Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), revient sur les enjeux cruciaux liés à la transition énergétique en France et en Europe, dans le cadre d’une interview lors de l’Expo Innov’Climat. À la tête de cette organisation qui représente plus de 570 acteurs du secteur des énergies renouvelables, Jules Nyssen explique le rôle du SER dans le dialogue avec les pouvoirs publics et souligne l’importance des énergies renouvelables pour renforcer la souveraineté énergétique et la résilience économique.
Participation du SER au développement des énergies renouvelables
Le Syndicat des énergies renouvelables, c’est ce que dans le monde anglo-saxon, on appellerait un lobby. C’est aussi une instance représentative d’une profession. Et donc, nous cherchons à défendre l’intérêt de nos membres. Pour ça, évidemment, nous discutons beaucoup avec le gouvernement et le Parlement. On pourrait se demander d’ailleurs pour quelles raisons on le fait autant, mais c’est parce que le monde de l’énergie est un monde extrêmement régulé et que l’essentiel des productions s’inscrivent dans un cadre qui dépend d’appels d’offres, de tarifs d’achat, et d’une réglementation qui nécessite de beaucoup discuter.
Les pouvoirs publics ont besoin d’avoir un organisme représentatif avec lequel ils font un lien avec la profession. Et puis, par ailleurs, comme tout syndicat professionnel, nous travaillons beaucoup avec les membres au travers de commissions thématiques de partage de bonnes pratiques, on fait de la veille juridique. C’est un syndicat qui est très, très vivant et qui fonctionne beaucoup par les apports qu’y amène chacun de ses membres.
Souveraineté de l’Europe en production d’énergie
L’Europe et la France peuvent arriver à la souveraineté, cela a été démontré. En fait, ce qui fait défaut dans la souveraineté énergétique, c’est la dépendance aux énergies fossiles, puisque l’Europe, à quelques exceptions près, n’en produit pas. Elles sont toutes importées. Donc, si nous remplaçons les énergies fossiles par des énergies renouvelables produites par définition sur le territoire: c’est l’énergie du vent, du soleil, c’est les calories de la terre, c’est la biomasse… forcément, en remplaçant ces énergies importées par de l’énergie produite sur le territoire, on construit notre souveraineté énergétique. Ce qui a d’ailleurs un grand intérêt, c’est que ça évite aussi d’exploser tous nos concitoyens français et européens à des aléas géopolitiques qui font parfois faire au prix de l’énergie des mouvements de yoyo importants.
N’oublions pas ce qui s’est passé en 2022, ce n’est pas si vieux. Tout d’un coup, tous les prix ont explosé parce qu’il y avait un contexte géopolitique spécifique et rien, malheureusement, nous garantit que ça ne va pas recommencer. Donc cette souveraineté énergétique, elle a comme premier effet d’assurer aussi beaucoup de résilience à notre système énergétique et aussi de pouvoir d’achat pour nos concitoyens, de compétitivité pour les entreprises.
Les politiques énergétiques en France en 2024
Le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a bien rappelé la nécessité de reprendre immédiatement ces travaux de planification, nous espérons le faire avec suffisamment d’ambition. Pourquoi ? Parce que si nous voulons réussir la décarbonation, il faut inscrire des stratégies dans le temps long. Les choses ne vont pas se faire sur un claquement de doigts et elles ne supporteront pas les aléas. Il s’agit d’investissements considérables, il s’agit de modifier des habitudes de consommation, des habitudes de vie. Et tout cela doit s’inscrire dans la durée pour que nous puissions mettre en place les accompagnements nécessaires.
Et enfin, je parle d’accompagnement, mais tout ça, évidemment, va coûter de l’argent. D’abord, pour aider les gens et les entreprises à modifier la manière dont ils consomment de l’énergie: passer aux véhicules électriques, isoler et modifier son système de chauffage; pour les entreprises, passer à l’électrification de leurs procédés, par exemple. Tout ça, ce sont des choses qui sont coûteuses, qu’il faut aider. Mais si on fait ça, si on lit décarbonation et compétitivité, à la fin, c’est une équation économiquement gagnante.
Sujets abordés au colloque du Syndicat des énergies renouvelables
Le colloque annuel du SER est un gros événement qui permet une fois par an de porter des gros messages. Je crois que cette année, il s’est déroulé dans un contexte particulier puisqu’il n’y avait pas de gouvernement en place. Donc plutôt que d’être un dialogue gouvernement-profession, ça a été un appel de la profession à un gouvernement à venir. Et je crois que tout le monde était très unanime pour bien rappeler un message, celui que le combat qui est devant nous est celui de la décarbonation des usages. Ça fait terme un peu techno, mais cela veut dire que ce qu’il faut vraiment parvenir à faire, c’est soutenir la transformation dans la manière dont nous consommons de l’énergie avec plus de sobriété et moins d’énergie fossile.
Il faut que dans les choix qui vont être faits, et ça commence dès le projet de loi de finances 2025, on ne vienne pas sacrifier les budgets qui accompagnent cette transformation. Ici, nous participons à une exposition organisée par l’ADEME, et dans ses coupes budgétaires un temps envisagées, il y a évidemment le fonds chaleur, il y a les budgets propres de l’ADEME. Ce serait incompréhensible que le signal politique envoyé consiste à raboter ces budgets qui vraiment soutiennent la transformation de notre modèle énergétique. Je pense que c’est ça le message principal transmis au moment du colloque du SER.
Nous sommes tout à fait prêts à discuter de l’optimisation de tous ces dispositifs, bien entendu. Mais l’ADEME, en particulier, est un acteur essentiel qui parle directement aux gens, qui a un rôle majeur à jouer. Et il serait inconcevable que son budget d’intervention diminue. Cela irait à l’encontre de la lutte contre la dette écologique.