Camille Sztejnhorn: «Ceux qui pensent que c’est impossible ne doivent pas empêcher les autres d’essayer!»

Par Laurent F.
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Camille Sztejnhorn

Chargée de la politique ESG du groupe Lefebvre-Dalloz en Europe, cette experte de la RSE vient aussi d’intégrer le comité stratégique du nouvel Institut d’Économie Durable. Elle nous en dit plus sur son parcours, ses missions, et sur les nécessaires formations exigées par la transition.

Quel est votre parcours? 

Camille Sztejnhorn: «Tout d’abord si le cœur de métier de Lefebvre Dalloz est d’aider à comprendre le droit, pour ma part j’ai une formation en gestion, en sociologie, en sciences politiques, mais je ne suis pas juriste. J’ai commencé mon parcours dans les médias, en me consacrant tout particulièrement aux études avant de travailler au conseil en stratégie et management. Toujours dans le domaine des médias, mais aussi dans celui du voyage et des transports. Là, j’ai surtout travaillé sur la transformation digitale, notamment celle de groupes historiques comme Canal Plus, France Télé ou encore le Groupe Accor.

En 2016 j’ai rejoint Dalloz pour travailler sur ces sujets. Jusqu’en 2020. Alors que les sujets liés à l’I.A générative commençaient à accélérer, le groupe a créé une Direction de l’innovation et me l’a confié. Puis il m’a proposé de piloter sa démarche européenne RSE. Depuis deux ans maintenant je suis donc Directrice ESG Impact Europe pour Lefebvre Dalloz avec l’ambition de démultiplier nos impacts positifs et avec la conviction que la RSE est un levier de développement pour notre groupe comme pour tant d’autres.»

Quelques mots sur le Groupe Lefebvre Dalloz? 

Camille Sztejnhorn: «Lefebvre Dalloz est la marque française du groupe européen Lefebvre. Ce groupe, c’est 555 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2023, et environ 2 500 collaborateurs dans 8 pays. Nous sommes leaders de la connaissance juridique et fiscale en France, avec des marques comme Dalloz pour le droit, les Editions Francis Lefevre pour la partie fiscale, et les Editions Législatives pour la partie sociale. Enfin, Lefebvre Dalloz Compétences est le troisième groupe de formation continue en France. Nous nous adressons tant aux professions réglementées (les avocats, les notaire, les experts comptables…) qu’aux étudiants, au secteur public qu’aux entreprises privées. Enfin, j’ajouterais que le 25 mars prochain (jour anniversaire de la signature du traité de Rome), nous lanceront la nouvelle identité européenne du groupe autour de deux piliers: l’IA (éthique) et l’ESG.»

Justement, quels sont vos principaux piliers ESG ? 

Camille Sztejnhorn: «La raison d’être du Groupe est « Activer la connaissance pour une société plus juste, efficace et durable.» Nous l’avons traduit en 5 engagements, 5 piliers ESG. Parmi ceux-ci, le premier est de garantir l’accès au droit au plus grand nombre, mais aussi en le rendant compréhensible et opérationnel. Nous tenons aussi à donner un temps d’avance à nos clients en tâchant de toujours anticiper l’évolution de leurs métiers, et en nous appuyant sur les meilleures technologies disponibles. Ce qui est essentiel à nos yeux, c’est évidemment de nous appuyer sur une innovation responsable, c’est-à-dire prenant en compte la cybersécurité, la protection des données, une IA éthique.

De plus, nous sommes persuadés que l’ESG est également un levier de développement pour les entreprises, leur garantissant un accès pérenne aux financements et une opportunité de différenciation par rapport à des concurrents internationaux moins regardants. C’est aussi une source de résilience, alors même que les dérèglements environnementaux et sociaux problèmes  sont hélas amenés à s’intensifier.»

Etre spécialiste du droit vous oblige-t-il davantage (en tout cas différemment) qu’une autre entreprise en ces domaines? 

Camille Sztejnhorn: La qualité de ce que nous produisons est absolument essentielle. Pour ce faire, nous avons toutes sortes de chartes très strictes. Ce ne sont pas des lecteurs externes mais des relecteurs internes qui vérifient l’exactitude de ce qui est énoncé. Car les codes que nous éditons ne peuvent en aucun cas contenir des erreurs! Bien sûr, il est impossible d’être 100% parfait, mais nous faisons en sorte d’anticiper au maximum les législations et de les appliquer à nous-mêmes. Par exemple, parlons de l’IA Act qui encadre la façon dont on développe, on utilise et on déploie l’intelligence artificielle en Europe. Eh bien, nous avons souhaité nous engager plus loin. Aux côtés d’une centaine d’entreprises de l’intelligence artificielle dans le monde nous avons signé l’I.A. Pact sans même attendre son entrée en vigueur.»

Un récent rapport de The Shift Project souligne l’insuffisance des formations continues en matière de transition écologique. Qu’en pensez-vous?

Camille Sztejnhorn: «Ce rapport souligne notamment les gros efforts d’acculturation des professionnels et des étudiants aux enjeux écologiques, mais il précise que cela reste insuffisant en effet. Il faut aller plus loin et porter ces enjeux au cœur des métiers pour pouvoir transformer les organisations et les modèles d’affaires en profondeur. C’est vraiment l’approche que nous avons, tant sur la formation initiale avec les étudiants (par le biais du nouvel Institut d’Economie Durable) que pour la formation des actifs que nous proposons via Lefebvre Dalloz Compétences. Par exemple, chez nous un contrôleur de gestion ne suivra pas une formation «en plus» sur la transition, mais il en aura aussi une sur la comptabilité extra-financière notamment…»

«La double matérialité est un outil stratégique qui peut être utilement et pratiquement absorbé par les entreprises. Nous visons à former des gens à cette double compétence-là.»

Camille Sztejnhorn

Concernant les étudiants, FROJAL (l’actionnaire majoritaire du groupe) vient d’annoncer la création de l’Institut d’Économie Durable (IED) que vous venez de mentionner. De quoi s’agit-il, concrètement?

Camille Sztejnhorn: «L’IED est une école supérieure qui vise à former des experts pouvant intégrer les critères ESG au cœur des différents métiers. Donc dans les directions financières, les directions juridiques, et même dans les directions générales, car il y a évidemment là un véritable enjeu stratégique. Aujourd’hui, nous avons vraiment besoin que tous ces professionnels soient à la fois des experts dans leurs métiers mais aussi de fins connaisseurs de tous ces enjeux. Et qu’ils comprennent à la fois le pourquoi et le comment. A l’IED, ce n’est pas l’un et l’autre côte à côte, mais l’un avec l’autre. Par exemple: oui, je sais travailler des reportings, mais je vais aussi travailler à une finance verte, à une comptabilité intégrée. La double matérialité est un outil stratégique qui peut être utilement et pratiquement absorbé par les entreprises. Nous visons à former des gens à cette double compétence-là.»

Pour conclure, vous êtes également membre du conseil d’administration du C3D, ainsi que du conseil stratégique de GenAct qui vient d’être lancé par ce même C3D… 

Camille Sztejnhorn: Oui, je crois beaucoup à GenAct. Je soutiens totalement cette initiative que certains peuvent décrire comme utopique, mais j’aime bien cette phrase qui dit que ceux qui pensent que c’est impossible ne doivent pas empêcher les autres d’essayer ! On y va, et on y croit très fort! 

Bon à savoir: Bertrand Badré, ancien Directeur Général de la Banque Mondiale, est le parrain des promotions 2025-2026 de l’IED. Les candidatures sont ouvertes pour la rentrée de septembre prochain. Plus d’informations sur www.ied-paris.fr 

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