurs.
Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, ce sont de vrais partenariats public-privé. À défaut, au moins un dialogue plus fort entre les deux. Les collectivités ont pu élaborer des schémas directeurs pour le développement de la recharge, les SDIRVE. Mais beaucoup ont rencontré des difficultés. Il est encore compliqué de savoir quels projets vont se faire, où, par qui, avec quelles bornes et à quelle échéance.
Une meilleure coordination est indispensable. Elle doit se faire à la fois au niveau local et au niveau national. Un dialogue structuré entre acteurs privés, collectivités et État est devenu urgent. Il permettra de bien cerner les besoins, de planifier les déploiements et de garantir un aménagement cohérent du territoire.