À la Réunion, la vieille distillerie de rhum produit plus d’énergies qu’elle n’en consomme !

Par Laurent F.
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Ile de la Réunion

À Saint-Benoît, au cœur de l’Océan Pacifique, la distillerie Rivière du Mât est l’une des plus vieilles à rester encore en activité. Du haut de ses 138 ans d’exercice, forte d’une RSE jugée exemplaire, elle produit aujourd’hui sa propre énergie, et en distribue même à l’équivalent de 2 000 foyers réunionnais. Mais comment? 

Fondée en 1886 à Saint-Benoît, sur la côte est de l’île de la Réunion, la Distillerie Rivière du Mât tient sa renommée de la qualité de ses rhums élaborés à partir de mélasse issue des plantations de cannes à sucre locales. Un artisanat et un savoir-faire ancestraux qui ne laissent rien au hasard. Et qui répondent surtout à nombre d’exigences.

Ainsi, précurseuse en la matière, la distillerie s’est engagée depuis de longues années déjà dans une politique RSE particulièrement forte. Pour ce faire, elle a déployé une démarche citoyenne et responsable favorisant le bien-être au travail. Inscrite dans le patrimoine historique de l’Île, en plus de ses rhums elle distille également un véritable travail de pédagogie, notamment à l’occasion des visites guidées sur son site de production, La Cheminée de Beaufonds, une ancienne usine sucrière inscrite aux Monuments Historiques depuis 2002. Ou lors d’interventions dans des entreprises et des collectivités. Reste le volet environnemental. Et c’est justement par ce pilier que la Distillerie Rivière du Mât a marqué le début de sa démarche RSE!

La méthanisation au cœur du projet

En 2011, l’entreprise commence à valoriser la vinasse, des coproduits de distillation qui étaient jusque-là rejetés en mer. À cette époque, les préoccupations environnementales ne sont pas encore celles que nous connaissons aujourd’hui. L’idée: les valoriser énergétiquement. Un premier méthaniseur ouvre donc dès 2012, qui permet déjà de recycler plus de la moitié de la vinasse produite sur le site. Mais cela ne suffit pas : l’entreprise met en service un second en 2020, suivi, deux ans plus tard, d’une unité de cogénération fabriquant de l’électricité à partir du biogaz. Résultat, après treize ans d’un long travail, le biogaz aujourd’hui produit par la méthanisation de la vinasse est devenu excédentaire. La distillerie produit donc désormais plus d’énergie qu’elle n’en consomme.

Comment la vinasse est-elle valorisée ?

Soutenu par l’ADEME à hauteur de 900 000 euros (pour un coût global conséquent puisqu’annoncé à 14,3 millions d’euros), le projet de la Distillerie du Mât repose sur des principes finalement assez simples. L’ADEME explique: « Le biogaz produit par les méthaniseurs vient chauffer les colonnes de distillation de l’usine, ce qui permet de valoriser ce qui était autrefois des déchets, tout en remplaçant les énergies fossiles. Le processus de distillation étant très énergivore, l’usine est ainsi passée de la consommation de 1 500 m³ de fioul par an à moins de 70 m³ aujourd’hui ! » Mais, pour ses dirigeants, il s’agit aussi de contribuer au mix énergétique du territoire. Depuis 2022, l’entreprise réinjecte dans le réseau EDF l’électricité produite en brûlant le biogaz, alimentant ainsi l’équivalent de 2 000 foyers réunionnais.

En résumé, la Distillerie du Mat, c’est aujourd’hui 7 600 MWh de chaleur produite par an et 7 700 MWh d’électricité, tandis que 94% de l’énergie consommée est renouvelable. « Mais le processus vertueux ne s’arrête pas là, précise encore l’ADEME. En produisant le biogaz, les méthaniseurs libèrent des boues fertilisantes: parfois rejetées en mer, elles sont ici réutilisées dans les champs de canne à sucre voisins, permettant aux agriculteurs de réduire de moitié leur utilisation d’engrais chimiques. »

Une exemplarité largement saluée

Fort de cet engagement (et surtout de ces résultats), c’est sans surprise que la Distillerie a obtenu en 2023 le label Afnor Engagé RSE au niveau « Exemplaire ». Ce qui en fait à ce jour l’unique entreprise sur l’ile de la Réunion (mais aussi dans l’ensemble des DOM-TOM) à avoir obtenu un tel niveau de labellisation. En France, on compte seulement 17% d’entreprises labelisées « Engagé RSE » à s’être vues évaluer « Exemplaires ».

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