Sandrine Raffin est fondatrice de LinkUp, une structure de 25 collaborateurs qui accompagne les entreprises dans la transformation de leurs pratiques pour intégrer pleinement les enjeux de la RSE. À l’occasion du salon Talents For The Planet, elle partage sa vision d’une RSE qui dépasse le simple cadre réglementaire pour devenir un véritable levier de transformation.
L’approche LinkUp : co-construire l’engagement
L’objectif de LinkUp, c’est de créer de la valeur pour les entreprises à partir de leur engagement. Il ne s’agit pas simplement d’un accompagnement mais bien d’un travail en coopération avec les équipes. L’engagement ne peut pas être délégué à une agence externe : il doit être construit avec les différents services, les responsables RSE lorsqu’il y en a, les directions générales ou encore les responsables de services.
L’idée, c’est de voir comment on peut aller plus loin, mais aussi comment on retraduit cet engagement pour embarquer tous les collaborateurs, dans des groupes nationaux ou internationaux. Ce n’est pas juste un sujet piloté par la finance, comme c’est le cas avec le reporting extra-financier, ou un sujet uniquement lié aux achats. L’enjeu, c’est bien de mobiliser les collaborateurs autour d’un changement de pratiques, et surtout de leur expliquer le pourquoi du comment. Pourquoi l’entreprise s’engage ? Et comment on fait en sorte que cet engagement ne reste pas bloqué au niveau stratégique, mais soit vraiment compris, partagé, porté à tous les niveaux. C’est valable aussi côté clients, qu’ils soient en B2B ou en B2C.
L’engagement, un levier de valeur pour les marques
Au départ, la marque n’est pas toujours directement concernée, mais très vite, il faut aussi intégrer la dimension communication, corporate, marques produits ou services. Parce qu’aujourd’hui, malgré ce qu’on entend souvent sur le pouvoir d’achat, les marques qui s’engagent vraiment, qui montrent qu’elles créent de la valeur sociale, sociétale ou environnementale, ça fonctionne. Les consommateurs sont au rendez-vous.
On l’a vu très concrètement dans les cosmétiques, dans les rayons entretien aussi : aujourd’hui, il n’y a pas une marque qui ne montre pas son engagement sur l’impact environnemental ou l’impact santé. Ce sont des sujets devenus incontournables.
La RSE, de contrainte réglementaire à opportunité stratégique
Il y a quelques années encore, la RSE, c’était quelque chose de très corporate. C’était surtout une réponse aux exigences du reporting extra-financier, donc une obligation réglementaire. Mais on est passés de cette logique-là à une autre réalité : celle où l’environnement commence à s’imposer à l’entreprise. Ce n’est plus seulement l’entreprise qui a un impact sur son environnement, c’est aussi l’environnement qui bouleverse ses activités. On le voit clairement dans l’agroalimentaire, la mode, les cosmétiques, tous les secteurs très exposés, mais aussi dans des secteurs plus techniques, comme le BTP.
Mais il ne suffit pas d’agir. Il faut aussi expliquer, rendre désirable, faire de la pédagogie. Il faut sortir la RSE de son carcan du reporting, et en faire un levier de création de valeur.
Une nouvelle génération formée et engagée
Au cours des quinze dernières années, nous avons observé une véritable évolution, y compris au sein de notre propre structure. Chez LinkUp, nous sommes 25, et parmi les jeunes qu’on recrute, beaucoup nous disent en entretien : « Je cherche du sens ». On est passés de cette quête de sens à des formations plus professionnelles. Aujourd’hui, les universités, les écoles, les formations en ligne intègrent toutes les dimensions du développement durable.
Même dans des fonctions comme le marketing ou les achats, on ne peut plus exercer sans intégrer ces enjeux. Il y a une vraie professionnalisation. Alors oui, on traverse une période avec des contrefeux, avec parfois l’impression d’un retour en arrière, mais il y a quand même une montée en compétences très forte dans tous les métiers de l’entreprise.
Il y a aussi une dimension générationnelle. Lorsque j’étais à Paris-Dauphine, on ne parlait pas de développement durable. Aujourd’hui, toutes les formations abordent ces sujets. Et dans l’entreprise, on est tout de suite confronté aux enjeux de durabilité, aux enjeux sociaux, sociétaux, environnementaux. Regardez la mode : l’étiquetage environnemental, les lois sur la fast fashion… Quel secteur n’est pas concerné ? Tout le monde est mobilisé.
Une capacité d’adaptation et de coopération
Ce qu’on voit aussi, c’est que les jeunes arrivent avec cette envie d’être utile, mais aussi avec des compétences techniques, de la curiosité, l’envie d’agir. Ils vont chercher l’info, ils veulent comprendre, ils veulent coopérer. Et pour nous, ça compte beaucoup. On travaille beaucoup avec le monde scientifique, mais aussi avec les parties prenantes, y compris parfois avec des concurrents. Il y a de plus en plus d’alliances : celle sur l’huile de palme durable, ou aujourd’hui, sur la régénération des sols, portée par une société du groupe LVMH. Ces alliances rassemblent toutes les parties prenantes. C’est une nouvelle manière de travailler qui permet de s’adapter, de se réinventer, de se challenger.
Et pour moi, aujourd’hui, le maître mot, c’est cette capacité d’adaptation. C’est ça qu’il faut développer dans les formations, et dans les pratiques : savoir s’adapter, et savoir travailler ensemble.