Mélanie Vergnon – Coordinatrice de l’Agence de l’Innovation pour les Transports: « L’innovation n’a pas de limites »

Par Clara Epis
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Lors du salon Drive to Zero à Paris, Mélanie Vergnon, coordinatrice de l’Agence de l’Innovation pour les Transports (AIT), a présenté les actions menées par cet organe gouvernemental en faveur de la mobilité durable.

L’AIT accompagne des projets innovants portés par des startups et des entreprises privées. Grâce à son programme Propulse, l’agence soutient le développement de solutions concrètes pour décarboner les transports. En mobilisant des experts publics et en facilitant les synergies entre acteurs, l’AIT joue un rôle clé dans l’émergence de nouvelles mobilités adaptées aux enjeux de demain.

AIT


Des agents publics au service de l’innovation pour la mobilité durable

L’Agence de l’Innovation pour les Transports (AIT), est une structure qui regroupe des agents publics issus de différentes directions de l’administration, notamment la DGITM pour les mobilités terrestres, la DGAC pour l’aérien et la DGAMPA pour le maritime. Ensemble, nous accompagnons des projets innovants qui répondent aux objectifs de nos politiques publiques. Notre principal programme s’appelle Propulse, dont la quatrième édition est en cours, et une cinquième devrait bientôt être lancée.

Il s’adresse à des entreprises privées, startups ou grands groupes établies en France, sélectionnées via un appel à projets. Les critères portent sur des enjeux prioritaires comme la décarbonation des transports, l’accessibilité, l’inclusivité ou l’usage du numérique pour améliorer la multimodalité. L’accompagnement est extra-financier : chaque porteur bénéficie d’un suivi sur un an, assuré par un référent de l’administration, expert du sujet concerné. Ce binôme permet d’apporter un appui stratégique et opérationnel pour faire avancer concrètement les projets.

Un processus de sélection piloté par l’administration, pas l’inverse

La sélection des projets Propulse débute par un jury composé d’experts issus de l’administration, du monde académique et, ponctuellement, de partenaires privés, tout en veillant à éviter les conflits d’intérêts. Cette année, environ 20 % des candidatures ont été retenues, soit entre 15 et 20 projets, ce qui correspond à notre capacité d’accompagnement annuelle. Une fois sélectionnés, chaque projet est suivi par un référent de l’administration, désigné en fonction de son expertise.

Ce référent devient l’interlocuteur principal du porteur de projet tout au long du programme, même s’il n’y consacre pas 100 % de son temps. Des points réguliers sont organisés, au minimum chaque mois, avec des échanges adaptés aux besoins de chaque projet. En parallèle, nous animons l’écosystème Propulse à travers des journées dédiées, réunissant porteurs de projets, acteurs institutionnels et potentiels financeurs.

Ces rencontres visent à accélérer le développement des solutions, à favoriser les mises en relation stratégiques, mais aussi à lever certains freins, notamment réglementaires, qui peuvent freiner l’expérimentation ou le déploiement à grande échelle.

Un accompagnement global des startups, jusqu’aux territoires

Propulse est un accompagnement gratuit. Les lauréats bénéficient d’un suivi sur un an, puis rejoignent la communauté des alumni. Nous restons en contact avec eux et continuons à les soutenir. Cela passe par de la visibilité sur des salons ou des événements professionnels. Ces occasions facilitent les rencontres avec les bons acteurs pour accélérer leurs projets.

Nous travaillons aussi avec les collectivités. À travers la démarche France Mobilités, portée avec le Cerema et l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, nous aidons les territoires à tester des solutions innovantes. Une plateforme recense ces solutions, avec des retours d’expérience concrets.

Lorsqu’une entreprise cherche un terrain d’expérimentation, nous pouvons la mettre en relation avec une collectivité. Récemment, dans le cadre du programme européen EIT Urban Mobility, nous avons obtenu des financements pour trois projets Propulse. Ils ont pu expérimenter leurs solutions dans plusieurs villes françaises. Les collectivités et les entreprises y ont toutes deux trouvé un réel bénéfice.

Propulse et France Mobilités : deux leviers complémentaires pour transformer les mobilités

France Mobilités s’adresse surtout aux collectivités, en particulier celles situées en zones rurales. Ces territoires disposent de moyens plus limités en ingénierie, avec des effectifs souvent réduits par rapport aux grandes villes. Ils font aussi face à des besoins de mobilité spécifiques, plus complexes à adresser.

Les transports collectifs classiques ne sont pas toujours adaptés. C’est pourquoi nous encourageons d’autres solutions comme le covoiturage, l’autopartage ou le transport à la demande. Ces alternatives permettent de proposer des réponses plus souples et mieux adaptées aux réalités locales.

Notre objectif, au sein de la direction générale, est clair : rendre accessibles des solutions de mobilité décarbonée pour tous. Il s’agit de garantir un véritable droit à la mobilité, dans des conditions acceptables sur les plans économique et social.

Une sélection basée sur la maturité des projets, pas sur la demande des collectivités

Dans notre cahier des charges, nous ne sélectionnons pas un projet parce qu’une collectivité exprime un besoin précis. Ce n’est pas le fonctionnement. En revanche, nous mettons en avant des thématiques prioritaires. En 2024, l’appel à projets comportait trois sous-appels.

Tous étaient centrés sur l’innovation dans les transports et la mobilité, mais avec des axes distincts : les transports durables (avec un accent sur la décarbonation, que ce soit pour les voyageurs ou la logistique), le numérique et la donnée (pour optimiser les systèmes grâce aux nouvelles technologies), et enfin la multimodalité et l’intermodalité, incluant les enjeux d’accessibilité et d’inclusivité.

Cela nous permet d’accueillir une grande diversité de projets. Au-delà des thématiques, nous regardons aussi la maturité des solutions. Nous ciblons des projets situés autour des TRL 6 à 7, c’est-à-dire avec un prototype fonctionnel mais pas encore industrialisé. C’est souvent une étape critique dans le parcours d’une startup, parfois appelée “vallée de la mort”. Propulse intervient pour soutenir cette phase charnière, en offrant un cadre propice à l’accélération.

Les entreprises doivent être déjà créées. Certaines ont testé leur solution à petite échelle et cherchent à changer d’échelle. Même si nous ne finançons pas directement, nous jouons un rôle d’orientation. Nous conseillons les porteurs de projets et les aidons à identifier les bons guichets, comme ceux du programme national France 2030. D’ailleurs, plusieurs lauréats de Propulse ont ensuite été retenus dans ce cadre, ce qui confirme la complémentarité de nos dispositifs.

Propulse, un label crédible pour accéder aux dispositifs nationaux

Bien sûr, être lauréat de Propulse ne garantit pas tout. Les projets doivent tout de même répondre aux critères de sélection des autres dispositifs. Mais cela aide. Le programme joue un rôle de labellisation. C’est un signe de qualité, reconnu dans l’écosystème.

C’est aussi l’une des valeurs ajoutées de Propulse. Nous offrons un vrai soutien en communication. Les lauréats participent à des salons comme celui d’aujourd’hui. Ils peuvent y pitcher leur solution devant des partenaires potentiels : futurs clients, industriels, investisseurs, ou membres de consortiums.

Cela leur permet de gagner en visibilité et de créer des connexions stratégiques. Propulse, c’est aussi ça : un tremplin pour passer à plus grande échelle et accélérer le développement des projets.

Des solutions nombreuses, mais un vrai défi sur le déploiement

L’innovation dans les transports est foisonnante. Chaque jour, de nouvelles idées émergent. Il est essentiel de maintenir un cadre favorable pour permettre à ces initiatives de se développer. Nous avons besoin de ce terreau fertile pour faire naître les solutions de demain. Beaucoup restent à inventer. Certaines seront peut-être aussi transformatrices que celles apparues ces dernières années. Mais l’enjeu principal reste le passage à l’échelle.

Pour réussir la décarbonation des transports, il faut activer plusieurs leviers à la fois : encourager la sobriété des usages, faire évoluer les comportements, et adopter une vision systémique. Le véhicule électrique est une solution, mais il ne peut pas être la seule. Il faut aussi agir sur la demande de transport, le report modal, et mieux utiliser les infrastructures existantes. Notre pays dispose d’alternatives à la voiture individuelle, avec des réseaux à soutenir et à renforcer pour garantir une qualité de service au rendez-vous.

Nous accompagnons de nombreux projets liés au ferroviaire, aux transports collectifs urbains, ou à la multimodalité. L’enjeu est de faciliter le passage d’un mode à l’autre, de combler les ruptures de trajet. D’autres projets misent sur la technologie pour améliorer l’efficacité énergétique des véhicules, qu’ils soient individuels ou collectifs. On voit aussi émerger des solutions innovantes pour les bornes de recharge, ou pour la logistique du dernier kilomètre. Les possibilités sont infinies grâce à l’imagination des innovateurs. Le secteur privé joue un rôle majeur. Encore faut-il savoir accompagner ces pépites. L’État ne peut pas tout faire seul, mais en travaillant ensemble, public et privé, nous avons les moyens de relever ce défi commun.

Faire confiance aux innovateurs pour relever le défi de la mobilité durable

Il faut continuer à oser et à être ambitieux. Nous avons la chance d’avoir de véritables pépites. Il est donc essentiel de laisser leur chance aux projets. L’innovation n’offre jamais de garantie absolue de succès. Certains projets peuvent s’interrompre en cours de route. Mais c’est en persistant et en recommençant que l’on progresse. Depuis hier, j’ai rencontré ici une grande diversité de personnes enthousiastes, pleines d’énergie et d’idées. Cela donne confiance. Il faut continuer à soutenir cet élan.

Dans un contexte où les contraintes budgétaires sont fortes, l’innovation peut malgré tout être l’un des leviers de réussite. Elle a toute sa place dans la transition vers une mobilité plus durable. À nous de continuer à lui faire de la place, et de faire confiance aux entrepreneurs et aux innovateurs pour relever ensemble les défis de demain.

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