Un rapport publié mi-avril vient mettre en avant les failles du nouveau modèle développé par le secteur automobile. Un modèle qui -si l’on ne prend pas les mesures nécessaires- risque de devenir à la fois bien plus coûteux pour le consommateur et beaucoup plus polluant pour la planète.
Depuis sa création en 2015, l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP) lutte pour la durabilité des produits et contre l’obsolescence programmée des produits du quotidien. C’est elle, notamment, qui en 2022 a déposé plainte contre la firme Apple pour obsolescence programmée et entrave à la réparation. C’est elle aussi qui a obtenu la mise en place d’un Conseil National de la réparation qui s’est tenu pour la première fois en septembre dernier. L’association loi 1901 a publié à la mi avril un rapport qui a fait grand bruit, consacré au risque de développement des «voitures jetables», que celles-ci soient thermiques ou électriques.
«La moitié des constructeurs seulement proposent des batteries réparables, une information qui passe sous les radars des consommateurs.»
Rapport HOP, avril 2024.
Les voitures de demain auront-elles la vie courte?
En introduction de ce rapport, HOP s’interroge: «Le secteur automobile est longtemps resté un modèle d’économie circulaire et de durabilité. Cette époque pourrait bientôt être révolue. La durée de vie d’un véhicule en France est aujourd’hui en moyenne de dix-neuf ans. En sera-t-il de même pour les voitures de demain?» En cause, une obsolescence programmée qui pourrait bien s’avérer de plus en plus polluante et coûteuse. Pour ces experts, le principal point d’achoppement se situerait aujourd’hui dans les batteries électriques. Du moins certaines. «Certains constructeurs optent pour des batteries rendues irréparables.» Et le rapport de citer les pratiques de Tesla dont des kilos de mousse emprisonnent les batteries dans un bloc irréparable. «La moitié des constructeurs seulement proposent des batteries réparables, une information qui passe sous les radars des consommateurs. Réparer les composants permettrait pourtant de réparer jusqu’à dix fois moins cher.» Hélas, «aujourd’hui, si une batterie dysfonctionne ou est endommagée par un accident, rien n’assure l’automobiliste de la disponibilité de la batterie, ni de pouvoir la réparer ou la remplacer par une neuve ou reconditionnée. Il pourrait donc être contraint de remplacer la voiture entière !», précise encore le rapport.
L’empreinte environnementale du secteur automobile pourrait augmenter encore
Autre point montré du doigt par HOP: le giga-casting, à savoir «une pratique industrielle qui consiste à mouler d’un bloc de nombreuses pièces de la voiture. Cela pourrait augmenter considérablement le prix de la réparation et obligerait à jeter une grande partie du véhicule après un choc. HOP dénonce les conséquences de cette pratique initiée par Tesla et BYD, progressivement reprise par d’autres constructeurs.» Reste encore l’ultra connectivité qui transforme les véhicules en «smartphones sur roues». «Miniaturisation, obsolescence des composants, risque d’obsolescence logicielle, complexification pour les réparateurs, pièces indisponibles, pratique de sérialisation, entraves à l’accès aux données constituent autant de pratiques remettant en cause le droit à la réparation des automobilistes à un prix abordable. (…) Sans une politique d’économie circulaire ambitieuse pour les voitures électriques, la pression sur les ressources naturelles liée à la fabrication, exacerbée par un renouvellement accéléré, aggrave l’empreinte environnementale du secteur.»
Sept recommandations pour un modèle plus vertueux
Ainsi, face à l’obsolescence accélérée et planifiée des voitures thermiques et électriques ainsi que le phénomène de «voiture jetable » qu’elle craint, l’association émet non moins de sept recommandations à l’intention des pouvoirs publics et des décideurs. Parmi celles-ci, intégrer des normes de durabilité et de réparabilité des batteries en Europe. «HOP recommande une durée de disponibilité de quinze à vingt ans pour les batteries et toutes autres pièces détachées ou composants essentiels, en cohérence avec la durée de vie des véhicules.» Autres demandes, garantir la démontabilité des véhicules, favoriser le marché des pièces détachées issues de l’économie circulaire, et proposer un indice de réparabilité. «Le principal atout de cette mesure serait l’information du consommateur au moment de l’achat sur les coûts d’entretien et de réparation qu’il devra assumer au long de la vie du véhicule.» Enfin, ultimes recommandations, l’extension de la garantie légale, prévenir l’obsolescence logicielle des véhicules et «encadrer les filières à responsabilité élargie des producteurs pour prioriser la réparation et le réemploi.»