Karine Vernier, CEO d’EIT InnoEnergy France, nous dévoile les actions et projets menés par cette organisation pour promouvoir la transition énergétique en Europe.
InnoEnergy, c’est quoi ?
EIT InnoEnergy est une structure hybride, à la fois publique et privée, dédiée à la transition énergétique en Europe. Son but est de créer des emplois, garantir la souveraineté européenne en matière d’innovation et d’industrie, tout en développant des activités rentables à long terme. L’énergie, étant une ressource essentielle pour de nombreux secteurs, est au cœur de ces transformations, de la mobilité à l’industrie, en passant par la vie quotidienne.
L’innovation au service de la transition énergétique
InnoEnergy reçoit des demandes très variées, car l’énergie touche de nombreux aspects de notre quotidien. Les solutions recherchées doivent permettre de décarboner les différents secteurs tout en réduisant la consommation énergétique, que ce soit dans la mobilité, l’industrie ou dans nos habitudes de tous les jours. L’hydrogène, par exemple, est une solution innovante qui se retrouve dans divers domaines, notamment la mobilité, l’industrie et même l’habitat, avec des projets de mélange d’hydrogène au gaz naturel pour les chaudières.
Hydrogène et batteries : des solutions transverses
Les solutions soutenues par InnoEnergy sont souvent transverses. L’hydrogène, déjà mentionné, illustre cette transversalité en étant présent dans plusieurs secteurs. De même, le marché des batteries est essentiel pour le développement des véhicules électriques et le stockage de l’énergie, notamment en réponse à la production intermittente des énergies renouvelables. Le stockage de l’énergie sera d’ailleurs l’un des défis majeurs des années à venir. Une autre innovation prometteuse est le « vehicle-to-grid », qui permettrait d’utiliser les voitures électriques comme des unités de stockage d’énergie mobiles, capables de renvoyer de l’énergie dans le réseau. Cette technologie, bien que pas encore massivement déployée, est prête et devrait se généraliser dans les cinq prochaines années.
L’accompagnement d’InnoEnergy : éducation, innovation et GigaFactories
L’accompagnement offert par InnoEnergy se décline en trois axes principaux. Le premier est l’éducation et la formation, un volet essentiel pour préparer les jeunes, mais aussi les professionnels en reconversion, aux métiers de la transition énergétique. Ce volet est indispensable pour éviter de laisser des populations sur le carreau dans un contexte de mutation industrielle.
Le second axe concerne le soutien aux innovations, souvent issues des universités ou des centres de recherche. InnoEnergy accompagne ces jeunes entreprises dans leur parcours vers la commercialisation à l’échelle européenne, en les aidant à réduire les risques non seulement technologiques, mais aussi dans le domaine du business ou du recrutement.
Le troisième axe consiste à identifier les technologies matures qui nécessitent une mise en œuvre à grande échelle. C’est dans ce cadre qu’InnoEnergy développe des GigaFactories, afin de démontrer que ces technologies peuvent être déployées de manière compétitive sur le marché.
Verkor, Gravity, Holosolis : les GigaFactories en France
Parmi les projets de GigaFactories soutenus par EIT InnoEnergy, Verkor est l’un des plus emblématiques.
Verkor
L’usine Verkor, située à Dunkerque, est dédiée à la production de batteries pour véhicules électriques. La construction de cette gigantesque usine a déjà commencé, et son ampleur est impressionnante. Verkor prévoit de lancer la production en 2025, ce qui en fait un acteur clé dans la chaîne de valeur des batteries en Europe. Ce projet est soutenu par le Verkor Innovation Center, basé à Grenoble, qui a été construit en un temps record. Ce centre pilote permet à Verkor de tester et optimiser ses lignes de production avant leur installation dans la GigaFactory de Dunkerque. Ainsi, Verkor gagne du temps sur les réglages techniques et prépare le terrain pour les futures innovations qui seront mises en œuvre dans l’usine.
Gravity
Gravity est un autre projet ambitieux, localisé à Fos-sur-Mer, consacré à la production de fer décarboné grâce à l’utilisation d’hydrogène. L’usine Gravity est colossale : elle consommera environ sept térawattheures d’électricité par an, soit l’équivalent d’une tranche nucléaire. Capable de produire l’équivalent d’une tour Eiffel par jour en fer décarboné, cette installation contribuera à la réduction des émissions de CO2 dans l’industrie sidérurgique. Le projet a déjà terminé la phase de concertation avec la Commission nationale du Débat Public et les autorités locales. La fin des études d’ingénierie est prévue pour 2025, et l’usine devrait commencer à sortir de terre en 2027, avec les premiers lots de production attendus cette même année. Grâce à sa situation géographique sur le port de Fos-sur-Mer, Gravity bénéficiera d’un accès direct au marché européen, desservant le Sud de l’Europe et au-delà.
Holosolis
Enfin, Holosolis est un projet de GigaFactory dédiée à la production de cellules et panneaux photovoltaïques, située à Hambach, dans la Moselle, au nord de la France, près de la frontière allemande. Cette usine vise à répondre à la demande croissante de panneaux solaires en Europe. Elle bénéficie de la forte culture industrielle de la région, ce qui facilitera le recrutement de main-d’œuvre qualifiée. Holosolis occupe une position stratégique au carrefour de l’Europe, permettant de desservir efficacement les marchés du Nord et du Sud de l’Europe. En traçant un cercle autour de l’usine, on constate qu’elle est idéalement située pour approvisionner des pays comme les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et, bien sûr, la France. Ces pays sont parmi les plus grands consommateurs de panneaux photovoltaïques, et Holosolis ambitionne de répondre à cette demande tout en réduisant l’empreinte carbone de la production en Europe.
La régulation : clé de la compétitivité européenne face à l’Asie
Face à la concurrence asiatique, notamment la Chine, la seule solution pour maintenir la compétitivité de l’Europe est la régulation. InnoEnergy collabore étroitement avec la Commission européenne pour conseiller et proposer des mesures de régulation visant à protéger les frontières européennes et à favoriser les produits fabriqués en Europe avec une empreinte carbone réduite. En effet, la production chinoise repose sur des processus fortement carbonés et des conditions de travail discutables. En instaurant une régulation, l’Europe pourra non seulement défendre ses intérêts économiques, mais aussi promouvoir des pratiques de production éthiques et durables. Le coût d’un panneau photovoltaïque fabriqué en Europe ne représente qu’une petite partie du coût total d’une installation, rendant ainsi les produits européens plus avantageux si une régulation efficace est mise en place.
Les alliances européennes pour une régulation efficace
EIT InnoEnergy joue un rôle majeur dans l’animation d’alliances européennes dédiées à la transition énergétique. Il s’agit notamment de l’Alliance européenne de la batterie, l’Alliance européenne de l’industrie photovoltaïque (ESIA) et du Centre européen d’hydrogène décarboné. Ces initiatives rassemblent les acteurs de la chaîne de valeur, des industries aux centres de recherche, en passant par les universités. Ensemble, ces parties prenantes définissent les règles de marché nécessaires pour instaurer des conditions commerciales justes en Europe. Ces recommandations sont ensuite transmises à la Commission européenne, qui agit pour protéger le marché européen et soutenir les industries locales.
La protection du marché européen : une nécessité pour l’industrie
Il est essentiel de protéger le marché européen pour assurer la viabilité de la production locale. Sans une demande régulée, produire massivement en Europe perd de son sens économique. Il est donc impératif d’établir une régulation pour garantir une demande adéquate, faute de quoi les entreprises risquent de subir de lourdes pertes financières. L’équilibre entre production et régulation du marché est ainsi la clé pour faire prospérer les industries sur le territoire européen.
Vers une souveraineté énergétique européenne
La crise énergétique de 2022 a souligné la nécessité pour l’Europe de renforcer sa souveraineté en matière de production d’énergie. Avant cela, la pandémie de Covid-19 avait déjà révélé la dépendance de l’Europe dans plusieurs domaines, y compris l’énergie. Le défi actuel est double : retrouver une autonomie énergétique tout en produisant à des coûts compétitifs. Le développement du biogaz, issu de la méthanisation, illustre cette volonté. Le biogaz est une solution vertueuse, car il repose sur une économie circulaire qui utilise les déchets pour produire de l’énergie, tout en offrant un revenu complémentaire aux agriculteurs.
En parallèle, la relance de la production de nucléaire en Europe, et notamment en France, est également perçue comme une nécessité pour assurer une énergie de base décarbonée et disponible en continu. L’Espagne, quant à elle, bénéficie de surcapacités dans la production de photovoltaïque, mais le défi réside désormais dans le stockage de cette énergie pour garantir une production stable. Grâce à un coup d’accélérateur post-crise, l’Europe pourrait atteindre ses objectifs de souveraineté énergétique d’ici à 2030.
Le Business Booster : catalyseur de la transition énergétique
L’un des événements phares organisés par EIT InnoEnergy est le Business Booster, qui se déroulera cette année à Barcelone les 16 et 17 octobre. Cet événement est devenu une référence pour tous les acteurs de l’innovation dans la transition énergétique : start-ups, industriels, investisseurs, institutions européennes, et même universités et centres de recherche. Ces acteurs se retrouvent pour partager des solutions, conclure des affaires, nouer des partenariats stratégiques et accélérer la transition vers des technologies décarbonées. C’est un lieu de rencontres stratégiques, avec plus de 3000 rendez-vous qualifiés chaque année et plus de 1500 participants. Le Business Booster rassemble l’écosystème complet d’EIT InnoEnergy, avec plus de 150 start-ups qui exposeront leurs solutions. Cet événement est un lieu d’échanges où des décisions cruciales sont prises, accélérant ainsi la mise en œuvre de projets concrets.
Le Business Booster permet aux participants de trouver des partenaires industriels, des investisseurs ou même des opportunités d’emploi. Il se distingue par son ambiance collaborative. Les échanges y sont facilités, sans barrière hiérarchique, ce qui permet aux participants de créer des synergies rapidement.
Un équilibre européen et une présence française marquée
Bien que le Business Booster soit un événement européen, la France y est fortement représentée, notamment grâce à la présence de plusieurs start-ups françaises. EIT InnoEnergy est implantée dans 19 pays, avec six grands pôles de présence, dont la France. Cette implantation permet de capter davantage de start-ups locales. Cependant, la représentation globale reste équilibrée entre les pays européens, y compris ceux en dehors de l’Union européenne, comme la Norvège et la Serbie.
La politique industrielle française, avec des initiatives comme France 2030, a également joué un rôle crucial dans l’essor de nombreuses industries, y compris dans la création de Gigafactories. Le projet Holosolis, par exemple, illustre la capacité de la France à attirer des projets industriels majeurs grâce à des offres compétitives. En proposant des terrains clé en main, un soutien en subventions et une intégration avec les filières scolaires pour former la main-d’œuvre locale, la France a su se positionner comme un choix stratégique pour l’implantation de ces usines de production.